Le Père Noël habite en Laponie, qui accueille touristes et charters. Du moins c’est ce que disent les Finlandais. Selon les Norvégiens, il dort chez eux, près du cercle polaire. Il est au Pôle Nord, pour les Américains. En Russie, selon les Russes. Un bureau spécialisé au Canada répond aux lettres d’enfants, c’est dire qu’il y est chez lui. Comme au Brésil, ou au Danemark. En France son secrétariat a été installé à Libourne, il boit du bordeaux. Le Père Noël est aussi français.
Dans les temps anciens, on faisait d’un esclave un roi, le temps de l’égorger
Le vrai Père Noël, saint Nicolas, un Grec vénéré en Lorraine, a sa tombe à Bari, en Italie. Des marchands italiens avait volé sa relique, en Lycie, lorsque les Turcs envahissaient la région. La fête de Noël, elle, celle du Soleil Invaincu, instituée par Aurélien, s’inspire des Saturnales. On y élisait le Roi de la Fête, Roi de Carnaval : les esclaves y remplaçaient les maîtres. Dans les temps anciens, on sacrifiait le roi : c’est pourquoi on faisait d’un esclave un roi, le temps de l’égorger. A méditer pour ceux qui croient aux cadeaux. Le Père Noël, c’est le père Fouettard. Tout cadeau se paie.
Dans le temple de Saturne, qui dévorait ses enfants, dieu déchu de l’âge d’or, les Romains entreposaient le trésor. D’où les cadeaux, et les recettes. Parmi les miracles de saint Nicolas, celui-ci : lors d’une famine, trois bateaux chargés de vivres, se réfugièrent dans le port de Myre à cause d’une tempête. Il promit aux capitaines qu’ils arriveraient à Constantinople, s’ils donnaient un peu de leur blé aux habitants de Myre : une petite taxe garante d’un voyage tranquille. Les marchands acceptèrent, les navires arrivèrent à bon port. Quand on mesura la quantité de blé, elle était identique à celle du départ, comme si saint Nicolas n’avait rien prélevé. Miracle des petits pains ou du capitalisme rentier.
Le Père Noël est parmi nous : la BCE, c’est-à-dire l’Allemagne, paiera. Tant qu’elle paiera.
Ce miracle a lieu tous les jours au temple de l’Etat : la dette de la France dépasse 3000 milliards. Elle a doublé en moins de dix ans. Cette année, la France sera encore le plus important emprunteur d’Europe : 200 milliards… Qu’importe, le Père Noël est parmi nous : quand il n’y en a plus, il y en a encore. La BCE, c’est-à-dire l’Allemagne, paiera. Tant qu’elle paiera.
Où vont les cadeaux ? Sur 1000 euros dépensés par l’Etat, les dépenses sociales représentent 573 euros : 248 pour les retraites, 208 pour la santé (dont 63 pour l’hôpital), 37 pour les familles, 39 pour le chômage.
C’est pourquoi les premières réformes touchent les retraites et l’indemnisation du chômage. L’hôpital est dans une telle urgence qu’il est impossible de tailler dans les dépenses. Seule une profonde réforme de l’économie de la santé permettrait de mieux soigner et mieux répartir les dépenses. Personne ne l’envisage. Dommage, il existe des pays où elle a eu lieu avec succès, comme les Pays-Bas ou l’Allemagne, ou le Père Noël des urgences n’est pas désespéré.
Les dépenses d’enseignement représentent 89€. Là est l’avenir ! Pauvre avenir ? La qualité, selon les enquêtes internationales, plonge. Les aides à l’économie ont atteint 117€ (chèques carburant, subventions) dont 35€ pour les transports (on comprend la grève, tradition de Noël, qui laisse 200.000 personnes sur les quais) et 8€ pour les énergies renouvelables. C’est plus que pour la culture, le sport et les loisirs mêlés dans une étrange confusion comptable : 29€.
29€ aussi pour la Justice et la Police. Presque autant pour la défense : 30€.
Les services généraux coûtent 72€ : 30€ pour les administrations locales, 32€ pour l’Etat central (dont 1€ pour la Présidence de la République et le Parlement (la démocratie coûte cher ?). Le train de vie de l’Etat n’est pas excessif, les fonctions régaliennes sont mineures, les hiérarchies ne sont pas celles que l’on croit.
Les intérêts de la dette publique atteignent déjà 26 euros. Avec la hausse des taux, les déficits perpétuels, le FMI alerte.
Malgré les sommes investies dans les dépenses sociales, la paupérisation gagne. Les salaires sont bas. Depuis trente ans, le pouvoir d’achat des Français augmente bien moins que chez nos voisins, à part l’Italie. Qui ne constate un mal-être dans l’enseignement, l’hôpital, les transports ?
L’état de dépendance financière d’un pays sous développé.
Que faire ? Les prélèvements obligatoires sont à un niveau record. Ils pèsent sur les marges des entreprises, donc sur l’investissement, les salaires, l’emploi. Impossible d’augmenter les impôts : les entreprises françaises restent les plus taxées d’Europe. La désindustrialisation est le résultat de ces charges réglementaires et financières excessives. Le commerce extérieur en témoigne : la zone euro est excédentaire (c’est pourquoi les critiques sur le « naïveté » européenne et le libre-échange se trompent), la France est l’exception déficitaire. Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Pays-Bas, Allemagne, Autriche, Slovénie… tous ont un solde commercial positif. Ce qui est vraiment préoccupant, plus que la balance commerciale (qui est par nature équilibrée), c’est la position extérieure de la France, négative de près de 700 milliards, un tiers du PIB : l’état de dépendance financière d’un pays sous- développé.
Ces chiffres traduisent des réalités : la moitié des Français ont un revenu net inférieur à 2000€. En Suisse, le Smic est à 3400€. 200.000 Français vont donc y travailler, immigrés d’un jour.
Comment prétendre diriger les affaires du monde en tendant la main pour régler les fins de mois ? L’Allemagne peut désormais oser, elle en a les moyens. La rapidité avec laquelle elle a décidé d’augmenter de 100 milliards d’euros ses investissements militaires est impressionnant. Le Japon fait de même, dans cette course au réarmement induit par la guerre russe et l’expansion chinoise.
Il n’y a qu’une façon de résoudre l’équation : investir dans une nouvelle croissance.
Comment la France serait-elle écoutée sans redresser son économie, sans redevenir un pays modèle ?
Difficile de couper dans le budget de l’Etat, la sécurité, la police, la justice. Les dépenses sociales ? Mais les dépenses contraintes se sont alourdies pour les Français, notamment le logement, l’énergie. Les hausses des prix rognent le pouvoir d’achat. Sans compter la transition énergétique. Bref, droit devant, c’est l’impasse.
Il n’y a qu’une façon de résoudre l’équation : investir dans une nouvelle croissance. Elle existe : la croissance américaine est à 3,2%.
Qu’est-ce que la nouvelle croissance ? Celle des nouveaux métiers, des anciens métiers transformés par les nouvelles technologies : l’agriculture avec l’intelligence artificielle, la médecine avec la robotique, le textile avec les nouveaux matériaux. Ce qui, contrairement à ce que l’on croit, laisse plus de place à l’humain : ce que seul l’humain peut faire.
C’est l’e-administration, l’e-mobilité, les énergies nouvelles (ou anciennes mais nouvelles dans leur conception, le nucléaire, la géothermie, l’hydrogène, les biocarburants). C’est l’intelligence, le savoir, l’école, l’université, la formation, mais pas celles d’hier : mille autres façons d’apprendre et d’étudier se font jour dans le monde, de la Californie à la Finlande ou en Corée.
Changer les façons de travailler, diriger, produire, consommer, administrer, légiférer, taxer, gouverner.
La France -et l’Europe- ont raté la révolution digitale. Ce qui explique cette panne de croissance par rapport à l’Asie ou aux Etats-Unis. Mais cette révolution n’en est qu’à ses débuts. Il faut oser changer les façons de travailler, diriger, produire, consommer, administrer, légiférer, taxer, gouverner. Une société nouvelle émerge, si elle continue de croire aux Pères Noël, elle tombera sur les Pères Fouettard : ce sont les mêmes.
Il n’y aura pas de cadeau, mais beaucoup d’opportunités, d’aventures, d’inconnus et donc de chances. Alors Joyeux Noël : la déesse de la fortune sourit aux audacieux! Qui ose guérit.
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site lesfrançais.press
Laisser un commentaire