Des macronistes s’associent à la gauche pour défendre la régularisation des travailleurs sans papiers

Des macronistes s’associent à la gauche pour défendre la régularisation des travailleurs sans papiers

Une initiative rare réunit l’aile gauche de la majorité et plusieurs personnalités de la gauche en soutien à la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, promise par le gouvernement mais aujourd’hui en danger.

Le défaut de majorité absolue pour le camp présidentiel oblige, depuis maintenant plus d’un an, à des compromis avec les oppositions. Une cinquantaine de textes ont ainsi été adoptés, avec le soutien tantôt de la droite — relance du nucléaire —, tantôt de la gauche — développement des énergies renouvelables. Parfois, le gouvernement a été contraint de recourir à l’article 49.3 de la Constitution, pour les budgets et la réforme des retraites.

Le combat sera d’autant plus délicat pour le projet de loi immigration à venir, débattu au Sénat à partir de début novembre. La droite, qui règne sur la chambre haute et est déterminante à l’Assemblée nationale, pose ses conditions, refusant notamment la régularisation des travailleurs sans papiers. Or c’est précisément les voix des Républicains que lorgne l’exécutif, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin en tête.

Les LR s’opposent fortement à la régularisation des travailleurs des métiers en tension, pourtant promise par le ministre de l’Intérieur lui-même il y a déjà plus d’un an. Il y est toujours favorable, mais pourrait être tenté d’exclure la mesure du projet de loi, pour la faire passer par voie réglementaire, afin de se garantir le soutien de la droite.

Pour faire pression, l’aile gauche de la majorité s’est associée à une partie de la NUPES pour réaffirmer son soutien à cette mesure, qui doit, selon eux, être concrétisée et incluse dans la loi.

La contre-offensive réunit, dans une tribune publiée dans le quotidien Libération du 12 septembre, entre autres, le président Renaissance de la commission des Lois Sacha Houlié, le leader communiste Fabien Roussel, la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie et la sénatrice Mélanie Vogel, co-présidente du Parti vert européen.

Parmi les groupes représentés : Renaissance, le Modem, Europe Ecologie-Les Verts, le Parti socialiste, le Parti communiste français et des indépendants de LIOT. Signe des divergences dans la majorité, il n’y a aucune trace des parlementaires Horizons, représentants de l’aile droite. La France insoumise n’a pas non plus pris part à l’initiative.

« Sortir de l’hypocrisie »

Les signataires demandent au gouvernement de prendre trois mesures « pour l’accès des personnes étrangères au travail ». D’abord, la mesure phare est la régularisation – octroi d’un titre de séjour – des étrangers irréguliers déjà en poste « dans les secteurs en tension », à savoir « le BTP, l’hôtellerie-restauration, la propreté, la manutention, l’aide à la personne ».

« Ces travailleurs sans papiers contribuent à l’économie et à la vie sociale de notre pays. Sans eux, ces secteurs et des pans entiers de notre pays ne pourraient fonctionner », rappellent-ils.

Ils souhaitent aussi « rétablir le droit au travail pour les demandeurs d’asile », aujourd’hui soumis à « un délai d’attente de six mois avant de pouvoir demander une autorisation de travail ». Cette règle nuit autant à leur autonomie qu’à leur intégration, jugent les députés.

Troisièmement, « la situation d’embolie des préfectures », qui ne pouvant répondre dans les temps à toutes les demandes, « conduit à fabriquer chaque jour de nouveaux sans papiers ». Ainsi, les élus demandent que soit fixé « un délai maximal à l’administration pour accorder un rendez-vous ».

Sacha Houlié, l’un des instigateurs de l’initiative, défend la nécessité de « sortir de l’hypocrisie », mardi sur France inter. Selon le député, des parlementaires Les Républicains demandent en douce des régularisations au gouvernement dans leurs circonscriptions, alors qu’à Paris, dans l’hémicycle, ils s’y opposent. Les entreprises, premières concernées par les tensions sur le marché du travail, y sont également favorables.

travailleurs sans papiers Sacha Houlié, l’un des instigateurs de l’initiative, défend la nécessité de « sortir de l’hypocrisie » en régularisant les travailleurs sans papiers. [EPA-EFE/CHRISTOPHE PETIT TESSON]

Un examen délicat et un possible 49.3

Le projet de loi, porté par Gérald Darmanin, doit être examiné à partir de début novembre au Sénat, avant de passer à l’Assemblée nationale au début de l’année 2024.

Il n’est pas exclu que, faute de majorité, le gouvernement soit contraint de recourir une nouvelle fois à l’article 49.3 pour faire adopter le texte sans vote. En effet, la droite demande non seulement de faire une croix sur les régularisations, mais également de permettre de déroger à la législation européenne en matière d’immigration. Ce que le ministre de l’Intérieur qualifiait en mai dernier de « Frexit migratoire ».

Pour éviter l’adoption sans vote, le gouvernement doit s’assurer de l’abstention d’élus de gauche — qui ne voteront pas en faveur en raison du durcissement des expulsions —, sur le vote favorable de quelques députés de droite et des indépendants de LIOT. À condition, avant tout, que la majorité elle-même ne se fracture pas.

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