Des Europes, des zéros et des égos.

Des Europes, des zéros et des égos.

750 milliards ! On dirait le loto. Chacun d’y aller de son classement, qui a gagné, qui a perdu, combien l’Espagne, combien l’Italie… et la France, elle a perdu ou elle a gagné ?

Ah, ces Allemands, ils paient mais c’est eux les plus malins : Tout çà pour qu’on leur achète des voitures. Et les Bataves ? Quel culot! Ils paient rien, ils encaissent 25% des droits de douane, ont droit à une ristourne, font du dumping fiscal, et ils râlent ? Tout çà parce qu’ils prennent leur retraite à 67 ans et les Italiens à 62 ? De quoi ils se mêlent ? Ils veulent qu’on aille regarder ce qui se passe dans leurs ports, qui nous piquent tout le trafic européen ? Et le Kurz, là, qui nous fait la leçon, un coup avec l’extrême droite, un coup avec les écolos, on va lui rappeler la rigueur, à lui aussi. Enfin bon. Ne pas s’énerver, contrairement à Macron, et regarder l’Europe, les Europes, bien en face.

Parce qu’à l’évidence, il y a plusieurs Europes : Les frugaux du nord, le club Med du sud, les illibéraux de l’est, les néolibéraux irlandais, les Belges divisés comme les Balkans. Sans compter les institutions qui s’entrechoquent : La Cour de Justice qui annule l’amende de 13 milliards contre Apple, la Commission qui bégaye son plan, le Conseil Européen qui marathonne, le Parlement qui bloque, la BCE qui tamponne les eurobonds, pendant que le coronavirus batifolle, que la Méditerranée tempête, que la Reine d’Angleterre prend le large.

Pour tout cela, justement, bravo. L’uniforme ne sied pas à l’Europe. Elle est diverse, contradictoire, bariolée. Imagine-t-on une seule tête en Europe ? Un Poutine, un Trump, un Xi Jinping ? Quel ennui, quel danger! Objet Politique Non Identifié, l’Europe n’est ni un Etat, ni un super État, ni une fédération, ni une confédération, elle est en cours.

Et c’est tant mieux. Parce que les nouvelles formes politiques, celles qui protègent les citoyens, qui assurent les sécurités de toute sorte, qui sont efficaces, qui succéderont aux Etats-nations à bout de souffle, sont en cours, elles aussi.

Plusieurs jours pour arriver à ce plan de 750 milliards, déjà annoncé, entre 27 Chefs d’Etat et de gouvernement ? Qu’est ce que cela veut dire ?

  1. Que le consensus est la règle. C’est une bonne chose. Le consensus est la garantie de préserver les intérêts des plus petits. Si les plus gros, les plus riches, les plus forts décidaient seuls, ce serait un diktat. Ce qui ne marche qu’un temps.
  2. Que cela n’empêche pas de décider. 750 milliards, avec les plans nationaux, avec la BCE, c’est plus que n’en font les Etats-Unis, pourtant en pointe dans « la relance ».
  3. Que l’Europe, c’est la France et l’Allemagne. Elle a été faite, elle est faite, sur cette alliance, à laquelle les autres pays adhèrent, parce que c’est leur intérêt. Quand la France et l’Allemagne sont d’accord, les autres arrachent des concessions, et suivent. Quand la France et l’Allemagne ne s’accordent pas, l’Europe s’étiole.

Russie, Etats-Unis, Chine poussent leurs pions. Certains dirigeants européens sont dans la main des Russes et des Américains. En jeu, des milliards. Après ce sommet, l’Euro a grimpé. Contrairement aux nostalgiques des dévaluations, c’est heureux.

La Chine continue sa marche en avant

Au même moment, ANT Group, filiale de paiement du groupe chinois Alibaba, a fait son entrée en bourse à Shanghaï : 200 milliards. Sur les dix plus grandes entreprises mondiales, huit américaines, deux chinoises. Les valeurs technologiques, américaines et chinoises, ont gagné 20% durant la crise.

Alors savoir qui a gagné et qui perdu est puéril. On sait qui aurait gagné sans accord. Pas les Européens. Ce qui n’empêche de mesurer les conséquences.

  1. L’impôt européen est en marche. Emmanuel Macron a tort de dire que ce ne sont pas les Européens qui le paieront. Une taxe protectionniste n’est pas payée par le producteur, elle est payée par le consommateur. Les Européens paieront plus cher les services taxés, sous couvert de taxe carbone, de taxe Gafa ou de taxe sur les transactions financières. On peut le décider, alors on doit le dire.
  2. La France fait partie du club des pays fragiles. La France est en retard en matière d’investissements, d’organisation, d’adaptation. Pour elle, comme pour l’Italie, c’est la dernière chance. Si les 100 milliards du plan de relance servent à faire des cadeaux de campagne, la prochaine crise sera difficilement rattrapable. Or il y aura d’autres crises.
  3. On aurait pu arriver à un accord de ce type plus vite. S’il n’y avait le jeu des egos. Concentrer 27 grands chefs pendant cinq jours, la Commission et tous ceux qui les accompagnent, en les privant de sommeil, est une aberration. Sur le fond, ces cinq jours n’ont pas changé grand-chose Le principe, celui des Eurobonds était acté depuis l’accord franco-allemand. Plus les sociétés deviennent intelligentes et complexes, plus le processus de décision devrait être archaïque et concentré? Aberrant. Chaque ego voulait son zéro en plus ou en moins, ou à coté. Une anomalie à corriger, sinon ce seront des comités internes qui prendront les décisions, sans toujours en référer.

A quoi servent les Ambassadeurs ? Au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, il fallait parfois des jours pour se mettre d’accord rien que sur un agenda. Un métier.

L’avantage des ambassadeurs, c’est qu’ils sont inconnus. Des instructions par téléphone, çà marche. Pas d’ego.

Seulement des zéros : La Banque Centrale Européenne a désormais un chemin ouvert. Transparent ? Vers où ? Jusqu’où ?  

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