Démocratie cherche gouvernement

Démocratie cherche gouvernement

Un million ! Un million à vous brancher sur lesfrancais.press la semaine dernière, record battu (normalement, le site tourne à 450.000 sur un mois). Merci pour votre confiance. Trois piliers supportent une démocratie : l’élection, la justice, la presse. L’élection, c’est fait. La Justice donne la température de la santé de l’Etat (Un covid long). La presse est minée par les réseaux asociaux, reprend les fake news ou milite sans nuance.

Dans cette campagne, une candidate (de gauche) a jugé lesfrançais.press trop macroniste, un autre (macroniste) trop à gauche. Sur un million, deux plaintes, c’est peu. Ils ont tous les deux raisons : Lesfrancais.press donne la parole à tous, contrairement à Simone de Beauvoir, qui assénait : « La vérité est une, seule l’erreur est multiple. Ce n’est pas un hasard si la droite professe le pluralisme.[1] ». L’inculture politique est un danger public. D’où la nécessité d’un média qui donne une palette d’opinion, d’analyses, nourrit la réflexion.

« L’Impératrice est légitimiste ; le prince Napoléon est républicain ; Morny est orléaniste ; moi-même, je suis socialiste ; il n’y a que Persigny qui soit bonapartiste, et il est fou » disait Napoléon III. Lesfrancais.press a donc animé un débat un peu flou, avec des centaines d’interviews de qualité. Le temps est au mépris des politiques, injustice futile : Les candidats des Français de l’Etranger ont montré engagement, courage, sérieux, disponibilité. Merci à eux. Qu’est-ce que la liberté de vote si personne n’ose se présenter, se mettre en avant, c’est-à-dire, en danger ?  Y compris physiquement : 51 élus agressés. Tout esprit étroit, trop longtemps enfermé, victime de sa frustration, devient violent.

Non seulement les gouvernements changent, mais on peut même se passer de gouvernement.

L’important est de savoir qui va gouverner et pour quoi faire. Personne ne sait. C’est tout l’intérêt d’une démocratie : non seulement les gouvernements changent, mais on peut même se passer de gouvernement. Il suffirait d’appliquer les règles du « buon governo ». [2]

Qu’est-ce qu’un bon gouvernement ? Celui qui ne triche pas avec les citoyens. Mission impossible : tout gouvernement ment. C’est pourquoi il est bon d’en changer de temps en temps, lui fixer des bornes, le rendre transparent, à défaut d’être clairvoyant.

Transparente la lucidité d’un Joe Biden, qui a avoué s’être endormi debout pendant le débat face à Trump. Quel grand pays celui qui peut se contenter d’un endormi ou d’un excité sans sombrer ! Qui gouverne les Etats-Unis, qui les gouvernera demain ? Totale incertitude, puisqu’on ne sait même pas si Biden tiendra debout. Pourtant, l’économie américaine se porte à merveille, le pays reste sans vrai rival, malgré la Chine et son génie despotique où ne règne aucune incertitude, sinon celle de la date de l’implosion. Les Etats-Unis, même avec Trump-taliban, restent prévisibles. Surtout dans leur égoïsme. «Pas sérieux s’abstenir » énoncent les petites annonces. Sauf pour le gouvernement.

En France, on propose de remplacer des hommes sans expérience par des hommes plus inexpérimentés encore. Qui confierait son entreprise ou son équipe de foot préférée à un jeune homme de 28 ans qui n’a jamais rien fait de remarquable, sinon obtenu deux sur vingt à son dernier examen de géographie? Personne. Un tiers des Français pourtant. Pas de quoi inciter à travailler à l’école.

Le même jour on votait en Iran et au Royaume Uni. En Iran, un prétendu réformateur a été élu. « Le Monde », qui manque lui aussi de sérieux dans son roman quotidien, écrit benoîtement : « Selon les autorités électorales, la participation s’est établie à 49,8 %. ». Massoud Pezeshkian n’est pas un « réformateur », et la participation réelle fut inférieure à 10%. Peu importe, en Iran, le gouvernement compte moins que le Guide et les Gardiens de la Révolution. Seule incertitude: un régime en état de guerre permanente, intérieure et extérieure, peut-il empirer ? À votre avis ?

La faute à l’Europe, c’est l’excuse des ratés.

Au Royaume-Uni, les folles promesses de Boris le fou lors du Brexit ont tué le parti conservateur. L’immigration, argument clé des Brexiters, a doublé depuis la sortie de l’Union Européenne : un solde de + 700 000 par an aujourd’hui (entre 200 000 et 300 000 avant). La faute à l’Europe, c’est l’excuse des ratés.

Exit donc l’Indo-Britannique Rishi Sunak. Le nouveau Premier ministre Keir Starmer, est un travailliste modéré, dont le programme serait une provocation « néolibérale » pour le « Nouveau Front Populaire » national. L’échec du Brexit confirmé, apparaît l’opportunité de bâtir une nouvelle relation avec l’Union européenne. La France, quand elle aura un gouvernement, doit en prendre l’initiative. Le Royaume-Uni est un de nos premiers partenaires, notre allié le plus ancien avec les États-Unis (commencer par simplifier les visas des Français : rien n’interdit un accord bilatéral).

90 pays ont mis en place un « frein à l’endettement. »

En Allemagne, la coalition gouvernementale a conclu un accord sur le budget 2025 : relance économique, baisse d’impôts, augmentation du budget de la défense. Elle est tenue par une règle : le « frein à l’endettement ». Un « frein à l’endettement » est un impératif constitutionnel qui détermine l’augmentation maximale de la dette publique et le niveau maximal de déficit public. 90 pays ont mis en place un « frein à l’endettement. »

La Banque de France  a publié une étude qui montre qu’entre 1970 et 2018, ces pays ont « une performance significativement meilleure que les pays sans règles », aussi bien pour la croissance du produit intérieur brut que pour la consommation des ménages. Quelques exemples : l’Allemagne a réduit sa dette de 82% à 74 % du PIB. La Suède de 73 % à 40 %. La Suisse de 65 % à 45 %. Faut-il ajouter que dans ces pays les salaires ont suivi à la hausse, le pouvoir d’achat aussi ? Un gouvernement peut beaucoup sur le pouvoir d’achat, à long terme, s’il est sérieux. Le frein à l’endettement est un frein au pouvoir. Quelle bonne idée.

Le « bon gouvernement » empêche les dirigeants de faire des « cadeaux » aux électeurs, cadeaux que les électeurs citoyens contribuables paient très cher (rappelons que c’est l’ensemble du système économique qui paie l’impôt : ni les riches, ni les pauvres). Quand les finances publiques s’épuisent, les travailleurs paient les intérêts des emprunts à la « finance internationale » et aux « spéculateurs ». Quant à l’idée rigolote de payer la dette avec l’épargne des Français, procédé suggéré par une députée verte professeure d’économie, cela s’appelle du vol, ou encore une banqueroute. Inconvénient : tout emprunt ultérieur est impossible, puisque personne ne serait assez fou pour prêter à un tel gouvernement. Ce qui obligerait à un budget en permanence en équilibre, voire excédentaire. Une verte bolchevique et ultralibérale à la fois ? Comédie électorale, espérons-le.  

Préférence internationale 

La dépense nationale n’est pas une solution, pas plus que la préférence nationale (qui conduit à donner un faux privilège de nationalité, qui se paie cher). Le bon choix serait plutôt la « préférence internationale ». Non seulement parce que tout ce qui se passe dans le monde a un impact direct sur la vie quotidienne des Français, mais aussi parce qu’un « bon gouvernement » devrait copier, avec humilité, ce qui se fait de mieux dans le monde, en matière d’éducation, fiscalité, administration, sécurité, flux migratoire, pouvoirs locaux, etc. La planète est un vaste champ d’expérimentation politique. Ce ne sont pas les bons et les mauvais exemples qui manquent.

Dans le cas de la France, si aucune majorité ni coalition n’émergent, personne ne sera tenu d’accomplir un programme. Tant mieux. Compte tenu de l’excellence des gouvernements depuis vingt ans et de la démagogie de ceux qui veulent les remplacer, l’idée qu’il n’y ait pas de majorité est peut-être une chance. Un gouvernement incapable de produire de nouvelles normes, de nouvelles taxes, de nouvelles dépenses, quel miracle !

Que le parlement contrôle, que l’exécutif soit tenu par des règles strictes que ce soit pour le droit des citoyens ou les finances publiques, voilà un vrai changement. La démocratie a-t-elle besoin d’être dirigée par un gouvernement ou de règles pour diriger les dirigeants ?

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press


[1] Les Temps modernes, (1955)

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