Débloquons tout !

Débloquons tout !

« Bloquons tout !», un cri du cœur, de colère ! D’espoir ? La toile s’embrase, les robots algorithmiques dupliquent, suppliquent, multipliquent (Quand le sens des mots est perverti, en inventer). 63% des Français adhérent à « Gilets jaunes II, le retour ». « Bloquons tout », mouvement spontané de la toile, répond au plan d’austérité de 43 milliards d’« économies » proposé par Bayrou. Courageux, ce dernier en conclut qu’il vaut mieux se faire éjecter. Le dégagisme s’étend. Qui ne saute pas n’est pas français. Cinq Premier ministre en deux ans. Les humeurs de l’Assemblée reflètent les votes des Français, chacun suivant sa voie, sa tribu, son dada. Colère et scandale guident nos pas. L’indignation sert de boussole morale. Un doute : et si chacun, suivant sa pente, en oubliait l’ensemble ? Tout bloquer ? Quelle drôle d’idée dans un pays bloqué. Au contraire, débloquons tout.

Le risque de la dette est exagéré, c’est vrai. La France ne va pas vers une crise à la grecque, plutôt vers un déclin à la turque. Avec le manque de sérieux politique et budgétaire, les taux d’intérêt montent. Rien de grave, seulement des investissements publics et privés en moins… Mieux vaut payer les investisseurs institutionnels, les zinzins, que les médecins ? Le premier poste du budget sera la dette, plus que l’éducation : Payer le passé plutôt que préparer l’avenir. Bloquons tout.

La France, il y a 30 ans, était la cinquième puissance économique. Elle est encore la septième. Pour la richesse par habitant, elle est 25ème, dépassée par tous ses voisins, sauf l’Espagne. Irlande, Italie, Royaume-Uni, Belgique, Suisse, Pays-Bas, Allemagne sont devant.

Le problème n’est pas l’endettement, c’est la création de richesse. Le problème n’est plus la création de richesse, c’est le changement de monde. Le « bloquons tout » du 10 septembre est le cri de peur de tous ceux qui ressassent les vieilles lunes du monde d’avant, les chevaliers du Puy du fou ou les révolutionnaires d’Octobre rouge sans voir que les uns et les autres étaient des soudards, non des héros. Ah, qu’il était tranquille le monde d’avant, celui du capitalisme et du communisme également méchants ! Selon Piketty et ses amis, le néolibéralisme français, avec ses 57 % de dépense publique et ses 47% de prélèvements obligatoires, règne.

Le monde impitoyable des grandes entreprises fait donc la loi : EDF, SNCF, Airbus, Stellantis, Renault, Engie, Vinci, Orange, Air France, Société générale, la majorité des vingt plus grandes entreprises françaises ont l’État pour actionnaire. Sans oublier Thales, Safran, La Poste, la BPI, La Caisse des Dépôts, le Zinzin de l’État.

40 milliards à trouver ? Vendez ! Ouvrez les yeux, regardez le monde.

40 milliards à trouver ? Vendez ! Ce n’est pas assez. Ouvrez les yeux, regardez le monde. Vous vous croyez pauvres alors que vous êtes riches, par rapport au passé. Vous vous croyez riches alors que vous êtes pauvre, par rapport au futur, par rapport à la vitesse à laquelle change le monde. La capitalisation de Nvidia atteint 4430 milliards. + 1000% en trois ans. Plus que toute la Bourse de Paris. Nvidia n’est pas seule : Microsoft, 3700 milliards, Apple 3150, Amazon, 2360, Alphabet 2150, Meta 1840, Tesla 957. Le champion français, Hermès, 257. Le nanisme nous guette. Le PIB de la Russie avoisine les 2100 milliards, celui de la France 2.900; puissances dépassées.

La France sera-t-elle noyée par la nouvelle économie ? Elle est au deuxième rang de l’OCDE pour l’investissement dans l’économie immatérielle (Recherche et développement, logiciels, datas, IA, propriété intellectuelle). Une croissance de 5% par an, record d’Europe. Mais toute l’Europe ne représente que la moitié des investissements américains. Le match mondial ne fait que commencer. D’où la pression de Trump, sur les terres rares chinoises, les puces de Taïwan, la législation européenne. Et son interventionnisme dans les entreprises de high-tech.

Le président américain et son homologue ukrainien s’étaient rencontrés lors de l’inauguration de Notre-Dame de Paris, en décembre. © Crédit photo : LUDOVIC MARIN / AFP
Le président américain et son homologue ukrainien s’étaient rencontrés lors de l’inauguration de Notre-Dame de Paris, en décembre. © Crédit photo : LUDOVIC MARIN / AFP

La bataille des neurones est engagée.

Comme la connaissance est la base de l’économie du nouveau monde, au même titre que l’étaient hier l’énergie ou la terre, la bataille des neurones est engagée. Savoir à quoi ils pourront servir face à l’IA. L’investissement, du Néolithique à la Renaissance, c’était la terre. Au 19ème, le pétrole. Au 21ème, « l’intelligence », celle des robots, des virus, des baleines, même celle des humains. Comment concevoir l’éducation ?  Doit-elle rester nationale, elle qui ne l’est plus pour les élites ? Les pédagogues pensent que le temps scolaire est inadéquat. Que l’organisation de classes par âge est obsolète. Que la participation de parents est fondamentale. Personne, pour autant, n’ose de solution unique. Car la vraie solution est d’imaginer des écoles, des collèges, des universités nouvelles – différentes.  Débloquer l’éducation ! Débloquer les cerveaux. La production d’idées, d’initiatives. Débloquer aussi les crèches, le logement, les transports. 20 mois pour construire la première ligne de métro en 1898, 20 ans pour le celle du Grand Paris.

Entre Nvidia, un capital de 4000 milliards, et l’État, budget de 400, déficit de 200 et dette de 3000 milliards, qui, dans dix ans, décidera de la façon de vivre ? L’école avec ou sans tablette ? «Sans », dit le chœur. Soulagement ! Ne vaudrait-il pas mieux une école qui apprend à se servir des tablettes, à s’en méfier, à en profiter ? Il fut un moment dans l’histoire où les sages interdisaient l’écriture. C’était la Gaule des druides. Balayée. Devenus esclaves. Combien de parents se passent des tablettes ? La Banque Mondiale, s’appuyant sur des expériences au Nigeria, au Ghana, au Pérou, montre qu’un programme avec des enseignants et permet, en six semaines, des progrès d’apprentissage d’environ 1,5 à 2 ans de scolarité classique.

©Nvidia
©Nvidia

L’éducation, nationale ou pas, se transformera. Comme le travail.  Tout ce qui pourra être fait par des robots et l’IA sera fait par eux. Le travail humain se concentrera sur … l’humain, corps et psyché. Laisser surgir plus de possibilités, d’initiatives, c’est la solution vivante. Retraites, sécurité, énergie, santé, immigration, tous les systèmes ou presque seront testés, déjà chez nos voisins. Faut-il des hôpitaux privés ou publics, du nucléaire ou du solaire ? L’urbanisme, la solidarité, la gestion de l’eau, de l’énergie, les caisses de sécurité sociale, doivent-elles être nationales ou locales ? Avec les technologies nouvelles, beaucoup de ces questions ne se poseront plus. Starlink a rendu obsolète le grand débat d’hier du raccordement à la fibre.

La société d’abondance est possible. De façon plus solidaire, plus policée, plus intelligente en somme, qu’hier.

En Californie, la gauche démocrate accomplit sa mue. Au lieu de prôner l’abstinence écologique, la repentance morale, la punition normative, elle réfléchit au « siècle d’abondance ». Le peuple, les vraies gens, préfère avoir plus que moins. Or la société d’abondance est possible. De façon plus solidaire, plus policée, plus intelligente en somme, qu’hier.

En commençant par changer l’État. C’est-à-dire le lieu et le mode d’exercice du pouvoir. Diffuser le pouvoir au plus près du citoyen. Ou l’État change, ou il se délite. Le citoyen aussi. Aujourd’hui, il s’enferme dans sa catégorie, de statut ou de pensée. Qui regarde encore la société dans son ensemble, l’ensemble-monde? Qui peut croire qu’une forme politique ancienne persiste quand une société nouvelle émerge ?

Qui peut croire qu’une forme politique ancienne persiste quand une société nouvelle émerge ?

D’ici là, le chant du cygne des autocrates, des systèmes pyramidaux, les foucades d’egos frustrés, provoqueront des crises ; râles de convulsion de l’ancien monde. Monarques, partis, syndicats aimeraient que tout change pour que rien ne change. Le rapport de force, le grand soir, le retour au bon vieux temps. Mais ce n’est pas vrai. Tout change, vraiment. Pour accompagner le mouvement, laisser la place à l’incertitude, à l’humilité, à l’essai, l’imagination. Émergeront des solutions que personne n’avait envisagées, pour l’énergie, la dette, et même pour la démocratie. Plus une société est libre, plus elle offre de chances et de solutions. D’abord libérer la tête, le reste suivra. Faites sauter les verrous, débloquons tout !

Laurent Dominati 

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris 

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app de paiement des expatriés France Pay

Laurent Dominati

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