David Goeury : « Le Mouvement GenZ 212 milite pour un Maroc plus juste et vivable »

David Goeury : « Le Mouvement GenZ 212 milite pour un Maroc plus juste et vivable »

Depuis plusieurs jours, le Maroc fait face à une contestation venant de ses concitoyens. De plus en plus de jeunes organisent ainsi des manifestations dans le pays pour exiger notamment des réformes dans l’éducation, l’accès au travail, la santé, de justice sociale, …  ce mouvement on le nomme dorénavant celui des « GenZ 212 » (212, indicatif du Maroc). Pour mieux le comprendre, nous avons interrogé David Goeury, Docteur en Géographie et Chercheur à la Sorbonne, ainsi qu’au centre Jacques Berque de Rabat.

Découvrir l’analyse de David Goeury

Ayant une très bonne connaissance du Maroc, notamment du monde rural, David Goeury a publié plusieurs études sur les phénomènes migratoires internes et ses impacts sur l’emploi, la mobilité et les besoins en ressources naturelles. Pour Lesfrancais.press, il livre sans détour son analyse de la situation.

Lesfrancais.press : « Quelle lecture faites-vous du mouvement GenZ 212 qui secoue le Maroc depuis quelques jours ? »

David Goeury : « Il y a d’abord une double temporalité qu’il faut avoir à l’esprit. La première est planétaire avec le mouvement GENZ qui nous vient d’Asie où dans des pays en transition démographique, on a vu une nouvelle génération de jeunes qui peinent à trouver une place dans l’espace économique être à l’origine de mouvements de protestations qui ont provoqué des crises politiques dans un certain nombre de pays de cette région du monde.

« Au Bangladesh ou au Népal Il y a eu de vrais basculements de politiques publiques dédiées à la jeunesse, il est possible d’envisager qu’au Maroc il en soit de même »

David Goeury, Docteur en Géographie et chercheur à la Sorbonne et
au centre Jacques Berque de Rabat

Cette temporalité planétaire s’ancre dans celle du Maroc et les difficultés rencontrées par de nombreux jeunes pour trouver un emploi. Je rappelle que le chômage des jeunes est très élevé au Maroc.

Le Maroc en quelques chiffres :

  • Taux de chômage national :12,8 %
  • Taux de chômage des 15 – 24 ans : 35,8 %
  • Taux de chômage des 15 – 24 ans en milieu urbain : 46,9 %
  • Population scolaire (secteur public) Année scolaire 2025 / 2026 : 7 millions d’élèves
  • Décrochage scolaire : Moyenne de 290 000 / an

Source :  Haut-Commissariat au plan (HCP)

Sans oublier les jeunes qui ont perdu espoir, qui sont découragés et spectateurs d’un Maroc qui connaît un développement accéléré des infrastructures et zones industrielles tournées vers l’international. Une situation qui emmène à une fracture socio territoriale dans laquelle ils ne trouvent pas leurs places. »

Un malaise profond ?

Lesfrancais.press : « Les principales revendications du Mouvement sont une école et un système de santé public de qualité, est-ce que le malaise est plus profond...? »

David Goeury : « Initialement, le premier appel à manifester a été lancé par des jeunes marocains plutôt bien intégrés dans des filières de formation professionnelles prometteuses en matière d’emplois, qui ont décidé de se mobiliser pour un Maroc plus juste et plus vivable, en réaction au drame d’Agadir où 8 femmes sont décédées à l’hôpital au mois d’août dernier. 

Manifestation de GenZ 212 à Rabat (Maroc)
Manifestation de GenZ 212 à Rabat (Maroc) © Abdel Majid Bziouat BDEL AFP

Ensuite s’est invité sur les réseaux sociaux des sujets tels que l’emploi et le pouvoir d’achat et on a vu d’autres jeunes moins intégrés plus à la marge descendre dans les rues pour dénoncer les injustices sociales et spatiales. Motivé par le sort réservé aux premiers manifestants pacifiques qui avaient été malmenés par les forces de l’offre. »

Lesfrancais.press : « Considérez-vous que le Mouvement GenZ 212 pourrait emmener ses changements de fonds dans la gestion de la chose publique ? »

David Goeury : « Quand on voit ce qui s’est passé dans certains pays comme le Sénégal qui a décidé de nommer un nouveau gouvernement il y a un an, plus récemment au Bangladesh ou au Népal, il y a eu de vrais basculements de politiques publiques dédiées à la jeunesse, il est possible d’envisager qu’au Maroc il en soit de même.

J’entends par là, le développement de vraie politique adressée à la jeunesse en tenant compte des spécificités et surtout la mise en place d’un pilotage à l’échelle nationale en y associant les collectivités territoriales et tous les élus locaux, maillons essentiels. Le tout dans le cadre de la régionalisation avancée avec un pilotage liant administration, élus locaux, secteur privé et société civile. » 

Auteur/Autrice

  • Rachid Hallaouy

    Rachid Hallaouy est journaliste et éditorialiste installé au Maroc depuis 2006. Après avoir collaboré avec de nombreux médias en presse écrite (L’Economiste), électronique (Yabiladi) et audiovisuel (France 24), il a rejoint Luxe radio pour y lancer en 2011 un concept de débat d’idées traitant de sujets politiques et économiques.

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