Dans les prochaines années, les besoins en dépenses publiques générés par les retraites, la santé, la dépendance, la transition écologique et la sécurité extérieure sont évalués à 5 points de PIB pour la France, soit l’équivalent de plus de 140 milliards d’euros, près de deux fois le montant de l’impôt sur le revenu. Ce surcroît de dépenses risque de porter le déficit budgétaire à des niveaux insoutenables, sachant qu’il a déjà atteint 5,5 points de PIB en 2023.
Un déficit public n’est pas nécessairement négatif, à condition que, par ses externalités, il alimente la croissance qui permettra de le financer. La rentabilité des dépenses publiques se mesure par le gain d’activité, en tenant compte du coût de la dette, lequel dépend des taux d’intérêt. Plus la dette progresse, plus les taux augmentent, réduisant ainsi la rentabilité potentielle des investissements publics.
Au-delà de ces considérations financières, il est réducteur de ne considérer que les investissements. Des dépenses de fonctionnement, comme celles liées à l’éducation et à la formation, peuvent également être bénéfiques pour la croissance. Des jeunes mieux formés sont susceptibles d’occuper des emplois à plus forte valeur ajoutée et de contribuer ainsi à la richesse du pays. Les dépenses de recherche obéissent à la même logique.
Faut-il accroître le volume global des dépenses publiques ?
Malheureusement, en France, le déficit public est de plus en plus la conséquence d’une progression des dépenses courantes. L’idée de n’autoriser que le financement par emprunt des dépenses d’investissement, élargies à celles concernant l’éducation, la recherche, voire la défense, en s’inspirant de la règle imposée aux collectivités locales, a été émise à plusieurs reprises. Elle ne doit néanmoins pas éluder la question de la soutenabilité de la dette, ni celle du volume et de la qualité réelle des dépenses publiques en termes de croissance.
Au-delà du problème du déficit, nombreux sont ceux qui estiment que la France doit augmenter le montant de ses dépenses publiques. Si nul ne conteste la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des retraités, d’améliorer l’offre de soins ou de lutter contre le réchauffement climatique, faut-il obligatoirement accroître le volume global des dépenses publiques ? Il ne faut pas oublier que, selon l’INSEE, celles-ci dépassaient, en 2023, 56 % du PIB, ce qui constitue un record au sein des pays occidentaux. Elles s’élevaient à 49 % du PIB en Allemagne et à 37 % aux États-Unis.
La France serait-elle sous-administrée ?
La France consacre, en moyenne, une part plus importante de ses richesses que ses partenaires pour tous les grands postes de dépenses publiques : santé, retraite, emploi, éducation, logement, etc. La question de leur efficience se pose. La France serait-elle, par ailleurs, sous-administrée ? Certainement pas au vu des demandes récurrentes de simplification administrative.
Le pays compte, par ailleurs, 90 emplois publics pour 1 000 habitants, contre 70 aux États-Unis ou au Royaume-Uni, et 55 en Allemagne. Les prestations sociales sont-elles insuffisantes ? En 2023, elles représentaient plus du quart du PIB. En l’état actuel, le niveau de vie moyen des retraités est équivalent à celui de l’ensemble de la population.
Pour relever les défis du vieillissement, de la transition écologique, de la modernisation de l’économie et de la sécurité extérieure, une réallocation des dépenses accompagnée de gains de productivité est indispensable. Ces dernières années, l’État a rationalisé de nombreuses dépenses, en particulier au niveau de la collecte des impôts, grâce à un recours accru à l’informatique.
Les collectivités locales et le système hospitalier, dont les effectifs respectifs ont doublé ces quarante dernières années, ont certainement la possibilité de mieux gérer leurs ressources tout en améliorant la qualité des services rendus. Face à l’augmentation des dépenses, la tentation des décideurs publics a souvent été de compter sur les prélèvements obligatoires. L’administration française est reconnue pour sa capacité à lever l’impôt, mais cette faculté n’est pas sans limites, comme l’a prouvé la révolte des Gilets Jaunes contre la taxe carbone en 2018.
Un niveau plus élevé de croissance est indispensable pour que la France puisse préserver son modèle de société.
La France figure parmi les pays demandant le plus à ses citoyens : impôts, taxes, cotisations sociales, contributions diverses et variées représentent 45 % du PIB. Imposer plus fortement les « ultra-riches » cela relève avant tout du symbole. Ces contribuables ne sont pas assez nombreux pour compenser un déficit public de plus de 150 milliards d’euros. Face aux défis budgétaires et sociaux, la France dispose de nombreuses opportunités pour transformer ces contraintes en leviers de développement durable et inclusif, à condition de ne pas tomber dans ses travers traditionnels.
Les Français devront renoncer à leur propension au statu quo et accepter une réallocation des ressources combinée à une amélioration de l’efficience des dépenses publiques. L’augmentation de l’investissement dans l’éducation, la recherche et la transition écologique, si elle est bien ciblée, renforcera la compétitivité du pays. Même si cela n’est pas dans la culture française, l’accent devra être mis, dans les prochaines années, sur la création de valeur à long terme. L’obtention d’un niveau plus élevé de croissance est indispensable pour que la France puisse préserver son modèle de société.
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