Peu connu du grand public, le Correspondant Défense joue pourtant un rôle clé dans le lien entre les citoyens et l’institution militaire. À l’heure où les menaces se mondialisent, pourquoi ne pas réinventer ce modèle républicain pour les Français de l’étranger ?
Une fonction civique au service de la Nation
Le Correspondant Défense est un conseiller municipal désigné pour être le relais entre les citoyens de sa commune et les institutions militaires françaises. Il incarne le lien entre la Nation et ses forces armées, en diffusant l’esprit de défense, en sensibilisant la jeunesse et en assurant le devoir de mémoire. Sa mission s’articule autour de trois axes principaux :
- Informer sur la politique de défense et les engagements de la France à l’étranger ;
- Sensibiliser la jeunesse, notamment via le recensement, la Journée Défense et Citoyenneté (JDC), et les opportunités professionnelles offertes par les armées ;
- Faire vivre la mémoire nationale, par l’organisation de cérémonies, de témoignages et de projets éducatifs.
Ainsi, ce correspondant agit en lien étroit avec la Délégation militaire départementale (DMD), qui l’accompagne dans ses démarches et l’oriente dans ses actions.
Dans cette perspective, le Guide pratique 2025 publié par le ministère des Armées lui fournit un éventail d’outils : propositions d’actions concrètes, modèles de contacts, documentation officielle, conseils pédagogiques, accès à des subventions. Objectif : faire de chaque Correspondant Défense un animateur engagé de la citoyenneté et de l’esprit de défense dans son territoire.
Concrètement, que fait un Correspondant Défense ?
Il ne s’agit pas d’un rôle honorifique. Le guide détaille une trentaine d’actions très concrètes :
- Mettre en place une rubrique « défense » dans le bulletin municipal
- Organiser des conférences sur les enjeux stratégiques contemporains
- Encourager les jeunes à visiter des sites militaires ou à assister à des commémorations
- Faciliter les projets pédagogiques dans les écoles sur la mémoire des conflits ou les métiers de la défense
- Faire intervenir des réservistes ou anciens combattants dans les établissements scolaires
- Diffuser les informations sur le Service militaire volontaire (SMV), le Service national universel (SNU) ou les préparations militaires
Ces actions s’inscrivent dans un cadre souple et évolutif, avec un seul mot d’ordre : mobiliser les citoyens autour des valeurs de la République et de la défense nationale.
Pourquoi ce rôle est-il stratégique aujourd’hui ?
À l’heure où la France renforce ses moyens de défense face aux menaces multiples (cyberattaques, instabilité géopolitique, guerre informationnelle), la mobilisation des citoyens est plus que jamais nécessaire. Le Correspondant Défense contribue à entretenir cette vigilance républicaine. Il rappelle que la sécurité du pays ne dépend pas seulement des militaires, mais aussi du soutien actif des citoyens, de leur compréhension des enjeux, et de leur engagement, notamment des jeunes.
Le Correspondant Défense est l’un des maillons de cette chaîne. Il contribue à :
- renforcer la culture de sécurité dans la population ;
- mobiliser la jeunesse autour des questions d’engagement et de résilience ;
- lutter contre la désinformation en relayant des sources fiables sur l’actualité militaire ;
- faire vivre une mémoire partagée, gage d’unité nationale.
Le guide 2025 insiste sur cette mission de transmission et de pédagogie, essentielle pour préparer les générations futures à faire face aux défis qui se présentent.
Une transposition à l’étranger : une évidence ?
Et si cette dynamique citoyenne franchissait les frontières ? Les Français établis hors de France, tout particulièrement dans les grandes circonscriptions consulaires, sont souvent éloignés des réflexes et des symboles républicains.
Pourtant, les enjeux de défense les concernent aussi : opérations extérieures, sécurité des communautés françaises, rayonnement militaire, coopération de défense avec les pays hôtes, carrières militaires ouvertes aux jeunes expatriés…
Dans ce contexte, la création d’un Correspondant Défense au sein des Conseillers des Français de l’étranger (CdFE), ou directement rattaché aux consulats, serait une évolution naturelle et stratégique. Plusieurs arguments plaident en faveur de cette extension :
- Rapprocher les jeunes expatriés de leur citoyenneté : Le recensement, la Journée Défense et Citoyenneté (JDC), le Service National Universel (SNU) ou encore les préparations militaires sont souvent peu connus à l’étranger. Un Correspondant Défense pourrait devenir l’interlocuteur naturel des familles, des lycées français et des associations de jeunesse.
- Valoriser les carrières de la défense auprès des jeunes binationaux : Ces derniers ignorent souvent qu’ils peuvent s’engager dans l’armée française, y effectuer un stage ou y trouver un débouché professionnel. Dans un monde concurrentiel, cette information est importante pour renforcer l’attractivité de nos forces armées.
- Faire vivre la mémoire nationale à l’étranger : De nombreuses villes du monde accueillent des cérémonies du 8 Mai, du 11 Novembre ou de l’Appel du 18 Juin. Pourquoi ne pas structurer cette dynamique mémorielle avec le soutien d’un Correspondant Défense qui, en lien avec les établissements scolaires et les associations locales ou les délégations du Souvenir Français, proposerait témoignages, expositions, visites de lieux symboliques ou concours pédagogiques ?
- Appuyer la diplomatie de défense : En lien avec l’Attaché de défense de l’ambassade, le Correspondant Défense pourrait faire rayonner les initiatives militaires françaises dans les cercles francophones ou francophiles, mais aussi faciliter la coopération locale (lycées, associations d’anciens combattants, centres culturels…).
- Créer du lien intergénérationnel et interculturel : Par son action, le Correspondant Défense participerait à tisser un réseau de solidarité et de dialogue entre jeunes, anciens, militaires, élus et citoyens, renforçant l’appartenance républicaine au-delà des frontières.
Les bénéfices seraient multiples :
- Réduire la distance administrative et symbolique entre la République et ses citoyens de l’étranger
- Fédérer les jeunes générations autour des valeurs de défense, de mémoire et d’engagement
- Valoriser la présence française à l’étranger dans ses dimensions civiques, éducatives et stratégiques.
Une expérimentation à imaginer
Rien n’empêche aujourd’hui d’imaginer une expérimentation dans certaines circonscriptions volontaires. À titre d’exemple, des postes consulaires dans des pays partenaires de la France en matière de défense (Allemagne, Canada, Sénégal…) pourraient lancer un projet pilote avec un Correspondant Défense de l’étranger.
Le ministère des Armées, en partenariat avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, (MEAE) pourrait concevoir une version allégée et adaptée du guide 2025. Les Conseillers des Français de l’étranger ou les représentants associatifs pourraient jouer un rôle moteur dans ce déploiement.
Une citoyenneté républicaine à géométrie globale
Les Correspondants Défense, dans leur version actuelle, incarnent une citoyenneté active, enracinée dans les territoires. Mais la République ne s’arrête pas aux frontières. Transposer ce modèle à l’étranger auprès de nos ressortissants, ce serait offrir aux expatriés un nouveau levier d’engagement, un moyen de renouer avec la mémoire, le service, l’information et les valeurs républicaines.
Dans un monde en tension, renforcer l’unité des Français autour de leur défense n’a jamais été aussi nécessaire. Et cela commence peut-être… par un Correspondant Défense, là où on ne l’attend pas.
Auteur/Autrice
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Gilles Roux est un juriste, entrepreneur et auteur français qui vit dans la région de Mannheim en Allemagne depuis plus de 35 ans.
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