La journée sera longue à Bakou : les négociateurs de près de 200 pays, frustrés de deux semaines de tractations stériles, attendent vendredi d’ultimes propositions de compromis financier entre pays riches et en développement à la conférence sur le changement climatique de l’ONU en Azerbaïdjan.
« Nous percevons des lueurs d’espoir« , a résumé la négociatrice allemande Jennifer Morgan. « Mais des lueurs d’espoir ne suffisent pas, car il y a aussi des pilules empoisonnées« .
Un journaliste de l’AFP a observé dans la soirée de jeudi de nombreuses allées et venues de ministres et diplomates entre les bureaux des délégations brésilienne, européenne, américaine, chinoise… et de la présidence azerbaïdjanaise du sommet. Un délégué européen confirme que les consultations de haut niveau se sont poursuivies jusque très tard dans la nuit.
Le prochain projet de texte est promis pour midi heure locale (08H00 GMT), selon la présidence de la COP29, ce qui lancera un nouveau round de pourparlers en vue d’un texte final dans la soirée de vendredi, au dernier moment.
Vendredi au petit-déjeuner, le négociateur d’un grand pays a indiqué à l’AFP que le texte était « en train d’être poli« .
La question centrale, au « stade olympique » de Bakou, est de déterminer combien d’argent les pays développés, au nom de leur responsabilité historique dans le dérèglement climatique, accepteront de transférer aux pays en développement, pour les aider à affronter un climat plus destructeur et à investir dans les énergies bas carbone.
« Nous ne demandons qu’1% du PIB mondial. Est-ce trop demander pour sauver des vies? » demande Juan Carlos Monterrey Gomez, négociateur du Panama.
Depuis le début du sommet, le 11 novembre, des tempêtes ont tué des Philippines au Honduras, l’Espagne panse ses plaies après des inondations meurtrières, l’Equateur a déclaré l’urgence nationale à cause de la sécheresse et des incendies….
« Au moins » 500 milliards
L’arrière-plan inédit de cette 29e COP est une année 2024 qui sera vraisemblablement la plus chaude jamais mesurée. Et, neuf ans après l’accord de Paris, l’humanité va encore brûler plus de pétrole, de gaz et de charbon que l’année passée.
Un projet d’accord publié jeudi matin a mécontenté tout le monde car, à la place de chiffres figuraient des « X« , et parce qu’il ne tranchait pas entre deux visions très opposées.
L’heure est venue des chiffres, mais combien? « Au moins » 500 milliards de dollars par an de la part des pays développés d’ici 2030, demande la plus grande alliance de pays en développement. A comparer aux 116 milliards de finance climatique fournie en 2022.
Les Européens, premiers contributeurs mondiaux, répètent qu’ils veulent « continuer à montrer la voie« : un terme soigneusement choisi, venu directement de l’accord de Paris, en signe de bonne volonté. Mais le resserrement budgétaire limite leur marge de manœuvre.
Les Américains se sont dits « profondément inquiets » du dernier texte. Le commissaire européen Wopke Hoekstra a dénoncé un travail « inacceptable« . « Pourrais-je vous demander, s’il vous plaît, de montrer du leadership ? » a-t-il lancé au président de la COP29, le ministre Moukhtar Babaïev, ancien cadre de la compagnie pétrolière azerbaïdjanaise.
Américains et Européens n’ont pas encore révélé combien ils étaient prêts à payer.
La Chine refuse toute obligation
« Ils tournent en rond dans leurs jeux géopolitiques« , a déploré la ministre colombienne Susan Muhamad. Les pays développés négocient en fait en parallèle davantage d' »ambition » pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais s’opposent aux pays producteurs de pétrole comme l’Arabie saoudite. Le groupe arabe a explicitement prévenu qu’il n’accepterait aucun texte ciblant « les combustibles fossiles« .
Ce qui fait désordre un an après la COP28 de Dubaï, qui a appelé à lancer la transition vers la sortie des combustibles fossiles. En public, les pays donnent de la voix. Mais en coulisses, Chinois, Occidentaux, Etats insulaires… Tous se parlent encore.
Le ministre irlandais Eamon Ryan confie à l’AFP qu' »il y a de l’espace pour un accord« .
La Chine, clé pour trouver l’équilibre entre Occidentaux et Sud, a appelé « toutes les parties à se retrouver à mi-chemin« . Pékin a toutefois tracé une ligne rouge: elle ne veut aucune obligation financière. Pas question de renégocier la règle onusienne de 1992 qui stipule que la responsabilité de la finance climatique incombe aux pays développés.
Les délégués se préparent déjà à une prolongation samedi. Une tradition des COP.