Ils se sont félicités, applaudis, quelques tabloïds complaisants ont salué une victoire historique. Le communiqué final de la Cop 28 propose « pour la première fois », une « transition hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques ». Alléluia !
100.000 congressistes dans le désert climatisé de Dubaï ont, pendant dix jours, discutaillé, les yeux cernés par les nuits blanches, cet accord sous l’égide de Sultan Al-Jaber, patron de la septième compagnie pétrolière mondiale. Pendant ce temps, le vrai monde continue. Jaber aussi, il va investir 150 milliards de dollars dans le pétrole d’ici sept ans.
Qui, s’il a une mine d’or, en interdirait le commerce ?
L’an dernier, 82% de l’énergie consommée dans le monde était d’origine fossile. La transition énergétique, pour lutter contre le changement climatique, suppose des émissions zéro carbone d’ici 2050. À l’évidence impossible. Beaucoup de pays ne le souhaitent pas, malgré les déclarations, le « Consensus de Dubaï » ou les « Accords de Paris », qui ont autant d’effets sur le climat que les girouettes sur le vent. Jusqu’à présent, seule l’Europe a diminué sa production d’émissions de CO². Tous les pays du sud ont augmenté la leur : Logique du développement.
Qui, s’il a une mine d’or, en interdirait le commerce ? Qui, s’il a soif, bannira l’eau? D’où vient, alors, ce miracle, que l’on cause, que l’on débat, que l’on s’étripe, sur les bons et les méchants qui veulent sauver ou détruire la planète ?
Tout d’abord, de la réalité du réchauffement climatique. Du plagiste au GIEC, tous le constatent. Depuis le temps que les gouvernements, l’ONU, Miss Monde, Chirac et Greta sonnent l’alarme, qui n’entend pas ne le veut pas. Les citoyens attendent que les gouvernements qui leur annoncent la catastrophe l’empêchent. Et les gouvernements, surtout ceux qui ont des électeurs, entendent montrer qu’ils ont à la pointe de leurs attentes.
Il y a juste un petit problème : L’Agence internationale de l’énergie (AIE), estime les besoins entre 2 200 milliards à 2 800 milliards de dollars par an à l’horizon 2030. La Commission américaine de la transition énergétique, elle , à 3.500 milliards par an. Deloitte, à 7.300 milliards. Mc Kinsey à 10.200 milliards, soit 2.6 le PIB mondial. Pour avoir une petite chance de financer la transition énergétique et respecter les « Accords de Paris », (+1.5 degrés d’augmentation de la température) , il faudrait une hypercroissance folle. Grâce au pétrole pas cher ou au charbon à bas coût ? Avec des taux d’intérêt négatifs si possible, car le capital est redevenu cher.
Les positions s’expliquent dès que l’on met, paradoxalement, la question du climat de côté.
Pourquoi ce cirque de menteurs ? Agitation, populisme vert, greenwashing ? Les positions s’expliquent dès que l’on met, paradoxalement, la question du climat de côté.
Si vous n’avez pas d’énergie fossile, que faire, sinon payer ceux qui en ont, ou en inventer d’autres ? C’est le cas de l’Europe. La facture énergétique européenne plombe les comptes. Comme ceux de la ménagère. La route du gaz russe a fait rêver, elle est coupée. L’Europe est le continent qui cherche une transition énergétique. D’où le recours au nucléaire, bêtement interrompue en France, stupidement dénoncé en Allemagne. Microsoft a déclaré cette semaine que la nouvelle économie dépendrait de l’Intelligence Artificielle et du nucléaire.
La principale nouvelle de la Cop 28, passée inaperçue, est l’accord de 22 pays, dont la France, pour tripler la production d’énergie nucléaire. La France dépend encore pour moitié de l’énergie fossile. Six nouveaux réacteurs de type EPR 2 sont prévus d’ici à 2050. Le communiqué final du « consensus de Dubaï » inclut le nucléaire dans les énergies décarbonées.
Les Européens osent, par la réglementation, imposer une transition énergétique par l’électrique. D’où l’interdiction des moteurs thermiques, le plan Repower Europe, de 300 milliards d’euros. Le but : prendre la tête de la révolution énergétique. La promesse : réduire les émissions de 55 % d’ici à 2030. L’intérêt : rendre l’Europe indépendante en énergie, développer une industrie énergétique alternative. Avec quelques risques : détruire son industrie automobile, laisser la place aux Chinois, créer de nouvelles dépendances avec un coût social élevé.
La principale nouvelle de la Cop 28 est l’accord de 22 pays, pour tripler la production nucléaire.
Les promesses irréalisables, comme toute démagogie, écologique ou pas, se paient. L’Union européenne émet moins de 8% des émissions mondiales de CO. La suppression totale des émissions de l’Union européenne, aurait un impact inférieur à 1/10 de degré d’ici la fin du présent siècle. La logique est ailleurs : celle de l’autonomie énergétique.
Que fait-on si l’on s’appelle la Chine avec l’Europe pour premier client? Le client étant roi, on donne raison à l’Europe. Sauvons la planète et nos parts de marché. On investit les premiers dans les nouvelles énergies dont aura besoin l’Europe : batteries, voitures électriques, lithium, terres rares, de façon qu’ils passent d’une dépendance à l’autre. Pour cela, financer ces développements avec du charbon.
La Chine construit l’équivalent de deux centrales à charbon par semaine. Elle représente 31 % des gaz mondiaux à effet de serre. Elle s’oppose, comme l’Inde, à une taxe carbone aux frontières. Si elle ne donne pas un Yuan et ne s’engage à rien, elle soutient le pauvre « Sud » qui souffre de la destruction du climat due aux Occidentaux (La Chine et l’Inde dépassent désormais en Co² le total des émissions européennes depuis 1850). Elle représente 2/3 des émissions mondiales de CO². L’Inde réaffirme sa volonté d’ouvrir des mines de charbon et de se doter de centaines de centrales.
La Chine construit l’équivalent de deux centrales à charbon par semaine.
Pour le pétrole, la Chine signe avec l’Iran et la Russie des accords à long terme. Pour assurer sa diversification, elle investit aussi dans le nucléaire. Comme le recours aux énergies renouvelables suppose de doubler leurs capacités par une autre production énergétique, moins chère, facilement disponible, elle investit dans le charbon plus encore que dans le solaire ou l’éolien, où elle a cassé les prix du marché mondial. L’énergie, c’est la vie, la clé de la compétition mondiale : faire feu de tout bois, charbon, batterie, nucléaire, hydraulique, pétrole, gaz.
Les États-Unis ne sont pas en reste. Pas question pour la première puissance mondiale de se laisser distancer. Biden a orienté 370 milliards pour les investissements dans les nouvelles énergies dans l’Inflation Réduction Act. Les États-Unis sont le premier producteur de pétrole, redevenus exportateurs. Ils exploitent le gaz de schiste (qu’achètent les Européens qui se refusent, eux, de l’exploiter. Les hydrocarbures puisés en Europe polluent, pas ceux qu’elle importe. La démagogie est toujours stupide).
Pourquoi les producteurs de pétrole ne se font-ils pas hara-kiri pour sauver la planète ? Qui sont-ils ? États-Unis (18.9% du total mondial), Arabie saoudite (12,9%), Russie (11.9), Canada (5.6) ; Irak (4.5), Chine (4.1), Emirats (4), Iran (3.8), puis Brésil, Koweït, Nigeria, Mexique, Qatar, Kazakhstan, Algérie, Libye, Venezuela, Indonésie, Azerbaïdjan, Angola, Gabon et bientôt Namibie et Guyana. D’où l’appétit de Maduro pour l’annexer.
Pourquoi les producteurs de pétrole ne se font-ils pas hara-kiri pour sauver la planète ?
Que faites-vous si vous êtes un pays producteur de pétrole ? Double stratégie. Un : faire monter les prix en restreignant l’offre. Ce que fait l’OPEP. Deux : éviter que les investissements en recherche de pétrole prolifèrent hors de votre périmètre et de vos réserves. C’est la règle des oligopoles. Donc, accepter l’idée de sortir « progressivement » du pétrole. D’où la déclaration « historique » salué par Sultan Al-Jaber.
Deux : devenir un producteur d’énergie « globale » : investir aussi dans le nucléaire et les renouvelables. Ne pas laisser le client se débrouiller seul. Ne pas devenir dépendant des autres, avoir un pied chez vos clients, chez vos concurrents. Investir avec eux. Liés un jour, liés toujours. C’est la stratégie de l’Arabie, du Qatar. De toute façon, vous savez qu’on boira jusqu’à la dernière goutte de votre pétrole qui jaillit à deux dollars.
Qu’est-ce que vous faites si vous êtes un pays pauvre sans hydrocarbure ? Vous demandez que l’on compense les effets néfastes du réchauffement climatique, vous plaidez pour des subventions. D’où la création d’un fonds d’aide à la transition énergétique. Cela a déjà été promis. Criez plus fort. Vendez cher votre soutien. On n’a pas parlé que d’énergie à Dubaï. Il y aussi l’Ukraine, le Hamas, les banqueroutes, mille détails mortels et financiers de la vie quotidienne. Surtout dans un contexte de bloc.
Plus je taxe, plus je donne, plus je contrôle, plus j’ai de pouvoir.
Qu’est-ce que vous faites si vous êtes un gouvernement? Subventions et aides légitiment taxes et prébendes. Plus je taxe, plus je donne, plus je contrôle, plus j’ai de pouvoir. Tous les gouvernements justifient les subventions à l’énergie, et les taxes sur l’énergie. La France en est un exemple : 40 milliards l’an dernier pour subventionner l’essence devenue trop chère. Tous font pareil. Taxer l’énergie, subventionner l’énergie, cela justifie lobbies et gouvernants.
Et vous obtenez le résultat « historique » de la Cop 28: Abandon « progressif » des énergies fossiles. Création d’un Fonds pour les pertes et les préjudices pour les pays en développement hébergé par la banque mondiale, avec une mise de départ de 792 millions de dollars. Le prix d’M’Bappé et Neymar.
Un moyen simple : un marché mondial du CO². Le principe pollueur payeur.
Si l’on voulait limiter les émissions de CO², un moyen simple qui mettrait hors-jeu subventions et gouvernements, serait un marché mondial du CO². Une tarification du carbone réduirait les émissions. Cela revient au principe du pollueur-payeur, à payer les externalités de production. Mais pays émergents et en développement n’en veulent pas. Ils paieraient. Le mécanisme existe. Le prix actuel est inférieur à cinq dollars la tonne. Pour maintenir l’augmentation de la température mondiale à 2 °C, il faudrait que le prix actuel du carbone soit d’environ 200 dollars la tonne.
On en parlera pour la Cop 29 à Bakou.
Belle ville de la Caspienne où flotte un parfum de pétrole, de gaz et de corruption. La Serbie vient d’inaugurer un gazoduc pour importer du gaz en provenance de Bakou pour alimenter l’Union européenne. L’UE a signé un accord avec cet Azerbaïdjan qui vient de faire la guerre à l’Arménie ; raison pour laquelle la famille Aliev mène quelques opérations contre la France qui soutient l’Arménie. Total Energies et ENI ont signé avec le Qatar des contrats de 27 ans. La Cop 28 n’a-telle pas considéré le gaz (art 29) comme une énergie de « transition » ? Celui qui pense que c’est un hydrocarbure n’a pas compris la nature parachimique d’une Cop.
Bakou saura recevoir. Il y aura des cadeaux pour tout le monde. Réservez vos places. Ce sera une belle comédie. Et si vous vous demandez pourquoi les menteurs mentent, dites-vous que c’est pour votre bien ou celui de la planète. Platon disait que seuls les dirigeants auraient droit au mensonge. Il disait aussi : « Ne t’emporte pas contre nos politiques; car ce sont les gens les plus propres à nous divertir avec leurs règlements ».
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press
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