Conseil des ministres franco-allemand : un couple en quête d’un nouvel élan

Conseil des ministres franco-allemand : un couple en quête d’un nouvel élan

Ce vendredi 29 août se tenait à Toulon le 25ème Conseil des ministres franco-allemand. Un rendez-vous présenté par le chancelier allemand comme un « redémarrage du moteur franco allemand », mais qui demeure largement symbolique et dont l’efficacité réelle est de plus en plus contestée. Derrière les déclarations d’unité et les appels à « un message clair », nombreux sont ceux qui pointent une réalité dérangeante : depuis des années, ce format n’a pas produit de projet d’envergure mené à son terme. La France et l’Allemagne, réunies à Toulon, semblaient plus que jamais un couple en quête d’un nouvel élan.

Des appels à un cap clair

À chaque réunion, le scénario se répète : de grandes annonces, des intentions ambitieuses, mais peu de réalisations concrètes. Aujourd’hui, l’alchimie entre les deux États paraît plus difficile à retrouver. Entre divergences économiques, priorités électorales et pressions internationales, Paris et Berlin peinent à parler d’une seule voix.

Pourtant, les attentes restent immenses. Plusieurs parlementaires des deux rives du Rhin ont insisté : le message de Toulon devait être limpide.

  • Sur la défense : renforcer l’industrie européenne et privilégier les
    acquisitions sur le continent.
  • Sur le numérique : accélérer les programmes conjoints pour
    réduire la dépendance aux géants américains et chinois.
  • Sur l’économie : développer de nouveaux accords de libre-
    échange afin d’affirmer la place de l’Europe sur la scène mondiale.
  • Sur la sécurité : afficher une volonté ferme de renforcer les
    capacités face à l’agression russe et à la fragilisation de l’ordre de
    paix européen.

L’idée maîtresse reste inchangée : oui aux partenariats transatlantiques, mais non à la dépendance stratégique.

Toulon, un test grandeur nature

Le rendez-vous varois s’annonçait donc comme un test. Le communiqué de presse de l’Élysée a souligné que le conseil des ministres du 29 août «
a permis d’acter un certain nombre de projets phares », couvrant l’industrie, l’énergie, le commerce, les technologies de pointe et la souveraineté numérique.

Le président de la République a parlé de «
huit textes communs » et de « vingt projets décidés ». Mais une interrogation persiste : cette coopération a-t elle réellement besoin d’être insufflée par un conseil des ministres, qui n’a aucune influence directe sur les acteurs économiques… encore moins en Allemagne qu’en France ?
 
Couple Franco Allemand
Le couple franco allemand une dynamique à retrouver pour l'Union européenne

Alors qu’en France, une partie de la presse salue la reprise du couple franco-allemand et la bonne entente entre Emmanuel Macron et Friedrich Merz, la communication officielle allemande est restée plus sobre. Outre-Rhin, il est question d’un « moteur relancé » ou d’« amitié retrouvée », une sémantique prudente, empreinte de réalisme, bien éloignée du lyrisme hexagonal.

L’urgence d’un projet phare

Face à la multiplication des résolutions générales, une idée revient avec insistance : le Conseil doit se fixer un seul projet structurant et le mener à
bien durant une législature. Un chantier concret, lisible et visible, qui incarne enfin la coopération franco-allemande du XXI siècle.
Car le risque est grand : à force de se disperser, le tandem perd en crédibilité. L’Europe, ballottée entre les États-Unis et la Chine, fragilisée par la guerre en Ukraine et par ses dépendances énergétiques et industrielles, ne peut plus se contenter de déclarations d’intention.

Les grands jalons de la coopération… furent le fruit d’une
décision politique assumée par un président et un chancelier

Par le passé, les grands jalons de la coopération (Airbus, Ariane, l’euro) ne sont pas nés de ce Conseil bi-national ni de l’Assemblée parlementaire
franco-allemande (APFA). Ils furent le fruit d’une décision politique assumée par un président et un chancelier, deux volontés fortes.
Aujourd’hui, la politique franco-allemande claudique faute de choix clairs au plus haut niveau.

Des projets qui auraient pu changer la donne

Les opportunités ne manquaient pourtant pas. En économie comme en défense, il aurait été possible de marquer l’histoire. Deux exemples parmi tant d’autres concernant la défense, le numérique et l’industrie :

  • Accélération du drone européen. L’Eurodrone, programme porté par Airbus avec Dassault Aviation (France), Leonardo (Italie) et le constructeur espagnol, vise à doter l’Europe d’un drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) capable de surveillance et de frappe sans dépendance technologique américaine ou israélienne. Premier vol prévu en 2026, livraisons en 2028 : un calendrier ambitieux mais réaliste, à condition d’un soutien politique clair. Faute de cela, Airbus s’est tourné vers des partenariats américains, comme avec Kratos pour adapter le drone furtif Valkyrie à la Luftwaffe. L’Eurodrone aurait pu devenir le symbole fort d’une souveraineté technologique européenne assumée.
  • L’initiative Bridging the Scale-up Gap. Autre projet phare qui aurait mérité un mandat politique : l’initiative visant à combler le fossé entre start-up et scale-up. L’Europe regorge de jeunes pousses, mais trop peu franchissent le cap pour devenir des leaders. mondiaux. L’idée : faciliter l’accès au financement, simplifier la réglementation, accélérer l’intégration des innovations dans les marchés publics et coordonner un appui franco-allemand. Un signal clair aurait montré que l’Europe croit en sa capacité à créer non seulement des innovations, mais aussi des champions.

Un couple face à l’histoire

L’intérêt stratégique commun dépasse largement les divergences nationales. Mais l’histoire rappelle une vérité crue : sans volonté politique forte au sommet, le moteur franco-allemand cale. Or, dans un monde de plus en plus polarisé, où les États-Unis et la Chine se livrent une compétition acharnée, où la Russie défie ouvertement l’ordre européen, l’Europe ne peut plus se permettre l’immobilisme.

Recherche d'un nouveau souffle Franco Allemand
Un couple franco-allemand à la recherche d'un nouveau souffle

À Toulon, il ne s’agissait donc pas seulement de montrer une entente cordiale entre Paris et Berlin, mais d’assumer une responsabilité historique : celle de redonner à l’Europe une place centrale sur l’échiquier mondial. Cela suppose de dépasser les compromis de façade et de transformer les promesses en réalisations concrètes. Les projets structurants existent, la matière industrielle et technologique aussi, ne manque que l’audace politique.

Un couple qui ne choisit pas ses batailles finit
par perdre
son rôle moteur.

Car un couple qui ne choisit pas ses batailles finit par perdre son rôle moteur. Les générations passées ont su hisser la coopération franco- allemande au rang de catalyseur de l’intégration européenne. Les dirigeants actuels sauront-ils, à leur tour, relever ce défi ?

Le message doit être sans ambiguïté : Nous, Européens, refusons d’être relégués dans l’insignifiance géopolitique.

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