Lors de son audition mardi 12 novembre, le commissaire désigné Stéphane Séjourné a assuré aux eurodéputés qu’il s’efforcerait d’aider l’Europe à « maîtriser [son propre] destin » s’il était confirmé au poste de vice-président de la Commission européenne à la Prospérité et à la Stratégie industrielle. Il s’est engagé à protéger tous les secteurs nationaux, de l’acier à forte consommation d’énergie jusqu’aux technologies propres.
Une Europe plus autonome et compétitive
Lors d’une audition sous tension où la légitimité politique du centriste français a été remise en cause, Stéphane Séjourné a souligné à plusieurs reprises que les décideurs de l’Union européenne (UE) devraient intensifier leurs efforts pour garantir l’« autonomie stratégique » du continent — un objectif clé de son ami et allié, le président Emmanuel Macron.
« Nous devons également assurer notre autonomie stratégique. C’est notre capacité à maîtriser notre destin qui se joue ici, aujourd’hui », a indiqué Stéphane Séjourné dans son discours d’ouverture.
Lors des questions-réponses, l’ancien eurodéputé (Renew) a noté que cet objectif serait atteint en partie en offrant une « première préférence » dans les appels d’offres publics aux entreprises opérant dans des « secteurs stratégiques » dans l’ensemble de l’Union.
« La sécurité des approvisionnements, notamment, fait partie des objectifs que nous allons nous fixer avec la Commission », a-t-il assuré, ajoutant que les « standards sociaux et environnementaux » devraient également être « pris en compte » dans la réflexion sur les marchés publics.
Interrogé sur les secteurs « stratégiques », le commissaire désigné français a précisé qu’ils incluaient à la fois les « anciens » secteurs, tels que l’acier, l’aluminium et les produits chimiques, et les nouvelles technologies « propres ».
Selon lui, « nous aurons besoin de la “vieille industrie” ».
Il a ajouté que l’industrie sidérurgique, l’une des industries européennes les plus intensives en carbone, « ne sera pas laissée à l’abandon », notant que « sans acier, il n’y a pas d’éoliennes, […] pas de rail, […] pas de bâtiments ».
Stéphane Séjourné a cependant mis en garde contre le fait de préférer les entreprises ayant leur siège dans l’UE pour les marchés publics.
« La question n’est donc pas celle de la nationalité de l’entreprise », a-t-il répondu lorsqu’il a été interrogé par l’eurodéputée française d’extrême droite Virginie Joron (PPE) sur la décision de la Commission de confier ses services de cloud (informatique dématérialisée) à Amazon et Google, et ses services de messagerie à Microsoft, «mais est-ce qu’elle contribue à la richesse européenne ?».
Le Français a également exprimé son soutien à une série d’autres mesures visant à stimuler la compétitivité faiblissante de l’Europe, notamment la réduction des formalités administratives, l’harmonisation de la législation dans les États membres, la « simplification et la rationalisation » du budget de l’UE et l’intégration du marché unique des capitaux.
Il a également insisté sur le fait que de nombreuses industries européennes sont actuellement confrontées à un « effet de ciseau », les prix élevés de l’énergie et les « surcapacités » chinoises étant responsables de la mort « littérale » de nombreuses industries de l’UE.
Il est donc pour lui nécessaire de stimuler la demande intérieure pour certaines technologies vertes, notamment les pompes à chaleur et les véhicules électriques.
« Les ventes de véhicules électriques stagnent et celles des pompes à chaleur ont été divisées par deux au cours des six derniers mois », a-t-il expliqué, ajoutant que l’UE devait « actionner tous les leviers possibles pour inverser la tendance ».
Une audition sous tension au Parlement européen
Stéphane Séjourné a gardé son calme face aux confrontations avec les eurodéputés français d’extrême droite et d’extrême gauche, réussissant à faire passer une forte conviction pro-européenne tout au long de ses réponses.
« rien, manifestement, ne vous désigne professionnellement pour ce poste », a estimé Marion Maréchal, ancienne membre du parti français d’extrême droite Reconquête, aujourd’hui indépendante au Parlement européen.
« Vous n’avez jamais dirigé une entreprise, ni réellement travaillé dans le secteur privé, et encore moins dans le secteur industriel », a-t-elle ajouté.
Stéphane Séjourné a répondu qu’il trouvait son commentaire « déplacé ».
« Je trouve dommage d’utiliser une minute de votre temps sur cette problématique alors qu’il y a des milliers d’emplois en jeu et qu’il y a aujourd’hui des enjeux importants au niveau européen », a-t-il poursuivi sous les applaudissements des députés.
Dans les dernières minutes de son audition parlementaire, qui a duré plus de trois heures et demie, le proche d’Emmanuel Macron a tout misé sur une rhétorique politique sincère qui a placé les valeurs européennes d’unité au cœur de son message — en faisant appel à des objectifs communs qui transcendent les intérêts sectoriels et nationaux.
« Si vous me faites confiance, j’espère travailler avec vous et avec les collègues pour aboutir sur le Pacte pour une industrie propre, sur l’accélérateur de décarbonation, évidemment, sur les fonds de compétitivité », a-t-il résumé.
Nous avons un « engagement européen commun et […], si l’Europe existe, si la construction européenne existe, c’est aussi grâce à la détermination des générations avant nous et à la volonté des peuples de travailler ensemble, malgré, souvent, des moments de doute ».
« Nous vivons une époque turbulente », a-t-il ensuite poursuivi. « Des changements qui se produisent à une vitesse vertigineuse, […] ce monde qui a changé […] [tout cela] exige de nous la même détermination que la génération qui a construit la Communauté européenne du charbon et de l’acier (en 1952) alors qu’elle était encore » sous le choc de la Seconde guerre mondiale, a-t-il déclaré.
Stéphane Séjourné a souligné que tous les secteurs européens seront imbriqués dans une politique industrielle stratégique, de la production traditionnelle à forte intensité énergétique aux technologies propres.
« Nous avons vu à quel point l’industrie européenne est fragile », a-t-il rappelé, à travers les crises en Ukraine et du Covid-19, soutenant que les différents types de production européenne devraient être encouragés et sauvegardés.
« Il n’y a pas de compétitivité sans autonomie, mais il n’y a pas d’autonomie sans compétitivité », a-t-il conclu.
Le sort de Stéphane Séjourné devrait être décidé par les députés européens soit mercredi 13 novembre, soit la semaine prochaine, en même temps que celui des cinq autres vice-présidents exécutifs désignés.
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