Plusieurs personnalités du monde du numérique estiment que le président du régulateur des télécoms a les épaules pour le poste, et qu’un tandem avec Magrethe Vestager donnerait du poids à l’UE face aux Gafa. Un article de notre partenaire Euractiv.
Jusqu’à présent, Emmanuel Macron privilégiait un profil politique pour représenter la France à la Commission européenne. Mais le récent rejet de la candidature de Sylvie Goulard par les eurodéputés pour gérer le marché intérieur, l’industrie et la défense, pourrait changer la donne. Le président de la République, qui doit désormais sauver le périmètre très large du portefeuille français, pourrait changer son logiciel. Et possiblement choisir un profil plus expert, en particulier dans le numérique, pour affirmer la souveraineté économique de l’Europe face aux Gafa. Dans cette perspective, le nom de Sébastien Soriano, l’actuel président de l’Arcep, le régulateur des télécoms, pourrait émerger.
Le polytechnicien, ancien directeur de cabinet de la ministre Fleur Pellerin sous François Hollande et ex-cadre de l’Autorité de la concurrence, était déjà sur la liste de l’Elysée, sans être dans le haut du panier. Il bénéficie aujourd’hui du soutien de plusieurs personnalités du monde du numérique. Ce lundi, une dizaine d’entre eux se sont fendus d’une tribune dans le journal Le Monde. Ils appellent l’exécutif à confier le portefeuille prévu pour la France à « une personne qui maîtrise finement les enjeux technologiques et de transformation numérique ». Et non à un politique.
« Les termes technocratiques de ‘marché intérieur’ cachent des responsabilités essentielles pour la compétitivité et la souveraineté de l’Europe : normes, industrie, entrepreneuriat et startups, numérique, télécoms, spatial, industries de défense…, justifient-ils. […] Regardons les choses en face : le numérique est une culture vaste que n’appréhendent que de manière approximative nombre de nos élites et de nos politiques. Ne prenons pas le risque d’une longue courbe d’apprentissage ou, pire, d’un profil inadapté à notre temps, tant l’enjeu est pressant et déterminant. »
« Il ne faut pas laisser l’administration prendre le pouvoir »
Dans la foulée de cette tribune, plusieurs de ses signataires ont pris publiquement, sur Twitter, position pour Sébastien Soriano. C’est le cas de Gilles Babinet, « digital champion » de la France auprès de la Commission européenne (« Et pour ma part, je pense que le nom qui coche toutes les cases est celui de Sébastien Soriano »). Ou encore d’Alexandre Zapolsky, le fondateur de l’éditeur de logiciels libres Linagora (« Je pense que la France et surtout l’Europe gagneraient à ce que Sébastien Soriano soit notre futur commissaire »).
Également signataire de la tribune, Salwa Toko, la présidente du Conseil national du numérique, affirme à La Tribune qu’elle ne pense « que du bien » du patron de l’Arcep. « Il maîtrise extrêmement bien les sujets numériques et technologiques, poursuit-elle. La seule chose que je regrette, c’est qu’on n’ait pas plus de candidatures féminines pour ce poste. » Gilles Babinet, lui, milite clairement pour Sébastien Soriano. « Ce poste nécessite quelqu’un qui comprenne la technique, c’est très important, insiste-t-il. On ne peut pas se permettre de ne pas avoir un spécialiste, on ne peut pas laisser les administrations prendre le pouvoir. »
Le patron de l’Arcep reste peu connu
Même son de cloche pour Alexandre Zapolsky. A ses yeux, Sébastien Soriano est qualifié pour défendre l’Europe face aux Gafa. Mais surtout, ce proche d’Emmanuel Macron juge qu’il a les épaules pour développer plus largement « une politique numérique européenne, ou une ‘troisième voie’ », voulue par le président de la République, entre celles des États-Unis et de la Chine.
« A travers ses expériences au cabinet de Fleur Pellerin [lorsque qu’elle était ministre en charge des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique, Ndlr] où il a participé à la création de la French Tech, et à l’Arcep, il a fréquenté tous les grands industriels des télécoms et du numérique, poursuit-il. Or dans le portefeuille de la France, il y a cette dimension de politique industrielle. On le voit notamment à travers cette réflexion sur le lancement d’un fonds souverain européen de 100 milliards d’euros pour investir dans l’innovation et la technologie. »
Pour Alexandre Zapolsky, une question demeure : « Est-ce que le président serait capable de soutenir quelqu’un comme Soriano qui, malgré son parcours, reste peu connu ? »
Le choix déterminant du représentant hongrois
Pour ces soutiens, Sébastien Soriano pourrait constituer un tandem de choix avec Magrethe Vestager, la nouvelle vice-présidente exécutive pour l’Europe numérique et à la Concurrence, pour accélérer la numérisation de l’Europe tout en régulant les Gafa. Sébastien Soriano s’intéresse depuis longtemps à cette dernière problématique. Le mois dernier, il a plaidé pour une réforme radicale des règles concernant les géants américains du Net dans une note (« Briser le monopole des big techs : réguler pour libérer la multitude ») pour le cercle de réflexion Digital New Deal Foundation.
La balle est désormais dans le camp d’Emmanuel Macron. Quoi qu’il en soit, une éventuelle proposition de Sébastien Soriano dépendra aussi du choix de la Roumanie. Comme Paris, Bucarest s’est fait retoquer son candidat par le Parlement européen. La France et la Roumanie ne pourront pas tous deux proposer un homme. Sinon, la parité de la Commission, chère à Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de l’institution, ne sera pas respectée. Interrogé sur son intérêt pour la Commission, Sébastien Soriano ne fait pas de commentaire.
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