Un tiers de la population mondiale est confiné. Une grande partie de l’Europe, de l’Inde et des grandes villes américaines le sont. Mercredi 25 mars, le Président russe a décidé de mettre en congés l’ensemble des actifs russes.
Cette pandémie est à l’origine de la troisième et plus grave crise économique, financière et sociale du XXIe siècle, après les attentats du 11 septembre 2001 et la crise financière mondiale de 2008. Le choc est pluriel. L’offre est amoindrie par l’arrêt des usines et par la rupture des chaînes d’approvisionnement dans le monde entier; la demande est en chute brutale avec les confinements; la confiance des ménages est partout en forte baisse avec la crainte de la maladie et de l’effondrement de l’économie; la menace d’une crise financière plane également avec l’augmentation sans précédent des dépenses publiques et le risque d’une multiplication des défaillances chez les débiteurs.
L’arrêt de très nombreuses usines, le maintien à domicile de millions de salariés, les restrictions de circulation, la fermeture des commerces non essentielles constituent à l’échelle mondiale une première qui devrait se traduire par une sévère récession. Celle-ci sera, en fonction des caractéristiques des pays, plus ou moins forte et plus ou moins brutale. Les évaluations sont très variables traduisant le poids des incertitudes en la matière. Il est trop tôt et sans doute inutile d’indiquer si la crise sera supérieure à celle de 1929 ou à celle de 2008. Nous avons l’avantage d’avoir des données sur ces crises précédentes, données qui doivent nous éviter de rééditer les mêmes erreurs. Au mois de février, la production industrielle en Chine a selon les chiffres de « The Economist » baissé de 13,5%. Les ventes au détail se sont contractées de 20,5%. Les investissements en immobilisations, qui mesurent les dépenses dans des domaines tels que les machines et les infrastructures, ont diminué de 24%, soit six fois plus que prévu. Les effets sur l’économie seraient plus longs qu’escompté dans un premier temps.
L’augmentation très rapide du nombre de personnes contaminées par le coronavirus a incité tous les États à opter pour le confinement. Ce dernier, à défaut de régler le problème, permet un aplatissement de la courbe des personnes infectées et des décès. Un afflux important de malades dans les hôpitaux entraînerait une surmortalité importante. Afin d’éviter un tel scénario, les gouvernements, les uns après les autres, ont opté pour des confinements qui permettent d’étaler dans le temps le nombre de malades. L’objectif est également d’atteindre un niveau de non-prolifération ou de gagner du temps pour mettre en place des tests à grande échelle permettant des confinements localisés.
Après avoir officiellement enregistré plus de 80 000 cas pour une population de 1,4 milliard d’habitants, selon les chiffres officiels communiqués, la Chine lève très progressivement les restrictions de circulation.
Phases de stop and go
Du fait de la circulation du virus à l’échelle mondiale, l’arrêt des confinements pourrait provoquer sa résurgence. Face à ce risque, les États seront tentés de maintenir de nombreux freins aux échanges avec l’étranger. En cas d’apparition de foyers, des restrictions locales ou régionales seront prises. L’économie devra s’adapter à des phases de «stop and go» et de «lock out» permanentes. Ce cycle de marche-arrêt sera maintenu jusqu’à ce que la maladie ait traversé la population ou qu’il y ait un vaccin. Ce dernier, sous réserve qu’il soit trouvé, ne pourrait être diffusé qu’à l’automne 2021.
Les pouvoirs publics seront, dans les prochains mois, confrontés à des dilemmes. Convient-il de freiner au maximum l’épidémie pour limiter le nombre de morts au prix d’un blocage de l’économie qui pourrait également provoquer des décès (pauvreté, suicides, etc.) ? Il faudra évaluer le coût financier et psychologique de l’isolement répété.
De même, la réduction des transports qui restent un vecteur important de diffusion des virus suppose que la localisation des entreprises et des salariés soit revue. En Chine, les ouvriers sont invités à dormir dans leur usine. Le recours au dépistage massif tel que la Chine ou la Corée du Sud le pratiquent pourrait se généraliser, ce qui ne serait pas sans conséquences sur le plan des libertés individuelles.
D’un côté, les personnes testées positives devraient se mettre en quarantaine ainsi que celles qu’elles auront côtoyées quand, d’un autre côté, celles qui sont immunisées pourraient vaquer à leurs occupations en sachant qu’elles ne peuvent pas être une source de nouvelles infections.
Nouvelles normes
Les voyages internationaux voire nationaux pourraient être conditionnés à la possession d’un test de dépistage. Le port du masque ainsi que l’adoption de mesures de distanciation pourraient devenir la norme.
La Chine et la Corée du Sud utilisent des applications pour certifier qui est indemne de la maladie et qui ne l’est pas. Ces pays recourent aux médias sociaux pour retracer les infections, alerter les gens sur les points chauds et identifier les contacts potentiellement infectés. La Corée du Sud a modifié la loi pour permettre à l’État d’accéder aux dossiers médicaux et de les partager sans mandat.
Si les États estiment que le virus est amené à s’installer durant de nombreux mois voire années, ils devront engager des programmes de construction de centres de santé adaptés afin de prendre en charge les personnes infectées et pour pouvoir réaliser des tests de dépistage en grand nombre.
Plusieurs secteurs seraient particulièrement touchés si ce scénario devenait réalité. Le tourisme et les loisirs seraient en première ligne tout comme les centres commerciaux. La France avec l’Italie et l’Espagne serait pénalisée par l’effondrement des recettes touristiques. La Corse qui tire environ 30 % de son PIB des activités touristiques serait la région française la plus touchée.
Les populations des pays occidentaux appréhendent avec difficulté les changements que peut induire le covid-19. La polémique au sujet de la chloroquine souligne la fragilité de l’opinion qui a besoin de croire en l’existence d’une solution simple pour tourner la page. Face à un ennemi fantôme, face à des dirigeants publics contraints d’improviser, l’inquiétude ne peut qu’augmenter d’autant plus que la défiance à l’encontre des autorités était déjà palpable avant la crise. Pour autant, les moyens financiers pour lutter contre la crise sanitaire et la crise économique sont sans précédent.
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