Un programme puis des candidats pour l’appliquer, plutôt que l’inverse. Le président français veut changer la méthode européenne pour forger un exécutif le plus solide possible.
A Bruxelles, mardi 28 mai, alors que les 28 chefs d’Etat et de gouvernement se réunissaient pour faire le point après les élections, le président français a continué sa stratégie de coup de pied dans la fourmilière.
« Ces élections marquent une nouvelle étape pour l’Europe, on ne va pas faire comme si rien n’avait changé !» a indiqué le chef d’Etat, insistant sur la hausse de la participation, l’espoir des jeunes et le besoin d’agir rapidement sur plusieurs sujets : changement climatique, questions sociales et innovation, et Europe de la défense.
Réuni à la demande de la France, ce Conseil extraordinaire avait été minutieusement préparé à Paris.
Pour la première fois, plusieurs chefs d’Etat sont arrivés au Conseil en débitant les mêmes éléments de langage, visiblement briefés par Emmanuel Macron : « l’important n’est pas de trouver un candidat , mais un programme » ont ainsi assuré Charles Michel, Mark Rutte, Pedro Sanchez, Antonio Costa mais aussi Emmanuel Macron et aussi dans une moindre mesure le luxembourgeois Xavier Bettel et Antonio Tsipras, qui ont pris plus de liberté avec le script initial.
Cette alliance inédite est bien sûre destinée à mettre au pouvoir non pas Manfred Weber, le candidat de droite PPE qu’aucun de ces chefs d’Etat ne souhaite voir prendre la Commission. Selon Macron, le candidat idéal aura de expérience et crédibilité, et incarnera le renouvellement et les changements dans la politique européenne.
Cette stratégie s’est heurtée aux tenants de la droite classique, mais aussi à Angela Merkel, qui a dit qu’elle continuait à soutenir le système des Spitzenkandidaten. Elle est de plus en plus seule à le faire : le Parlement européen réuni dans la matinée avait échoué à se prononcer pour le mécanisme, rappelant simplement son souhait de voir un candidat qui a affiché un programme et fait campagne.
Les autres Spitzenkandidaten ne se sont pas exprimé pour le gagnant théorique, soit Mandfred Weber, qui a obtenu le plus de sièges. En 2014, Martin Schulz avait au contraire apporté son soutien à Juncker dès le dimanche soir.
A Paris, le mécanisme est pourtant mort et enterré, les arguments de Macron ayant fini par porter.
« Le système des Spitzenkandidaten est une farce : c’est de la particratie plutôt que de la démocratie. Ca favorise forcément l’un des deux plus grands partis du Parlement européen, qui sont dominés par des Allemands » souligne le géopoliticien et professeur de sciences politiques Zaki Laïdi.
« Nous avons acté qu’il n’y avait pas d’automaticité des Spitzenkandidaten » s’est simplement réjoui le président français, donnant le coup final au processus.
Paris veut une Commission forte, contrairement à l’Allemagne
En filigrane, le président a aussi dénoncé « ceux qui ne veulent pas de candidats à la président de la Commission qui puissent leur faire de l’ombre », visant clairement Angela Merkel dont le pays a toujours soutenu des candidats moyens pour éviter que l’exécutif européen ne prenne trop de place.
Une erreur de traduction en français a entraîné de vives réactions sur l’état des relations entre la France et l’Allemagne. Les deux chefs d’Etat s’opposent notamment sur la tête de la future Commission européenne. (voir notre article FRITURE SUR LIGNE )
« C’est le plus gros exécutif européen, il faut qu’il prenne toute sa part, il faut un pouvoir fort » a au contraire affirmé Emmanuel Macron en appelant de ses voeux un/e président de a Commission européenne « qui porte une Europe qui soit la plus forte possible ». Selon lui, la clé serait un ou une candidate le plus charismatique et compétent possible.
Il a surtout rappelé que le principal atout du candidat sera de rassembler la majorité autour d’elle ou lui. Un argument subtil : à l’exception de Michel Barnier, qui n’a certes pas officiellement fait campagne mais vient de passer les deux dernières années à voyager dans toutes les capitales européennes pour associer les 27 à son projet d’accord pour le Brexit, aucun candidat ne fait consensus.
Et si faire l’unanimité au Conseil européen peut sembler compliqué, ce n’est rien par rapport au Parlement européen où les 751 eurodéputés obéissent tous à des logiques très différentes.
Pour Pierre Vimont, ancien ambassadeur de France auprès de l’UE, qui participait mardi à une discussion au think-tank ECFR, « le nouveau Parlement risque d’être compliqué à gérer, voire bloqué » en raison de la fragmentation des forces politiques, et du manque de majorité, qui nécessitera d’imaginer un programme de coalition pour trouver des bases communes.
« Le programme de coalition est en train de devenir une réalité de la politique européenne ; notamment pour résister à la poussée de l’extreme-droite, trouver des accords sur un programme, va devenir essentiel » assure le diplomate. Les semaines qui s’ouvrent s’annoncent mouvementées.
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