Doté à l’origine d’un budget de deux millions d’euros, le fonds de soutien au tissu associatif des Français à l’étranger, appelé STAFE a été créé en 2018 suite à la suppression de la « réserve parlementaire ». L’objectif de ce dispositif est de pouvoir financer des projets dont l’objet est de nature éducative, caritative, culturelle ou d’insertion socio-économique et qui contribuent au soutien des Français à l’étranger. Depuis son lancement, des interrogations semblent subsister, notamment quant à la décision finale des subventions octroyées. Aussi, des élu(e)s des Français de l’étranger ont transmis cette tribune à la rédaction Lesfrancais.press, nous la publions dans son intégralité.
Comment la réserve parlementaire pour les Français de l’étranger est devenue un fonds à la discrétion de l’administration et donc, du gouvernement
La transformation de la réserve parlementaire pour les Français.es de l’étranger, en un fonds associatif, le “STAFE”, a en réalité mené à sa suppression partielle. Distribuée auparavant à la discrétion de parlementaires élus, elle l’est aujourd’hui à la discrétion d’une administration au service de l’exécutif.
Moins démocratique
Les lois de 2013 relatives à la transparence de la vie publique avaient imposé la transparence dans l’utilisation de la réserve parlementaire [1]. Mais en 2017, sous prétexte de « moralisation de la vie publique », E. Macron la supprime [2], pour la laisser à la discrétion de….l’exécutif ! Il crée alors le STAFE, « Fonds gouvernemental de soutien au tissu associatif des Français de l’étranger “, « que les ministres puissent instruire», «en lien avec les élu.e.s… et les parlementaires !”[3].
C’est l’administration qui décide
Dans la pratique, les conseillers des Français de l’étranger, élus locaux pour les Français à l’étranger, opèrent un classement des projets. Mais une fois envoyés à Paris, les dossiers sont retoqués par l’administration, avant même d’arriver en commission nationale, où là encore, les élus n’ont qu’une voix consultative [4]. En réalité, c’est l’administration qui fixe les critères et exerce un pouvoir de veto sur les projets. Cette année, elle ne formule d’avis favorable qu’à 55 % des dossiers pré validés pas les élus locaux, les autres faisant l’objet de « réserves émises par l’administration » (diminution du montant, avis défavorable ou avis réservé).
Des fonds qui s’effondrent, des besoins qui augmentent
Le STAFE est passé de 3,4 millions d’euros à deux millions d’euros dès 2017 et a été réduit à 1,5 millions pour 2025. L’administration argue que ce dernier montant correspondait aux besoins réels. Ce qu’elle appelle les besoins, c’est la liste des projets présélectionnés par les élus, après le veto de l’administration sur une bonne partie d’entre eux. En réalité, en 2024, les élus locaux et les consulats avaient présélectionné localement 278 projets (sur 388 déposés) à Paris, pour 2,39 Millions. Finalement, seuls 88% ont été attribués par l’administration, pour 1,5 million d’euros [5]. Au-delà des chiffres, nombre d’associations sur le terrain ne déposent même pas de dossiers, découragées par des décisions arbitraires et une complexité administrative démesurée.
Un cache-misère face aux autres budgets en baisse
Si le nombre de dossiers déposés augmente malgré tout pour 2025[6], c’est bien parce que le STAFE est devenu la dernière option pour des structures dont les financements ont été drastiquement réduits : les Alliances Françaises, les Lycées français, les Instituts français et les associations d’entraide sociale. L’administration renvoie par exemple les projets relatifs au soutien et à la protection des femmes et des enfants français contre les violences aux subventions à d’autres lignes budgétaires, elles aussi en baisse[1].
Face à la colère des élus, un Ministre qui propose des mauvaises solutions
Face aux élus insatisfaits, le Ministre propose que la décision soit prise au niveau local, à condition d’un “consensus” – c’est-à-dire d’un vote non pas à la majorité mais à l’unanimité des conseils consulaires. Pour les gros conseils consulaires, les élus des Français de l’étranger n’auront pas le droit d’exprimer leurs désaccords, s’ils veulent être décisionnaires. Pour les petits conseils consulaires, ces pays où il n’y a qu’un élu, alors celui-ci sera décisionnaire, comme l’étaient autrefois les parlementaires qui utilisaient de manière discrétionnaire leur enveloppe parlementaire.
Des propositions des élu.e.s qui émergent dès 2018
Dès la première année, l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) alerte sur les dysfonctionnements et propose des solutions[7]. En 2025, nous, élus de terrain à l’étranger, proposons des solutions:
- Une prise de décision collective, démocratique des élus: les projets des petits conseils consulaires validés par des élus de l’AFE, une prise de décision à la majorité dans les grands conseils consulaires.
- Pour les petites associations, une simplification administrative et des subventions à 100%.
- Des critères d’éligibilité stables décidés par l’AFE.
- Des projets approuvés en octobre précédant l’année concernée.
- Une charte éthique pour lutter contre les conflits d’intérêts et l’obligation de retrait décisionnel (non-participation au vote) pour les élus ou agents présents dans les CA des associations concernées, qui n’a pas été appliquée correctement par le Ministère.
- Une diffusion des appels à projet à la Liste électorale consulaire.
- Un retour au niveau de financement de la réserve parlementaire.
Il en va du soutien au réseau associatif des Français de l’étranger et, plus largement, du rayonnement de la France à l’international.
Signataires :
Cécile Lavergne et Vanessa Gondouin, membres de la Commission nationale STAFE, et des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE): Cécilia Gondard (Benelux), Abdelghani Youmni et Khadija Belbachir-Belcaid (Maroc), Olivier Spiesser (Italie), Jean-Philippe Grange (Australie), Samy Ahmar (Royaume-Uni), Gaelle Lecomte (Espagne), Nathalie Parmegiani ( (Suède), Chantal Picharles (Grece), Baptiste Heintz (Cote d’Ivoire), Pierre Lavéant (Pays-Bas), Ana Saint-Dizier (Péninsule ibérique), Renaud Le Berre (Péninsule Ibérique), Géraldine Guillemot-Peacock (Nouvelle-Zélande), Chantal Picharles (Grèce), Catherine Libeaut (Pays-Bas), Audrey Leclerc (Allemagne), Denis Glock (Costa Rica), Jean-François Deluchey (Brésil), Ellen Bouveret (Allemagne), Jean-Baka Domelevo Entfellner (Afrique de l’est), Frédéric Chauveau (Pologne), Ellen Bouveret (Allemagne), Florian Bohème (Cambodge)
[1] Le decret 2024-124 annule 3,5 millions sur l’aide sociale. Voir Résolution FIN 4/03.2025 https://www.assemblee-afe.fr/40eme-afe-role-des-resolutions-presentees-lors-de-la-41eme-session/ et le budget Organismes Locaux d’Entraide et de Solidarité 1,2 millions (-0,2 millions soit – 14%)
[1] Transparence de la réserve parlementaire
[2] Loi confiance dans la vie politique, moralisation de la vie publique | vie-publique.fr
[4] Modalités de remplacement de la réserve parlementaire
[5] Note de cadrage Commission nationale consultative du STAFE (Fonds de Soutien au Tissu Associatif des Français de l’Etranger) 7 mars 2025
[6] Le nombre de projets soumis à l’examen de la commission nationale dans le cadre de la campagne 2025 est supérieur à celui des campagnes précédents (+8%) : 299 émanant de 101 postes ont été retenus par les conseils consulaires. Note de cadrage Commission nationale consultative du STAFE (Fonds de Soutien au Tissu Associatif des Français de l’Etranger) 7 mars 2025
[7] Amélioration du dispositif STAFE – Assemblée des Français de l’étranger (AFE)
[8]La subvention du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ne doit pas être la seule source de financement du projet. Un seuil maximum est fixé à 50%. Pour les petites associations dont le budget global n’excède pas 10 000 €, le seuil de financement par la subvention demeure plafonné, de manière exceptionnelle, à 80%. Dispositif de soutien au tissu associatif des Français à l’étranger (STAFE) – (…) – Consulat Général de France à Bruxelles
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Bonjour. Nous sommes une petite association d’anciens combattants français au Canada. À l’époque de la réserve parlementaire, nous bénéficions, de temps en temps, d’une petite aide pour un ordinateur, une imprimante,… Avec le STAFE, il faut financer 50 % de la demande, ce qui n’est pas possible pour nous, ayant un très faible budget, avec priorité à l’aide social pour les anciens combattants et leurs veuves. Donc, maintenant, nous n’avons plus aucune aide, mais toujours des demandes d’intervention des consulats!!!
Président honoraire.