L’ensemble des investissements nécessaires à la transition énergétique, à la gestion de l’eau, et au maintien de la biodiversité, a été évalué à 4 points de PIB pendant près de 30 ans.
La décarbonation des activités apparaît comme une reconstruction de l’économie assimilable à ce que peuvent connaître des États après une guerre. La différence est qu’en cas de destructions physiques, la nécessité de la reconstruction s’impose de fait. Or, dans le cas de la lutte contre le réchauffement climatique, la nécessité est moins palpable, moins évidente.
Les États occidentaux fortement endettés sont dans l’obligation de chercher des ressources pour financer la transition énergétique. Quatre solutions sont à la disposition des gouvernements :
-Obliger les agents économiques à épargner ;
-Accroître la pression fiscale ;
-Imposer des taux d’intérêt réels à long terme inférieurs à la croissance réelle par une politique monétaire très expansionniste ;
-Créer de la monnaie ex nihilo pour financer ces investissements.
L’augmentation de l’épargne
Un accroissement de l’épargne faciliterait le financement des investissements. Il aurait comme conséquence une diminution de la consommation et de la croissance. Les taux d’épargne sont, en Europe, et tout particulièrement en France, élevés laissant peu de marges de manœuvre en la matière.
Pour accroître le taux d’épargne, une augmentation de sa rémunération serait nécessaire, ce qui aurait pour effet de relever les coûts d’emprunt, limitant d’autant plus les capacités d’investissement des agents économiques.
L’autre voie serait d’inciter fiscalement les ménages à placer leurs liquidités sur des produits « verts ». Cette réorientation de l’épargne pourrait pénaliser des acteurs économiques qui ont également des besoins de financement importants. Cette réorientation de l’épargne pourrait peser sur la productivité sachant qu’en l’état actuel des techniques, les énergies renouvelables ont une efficience moindre que celle des énergies carbonées.
L’augmentation de la pression fiscale
Les États pourraient passer par un recours à l’impôt pour financer la transition énergétique. Si des marges de manœuvre existent, dans certains pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, voire l’Allemagne, ce n’est pas le cas en France, ni dans les États d’Europe du Nord ou du Sud. En France, la crise des « gilets jaunes » en 2018 a montré la sensibilité croissante des opinions publiques sur ce sujet.
La baisse des taux d’intérêt
Les banques centrales pourraient imposer des taux d’intérêt les plus bas possibles afin de faciliter les investissements nécessaires à la transition énergétique. Compte tenu des niveaux d’endettement, la seule action sur les taux directeurs pourrait ne pas suffire, les prêteurs exigeant une prime de risques accrue. Les banques centrales seraient alors contraintes de lancer des programmes d’achats d’obligations d’État comme entre 2010 et 2021.
De faibles taux d’intérêt seraient une incitation à l’endettement et alimenteraient des bulles spéculatives notamment sur les marchés « actions » et « immobilier ».
L’augmentation de la masse monétaire
La solution pourrait passer par la création monétaire en dupliquant la pratique des banques centrales entre 2010 et 2021. La quantité de monnaie pourrait être accrue par l’achat de titres publics par les banques centrales.
Entre 2008 et 2023, la base monétaire de la FED est passée de 1 000 à 8 000 milliards de dollars. Sur la même période, l’encours de la dette publique détenue par la FED est passé de 1 000 à 5 000 milliards de dollars. Toujours sur la même période, la base monétaire de la BCE est passée de 800 à plus de 5 500 milliards d’euros, l’encours de dette publique qu’elle détient passant de 100 à 4 500 milliards d’euros.
Comme les banques centrales reversent les intérêts qu’elles perçoivent aux États sous forme de distribution de bénéfices acquis et qu’elles rachètent les tombées de coupons, la dette devient irréversible. La situation équivaut à une annulation de dette et à une augmentation de la masse monétaire.
Cette hausse peut générer des effets inflationnistes si la production n’est pas capable de répondre à la demande.
Le financement de la transition énergétique constitue un réel défi pour les États occidentaux, d’autant plus qu’il s’ajoute à celui du vieillissement démographique.
Concilier transition énergétique et productivité en jouant sur l’innovation
Aucune des solutions, augmentation des impôts, épargne forcée, baisse des taux d’intérêt, création monétaire, n’est sans défaut.
La voie la plus saine est de concilier transition énergétique et productivité en jouant sur l’innovation. Les pouvoirs publics devraient veiller à ne pas perturber plus que mesure le fonctionnement des marchés pour éviter un gaspillage des fonds publics et la baisse de la productivité.
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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