Comment chat va ?

Comment chat va ?

Aux États-Unis, où se joue le sort du monde, les chats sont au cœur de la campagne. Tout a commencé par Vance, le candidat à la Vice-présidence de Trump, qui se moquait de Kamala Harris, « femme à chat sans enfant ». Lors du débat, Trump affirma que les migrants mangeaient des chats et des chiens. Choquée, Taylor Swift, pop star mondiale docteur es honoris causa de l’université de New York, apporta son soutien à Harris, soutien d’une femme à chat à une autre. De ces griffures, Kamala sort gagnante, puisque les États-Unis comptent 68 millions de félins ayant adopté un électeur. À moins que Trump n’aille flatter l’encolure des chiens. Chiens et chats en disent long sur la pauvreté du débat, la vulgarité qui se veut populaire, le racisme et le sexisme sous-jacents, mais plus encore.

Tout y est : ce que l’on mange et ce que l’on ne mange pas, ce que font les migrants, ce que font les hommes et les femmes, des enfants, qu’ils ne font plus. Les chats, comme tous les animaux domestiques, sont des signes de civilisation, autrement dit de politique. Alors, chère petite planète, comment chat va mal ?

Éros Kamala face à Trump Thanatos ? Pulsion de vie contre pulsion de mort ?  

Bastet la féline rassemblait pour sa fête 700 000 personnes dans le delta du Nil il y a plus de trois mille ans. Déesse de l’amour dit-on, comme on dit d’Anubis le chien, ou de Cerbère, qu’il garde les enfers. Éros Kamala face à Trump Thanatos ? Pulsion de vie contre pulsion de mort ? Trop simple. Les chats sont des créatures humaines comme tous les animaux domestiques. Chats, chiens, chevaux, ânes, moutons, chèvres, vaches, espèces créées par l’homme en même temps qu’il se domestiqua. La civilisation industrielle mena à son paroxysme la vieille société agricole. L’immense majorité des animaux sur la planète sont domestiques, soit pour la compagnie, soit pour le ventre. Les animaux sauvages sont presque tous des espèces menacées. Il reste moins de 5000 tigres pour 600 millions de chats, 700 millions de chiens, 500 millions de porcs, 1,5 milliard de bovins, 25 milliards de volailles. Le règne animal est devenu servile.

Trump dit que les migrants mangent des chats et des chiens. Il visait les Haïtiens. Erreur. C’est en Asie que l’on cuisine chats et des chiens : Corée, Chine, Philippines, Cambodge, Vietnam. Mais aussi Mexique, Slovaquie, Polynésie, Groenland et Alaska. Le parlement coréen a désormais interdit la consommation de chiens depuis janvier 2024. Pas la Suisse. La dernière boucherie canine a fermé en Allemagne après-guerre.

Manger chat et chien est incompatible avec l’American Way of Life, où l’on ne mange que des steaks et des French Fries. Les bisons ont été éradiqués, comme les Peaux-Rouges. Toute civilisation commence à la cuisine où la ressource se transforme en mets.  Il n’est pas de société sans interdits alimentaires. La Bible en témoigne : tu mangeras tous les fruits, sauf un. Patatras, Ève et Adam mangent le fruit interdit. Bonne nouvelle : Jésus abolit les restrictions alimentaires du Lévitique (la cacherout). Contrairement aux Juifs et aux Musulmans, qui bannissent, entre autres, le porc, les Chrétiens mangent de tout. Mangent-ils du cheval ? En 732 le pape Grégoire III l’interdit. Pour lui comme pour les Gaulois, le cheval est tabou (sinon Vercingétorix eut évité la famine à Alesia). Les Mormons ne boivent pas de Coca.

Trump mange-t-il des insectes, des larves de guêpes confites au soja, appréciés en Asie du Sud-Est ? La division en Europe entre protestants économes du nord et catholiques dépensiers du sud recoupe-t-elle la culture du vin et de la bière ? L’Orient et l’Occident se définissent-ils par le blé et le riz ? La patate allemande vient d’Amérique, comme la tomate italienne, l’orange, elle, de Chine, par la Perse. Bigre, rien n’est naturel, tout migre.

L’élection américaine ne se fait ni sur l’économie, ni sur les guerres, ni sur la démocratie, ni sur l’avortement, mais sur l’étranger.

Si l’on mange du chien, est-on pauvre migrant ou riche chinois ? La saillie de Trump attaque l’étranger dans son étrangeté. L’élection américaine ne se fait ni sur l’économie, ni sur les guerres, ni sur la démocratie, ni sur l’avortement, mais sur l’étranger.

Hormis les promesses de nouvelles dépenses publiques -1.400 milliards de dollars de déficit supplémentaires pour Harris, 4.500 milliards pour Trump- qui ne sont que des promesses, le débat américain porte sur « l’étranger ». Original dans un pays où les seuls autochtones sont les Indiens dans des réserves. Comme Kamala Harris est fille d’étrangers, cela permet des attaques directes, comme celles de Vance ou de Musk (lui-même immigré).

Ce qu'il faut retenir du débat Harris-Trump
La vice-présidente américaine et candidate démocrate Kamala Harris (droite) et l’ancien président républicain Donald Trump, lors d’un débat à Philadelphie le 10 septembre 2024 © AFP SAUL LOEB

La diversité des Etats-Unis met face à face une fille de Jamaïcains face à un Trump sexiste et raciste, qui ne pense pas que les Américains vont élire une femme, fille d’immigrés, sans enfant, présidente.

Personne ne veut des immigrés ; or le monde ne peut survivre sans migration, mouvement de régulation qui évite les conflits.

Les populations ne veulent pas d’immigrés. À Springfield, les Haïtiens (qui ne mangent pas de chat) sont 15.000 sur une population de 60.000. Haïti est dirigé par des gangs. Pourquoi un Haïtien ne tenterait-il pas sa chance, aux États-Unis ou ailleurs ? L’Allemagne a décidé de rétablir les frontières, à rebours de sa politique antérieure, suite aux succès des partis anti-immigrés. Les Sociaux-démocrates danois externalisent les demandes de réfugiés, comme veut le faire l’Italie. Les Suédois paient 30.000€ chaque immigré pour s’en aller. Les Travaillistes britanniques se veulent plus fermes que les Tories sur l’immigration.

Personne ne veut des immigrés ; or le monde ne peut survivre sans migration, mouvement de régulation qui évite les conflits. Ni l’Europe, ni la Chine ne peuvent maintenir leur niveau de vie sans un accroissement de population qui ne peut venir que de l’extérieur. Le Japon et la Corée parient sur les robots pour remplacer les humains. Il y a aussi des robots chiens, des robots chats. 

Toute la question est dans la régulation des migrations, les capacités d’accueil et d’insertion. Un débat serein est-il possible ? Est-il possible en Europe, alors que le pacte européen n’est pas encore en vigueur, que chaque pays s’agite dans le désordre sous le coup des populismes et des clientélismes de banlieue ? Est-ce le seul défi planétaire ? Ou est-ce l’absence de réponses aux questions du monde qui focalise le débat sur les frontières ? Trump, ayant compris qu’il avait perdu le débat, mais pas l’élection, se tait. Des images fabriquées le montrent embrassant chatons et canards. Le canard est comestible.

« Un monde où l’amour de l’ordre se confond avec le goût des tyrans et le culte saint de la liberté avec le mépris des lois. »

Le monde va-t-il si mal ? Ma langue au chat de Tocqueville, (La démocratie en Amérique, 1835) : « Tous les siècles ont-ils donc ressemblé au nôtre? L’homme a-t-il toujours eu sous les yeux, comme de nos jours, un monde où rien ne s’enchaîne, où la vertu est sans génie, et le génie sans honneur ; où l’amour de l’ordre se confond avec le goût des tyrans et le culte saint de la liberté avec le mépris des lois ; où la conscience ne jette qu’une clarté douteuse sur les actions humaines ; où rien ne semble plus défendu, ni permis, ni honnête, ni honteux, ni vrai, ni faux? » Au temps de Tocqueville, la famine tuait 1 million d’Irlandais. En 1950, les deux tiers de la population mondiale souffraient de malnutrition. Aujourd’hui moins de 10%, 730 millions, alors que la population est passée de 2,5 milliards à 8,3 milliards d’habitants. Dont 900 millions d’obèses.

« Quand il n’y eut plus d’animaux à manger, les hommes, tenaillés par la faim, se nourrirent de charognes et d’autres choses immondes. Ils allèrent jusqu’à dévorer de la chair humaine. » écrivait Raoul Glaber (XIème). Aussi, comme le disait ce grand affameur Mao, idole des jeunes plus encore que Taylor Swift : « Le monde progresse, l’avenir est radieux, personne ne peut changer ce courant général de l’histoire. »

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de France pay

Auteur/Autrice

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire