Les uns écrivent des traités de stratégie depuis des siècles. Les autres jouent au Texas hold’em sur des machines à sous. Un nouveau « Grand jeu » a commencé, en direct, planétaire, et même spatial. Chaque information est décryptée selon cette grille simpliste mais pas si simple : la rivalité entre la Chine qui monte et les Etats-Unis qui reculent.
Le Coronavirus ? Un virus chinois. D’autant qu’il vient de Wuhan, où il en existe des milliers de la sorte, dans des laboratoires de recherche. Un vaccin ? La Chine en a produit deux. Et les distribue à 60 pays dans le monde. Les Etats-Unis ont vacciné 100 millions d’Américains, avec des vaccins ARN, une percée scientifique extraordinaire. La crise ? La Chine est le seul pays qui, l’an dernier, a maintenu une croissance positive. Les exportations chinoises battent record sur record. Les Etats-Unis relancent l’économie mondiale avec l’injection de plus de 3000MS de dollars, 15% du PIB. Les entreprises high tech américaines flambent en Bourse, les banques aussi : plus que jamais le dollar est roi.
La monnaie mène le monde
Plus que jamais la monnaie mène le monde. La Reserve fédérale américaine est de fait le préteur du monde en dernier ressort. Joe Biden vient de le rappeler à Vladimir Poutine : le trésor américain ne prendra plus de dette russe. De quoi fragiliser la Russie, au risque de la pousser, un peu plus, dans les bras des Chinois. En attendant, les manœuvres russes en Ukraine ont pris fin.
Les Iraniens viennent de signer un accord de défense de 25 ans avec les Chinois. L’échange ? La Chine achète leur pétrole avec un rabais de 15%, leur vend des armes et vise à installer des relais, y compris militaires, en Iran. Voici une belle Route de la Soie jusqu’à la Méditerranée, l’autoroute chiite de Téhéran à Beyrouth en passant par la Syrie d’un coté, de l’autre « le corridor économique Chine-Pakistan » avec des investissements en infrastructures de 60 milliards de dollars. Cette semaine, au Balouchistan, province pakistanaise, un attentat terroriste a visé l’hôtel où séjournait l’ambassadeur de Chine, revendiqué par l’Armée de Libération du Baloutchistan qui dénonce la vassalisation chinoise. L’Inde et les Afghans nient tout soutien.
Qui dupe qui ?
En Afghanistan, Biden met fin à la plus longue guerre de l’Amérique, après avoir dépensé entre 800 et 1000 milliards de dollars. Il revient dans le Traité JCPOA avec l’Iran, à la grande satisfaction des Européens, qui espèrent que les Iraniens renonceront à leurs centrifugeuses, leurs missiles, leur stock d’uranium enrichi. Pendant ce temps Israël et Iraniens échangent les coups. Les Iraniens encaissent. Les Etats-Unis ont donc le bâton israélien et la carotte européenne. Qui dupe qui ?
A coté, Erdogan se fait doux avec l’oncle Sam, qui pourtant reconnait le génocide arménien. La Livre turque chute encore et toujours, le Sultan est accusé d’avoir dilapidé, en vain, 128 milliards de dollar, (il n’en reconnait que 70) pour soutenir la monnaie nationale. De quoi faire réfléchir les « souverainistes monétaires ».
L’internationale turque
Si les Turcs reviennent vers les Etats-Unis, c’est qu’ils ont besoin de leur soutien financier. Si les Etats-Unis ménagent tant la Turquie, c’est qu’ils ont besoin d’eux, hier face à la Russie, demain face à la Chine. A partir de la Turquie s’étirent les pays turcophones d’Asie centrale, (Azerbaïdjan, Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Turkménistan) qui forment un long couloir entre la Russie et la Chine, jusqu’aux Ouïghours. Malheureux Ouïghours dont personne ne connaissait l’existence il y a un an, promus au rang de cause mondiale, ni par les Turcs ni par les Musulmans, mais par l’Occident démocrate. S’il s’agissait de marquer une différence entre le camp autocrate et le camp démocrate, comme le revendique Joe Biden, il ne s’agit là que d’un premier exemple.
Entourer l’Empire du milieu pour qu’il reste à sa place.
Camp démocrate, outre les Etats-Unis, vite rejoints par l’Union Européenne, voici Taiwan, Hong Kong, la Corée du sud, l’Inde, le Viêt-Nam. Cherchez l’intrus. Si le Viêt-Nam n’est pas un modèle de Démocratie libérale, il boit du Coca Cola et s’inquiète, comme tous ses voisins, de l’impérialisme chinois en Mer de Chine. Alors Paix aux Viêt-Nam, disent les Américains. Ils ont raison. L’ASEAN (Thaïlande, Laos, Philippines, Indonésie, Malaisie, Singapour, Brunei, Vietnam, Cambodge et Birmanie) met la pression sur la junte birmane qui n’a pas hésité à tuer 700 manifestants opposés au Coup d’état. Seule la Chine n’a rien dit contre la Junte. Une façon d’entourer l’Empire du milieu pour qu’il reste à sa place, seulement à sa place.
Tout ce qui se passe dans le monde sera progressivement mesuré à l’aune de la confrontation Chine-USA. La 5G, la Lune et Mars, les virus et les nanotechnologies, les puces électroniques et les terres rares, les panneaux solaires et le pétrole.
Surenchère de bonne volonté sur le climat
Le climat aussi: les Etats-Unis sont revenus dans les Accords de Paris (de toute façon ils ne coûtent rien, sauf à l’Europe) pour ne pas laisser la Chine, se présenter comme un bon élève soucieux du sort de l’humanité. Elle représente à elle seule plus du quart des émissions de CO2 de la planète, premier pollueur de toute l’histoire du monde. Biden propose donc de doubler les engagements américains pour le climat. Xi Jinping déclare viser la neutralité carbone d’ici 2060. Une surenchère de bonne volonté. Qui dit mieux ? Poker menteur ?
Merveilleux ! Hier les superpuissances rivalisaient en nombre de bombes atomiques, aujourd’hui en capacités d’énergies renouvelables, et certains bouderaient le progrès ?
Le monde va donc mieux, personne ne s’en aperçoit. La rivalité américano- chinoise offre de belles perspectives. Pour qui sait jouer au go et au poker à la fois. Facile.
Laurent Dominati
A. Ambassadeur de France
A. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press
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