Le 1er juillet 1962, 99 % des Algériens se prononcent pour l’indépendance de l’Algérie lors d’un référendum. Après plus de 7 ans de guerre et 132 ans de colonisation française, l’indépendance est officiellement proclamée le 3 juillet 1962. L’Algérie devient un pays à part entière, la République algérienne démocratique et populaire. Ce référendum faisait partie des accords d’Évian signés le 18 mars 1962, qui ont marqué la fin de la guerre. Mais chaque 18 février, le pays rend hommage à ceux qui sont morts pour cette indépendance. L’occasion pour nous de faire un point sur la relation entre la France et ce pays et la place des Français en Algérie en 2025.
Le Chahid, c’est quoi ?
Proclamée officiellement le 18 février 1991, la Journée Nationale du Chahid (18 février) est commémorée chaque année pour rendre un hommage aux Chouhada (martyrs) qui ont donné leur vie pour l’indépendance de l’Algérie. En Algérie, la célébration de cette Journée Nationale est une occasion de mettre l’accent sur l’importance à accorder à l’histoire nationale et à son enseignement aux jeunes générations qui doivent préserver ce lien.
Si le jour n’est pas férié, les programmes culturels comme éducatifs mettent l’accent sur ces valeurs en ce 18 février. Une journée qui s’annonce donc difficile pour les Français d’Algérie, car les martyrs célébrés sont, ne l’oublions pas, ces Algériens morts d’une balle ou d’une main française. Plus de 60 ans après, l’Algérie transmet toujours aux nouvelles générations la haine de la France.
L’Algérie et la France en 2025
L’Algérie sera-t-elle la cause de la chute de la Ve République comme sa révolution fut la cause de la chute de la IVe ? » s’interrogeait la semaine dernière un éditorialiste d’un journal islamiste algérien. La France « intime », cette France imaginaire, ennemie éternelle et idéale pour esquiver le présent en ressassant un passé glorieux, est toujours un sujet brûlant dans les médias et sur les réseaux sociaux algériens.
Car en plus des polémiques mémorielles, d’autres facteurs interviennent, comme le contentieux à propos des visas et des reconduites à la frontière de clandestins algériens, mais aussi et surtout, c’est la récente décision française de reconnaître la souveraineté marocaine sur l’ex-Sahara espagnol qui pèse pour beaucoup.
Dans ce climat, comment les 40 000 Français d’Algérie vivent leur citoyenneté française.
Beaucoup de binationaux
En Algérie, parmi les Français installés sur place, les binationaux sont ultra-majoritaires. Et pourtant, la vie n’y est pas facile, ils sont la cible de discriminations qui ne seraient pas autorisés de l’autre côté de la Méditerranée. Ainsi, En 2020, une nouvelle révision constitutionnelle élargit le principe, instauré en 2016, leur interdisant l’accès aux fonctions et emplois « liés à la souveraineté et à la sécurité nationales » à la détention d’entreprises stratégiques. En 2023, après la répression du Hirak (mouvement de contestation pacifique), cette exclusion s’élargit même à la presse. Un binational ne peut être actionnaire d’un média algérien mais il peut jouer pour l’équipe nationale de football.
En effet, il existe depuis longtemps un sentiment de défiance des autorités algériennes à l’égard de l’émigration et de ceux qui ont des liens avec la France. Celle-ci est perçue comme pouvant alimenter une opposition politique. Mais on la soupçonne aussi de déloyauté, d’être tiraillée entre le pays d’origine et le pays d’accueil. Ou encore d’être ouverte à d’autres influences culturelles, selon une stricte vision nationaliste qui n’est pas le propre de l’Algérie et que l’on retrouve ailleurs.
Mesures économiques
En parallèle, le climat s’est aussi dégradé du côté des liens économiques. Au rang des entreprises qui sont inquiétées par des mesures de rétorsion directes ou indirectes, les compagnies d’exploration et de production d’hydrocarbures. Totalénergies détient des participations dans plusieurs champs gaziers, notamment pour livrer son terminal méthanier à Fos-sur-Mer. La compagnie distribue aussi des produits lubrifiants. L’autre groupe d’envergure opérant en Algérie est Engie, pour l’importation de gaz sous forme liquide.
En dehors de ces mastodontes, la présence des entreprises françaises en Algérie est plus limitée. Selon Medef International, on compte environ 450 entreprises implantées en Algérie qui emploient directement environ 40.000 salariés.
En 2021 en effet, avant un pic de tensions diplomatiques, Suez et la RATP avaient déjà quitté le territoire. La RATP avait perdu la gestion et la maintenance du métro d’Alger. Suez avait également perdu son contrat avec l’entreprise de gestion de l’eau Seal pour la distribution de l’eau dans la capitale.
Aujourd’hui, ce sont donc les échanges liés au gaz qui sont particulièrement scrutés. Mais si les tensions venaient à s’aggraver, la dépendance française au gaz algérien reste limitée. Seul 8% du gaz importé en France provient d’Algérie. La France a en effet beaucoup diversifié ses approvisionnements depuis la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Notamment en se fournissant auprès de la Norvège et des États-Unis.
Auteur/Autrice
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Samir Kahred a suivi ses parents dont le père était ingénieur dans une succursale du groupe Bouygues. Après une scolarité au Lycée français et des études au Caire, il devient journaliste pour des médias locaux et correspond pour lesfrancais.press
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