Cannabis : sa légalisation en Europe est loin d’être une « réussite », estime le gouvernement français

Cannabis : sa légalisation en Europe est loin d’être une « réussite », estime le gouvernement français

La dépénalisation du cannabis dans certains pays européens ne convainc pas la France. La déléguée ministérielle Valérie Saintoyant a réitéré la position, fermement contre, du gouvernement, lors d’une audition au Sénat mercredi.

La France compte environ 900 000 usagers quotidiens de cannabis, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.

« C’est une préoccupation majeure pour le gouvernement », a affirmé Valérie Saintoyant déléguée de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), lors du audition devant la commission des Affaires sociales du Sénat mercredi (18 janvier). 

Le 17 mars 2022, Emmanuel Macron, alors candidat à sa réélection, avait déclaré lors de la présentation de son programme à la presse : « Je ne suis pas favorable à la légalisation du cannabis ».

Presque un an plus tard, la position du gouvernement d’Emmanuel Macron n’a pas changé

Interrogée par des sénateurs socialistes sur la position du gouvernement quant à la légalisation du cannabis, Mme Saintoyant a réaffirmé qu’il n’y était « pas favorable ». 

En août dernier, un collectif de 31 sénateurs du groupe Socialiste, écologiste et républicain avait appelé dans une tribune publiée dans le journal Le Monde à ouvrir la voie à une légalisation du cannabis en France. 

« La légalisation permettrait de contrôler en premier lieu la qualité sanitaire des produits consommés. Elle servirait également à freiner grandement les trafics au bénéfice de ces zones sinistrées », peut-on lire dans la tribune.  

« De plus, il serait possible de développer des plans de prévention de grande ampleur, financés par la taxation des produits et par le redéploiement des moyens de répression », écrivent les signataires. 

Mais cela n’a pas suffi à convaincre le gouvernement. 

« À la lumière des expériences étrangères, nous considérons qu’il n’y a pas de réussite », a expliqué Mme Saintoyant, en référence notamment aux pays européens qui ont légalisé, ou dépénalisé, la consommation récréative du cannabis.

La France compte environ 900 000 usagers quotidiens de cannabis, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.

Malte, le Portugal ou les Pays-Bas

En Europe, seule Malte a totalement légalisé l’usage récréatif du cannabis à la suite d’une loi votée en décembre 2021 qui permet non seulement d’en consommer mais également d’en cultiver. 

Malte pourrait bientôt être rejointe par l’Allemagne. En octobre dernier, le ministre de la Santé Karl Lauterbach a présenté une première feuille de route visant à légaliser la consommation récréative de cannabis d’ici à 2024. 

« En dépénalisant le cannabis, nous voulons assurer une meilleure protection des enfants et des jeunes, mais aussi une meilleure protection de la santé », avait-il déclaré. 

Si Malte reste une exception, en revanche plusieurs pays européens ont dépénalisé la consommation de cannabis. C’est notamment le cas en Espagne, au Portugal ou encore aux Pays-Bas où les consommateurs n’encourent ni amende ni peine de prison. 

Mais pour la France, ces exemples ne sont pas concluants. Selon les propos de Mme Saintoyant, la légalisation du cannabis a entraîné une « banalisation du produit », sans « réduction du trafic de drogue », et sans empêcher les dealers de continuer à vendre d’autres produits illicites. 

Pour lutter contre la consommation de cannabis, et plus largement contre les autres drogues illégales, la stratégie française est tout autre. Le gouvernement entend mettre en place en 2023 une « mobilisation massive » de policiers, de douaniers et de gendarmes, dans la continuité de 2022. 

L’objectif est double : lutter à la fois contre « la criminalité organisée » mais aussi contre « le trafic du quotidien », détaille Mme Saintoyant face aux sénateurs, le but étant « le démantèlement des points de deal ».

La répression n’est pas la solution

Pourtant, la répression n’est pas la solution selon Marie Jauffret Roustide, sociologue et chercheuse à l’INSERM. « La répression rend le trafic plus dynamique, c’est l’effet ballon, les études le montrent », déclare-t-elle dans un entretien avec EURACTIV France. 

D’autant que « la France a l’une des législations les plus répressives, et est le deuxième pays européen en matière de consommation de cannabis chez les jeunes et les adultes », souligne-t-elle. 

44,8 % des Français entre 15 et 64 ans, soit 18 millions, ont déjà consommé au moins une fois du cannabis dans leur vie, selon un rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OFDT) publié en septembre 2021.

À titre d’exemple, ce chiffre est de 37,5% pour l’Espagne et 38,4% pour le Danemark. Aux Pays-Bas, où le cannabis est en vente libre, le chiffre est de 27,7%. 

Selon la sociologue, dépénaliser la consommation de cannabis comme au Portugal permettrait d’avoir une approche fondée sur la santé publique et l’inclusion sociale des consommateurs. 

Quant à la légalisation, cela serait un moyen de lutter contre le trafic et les violences en réduisant la part du marché illégal, poursuit Mme Jauffret Roustide. 

« Le gouvernement devrait moins s’appuyer sur la morale, en disant que se droguer c’est mal et s’appuyer davantage sur les données scientifiques », conclut-elle.

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