Alors que la Caisse des Français de l’étranger (CFE) est au centre de toutes les attentions, nous recevons l’ancienne membre du conseil d’administration (CA), madame Khadija Belbachir-Belcaid. Elue locale des Français du Maroc, elle siégeait au CA de la CFE depuis 2022. Elle vient d’annoncer sa démission. Pourquoi ce choix ? Quel est son objectif ? Pour Lesfrancais.press, elle s’explique et nous a répondu sans détour : « il est hors de question qu’une réforme serve d’alibi pour liquider une dimension de solidarité à laquelle nous sommes attachés. »
Lesfrancais.press :« Madame Khadija Belbachir-Belcaid, vous étiez membre du conseil d’administration de la Caisse des Français de l’étranger (CFE) suite à l’élection de 2022 à laquelle vous vous étiez présentée. Quelle était votre vision de l’institution et quels étaient les objectifs de votre candidature ?
Khadija Belbachir-Belcaid : « Ma candidature était soutenue par l’association Français du monde et portée par le groupe Écologie & solidarité qui à l’Assemblée des Français de l’étranger, rassemble tous les élus de la gauche et de l’écologie, encartés ou non. C’est un mandat qui s’inscrit dans une démarche collective.
Notre vision et nos objectifs étaient clairs pour la Caisse des Français de l’étranger (CFE) : une caisse de sécurité sociale vraiment solidaire, qui assure une mission de service public et réalise une véritable solidarité nationale pour les Français de l’étranger. Elle est un support essentiel à la solidité de nos communautés à l’étranger et l’État doit le comprendre.
« Notre vision et nos objectifs étaient clairs pour la Caisse des Français de l’étranger : une caisse de sécurité sociale vraiment solidaire. »
Khadija Belbachir-Belcaid, CdFe du Maroc (Rabat), Membre de l’AFE
Cette vision est toujours la nôtre et nos objectifs sont toujours de renforcer la caisse pour maintenir une offre de couverture-santé pour les Français de l’étranger avec une composante solidaire indispensable. La CFE propose des services uniques : la continuité de la couverture santé avec la France, la collecte de cotisations de retraite françaises. »
Lesfrancais.press : « Il y a quelques semaines, de nouvelles contraintes ont été décidées par le conseil d’administration de la CFE, notamment la suspension du 1/3 payant pour les contrats historiques, la hausse des cotisations, etc. Ces décisions sont-elles à l’origine de votre démission ? »
Khadija Belbachir-Belcaid : « Avec notre groupe Écologie et Solidarité à l’AFE, nous regrettons ces mesures et j’ai souhaité marquer un désaccord franc à travers cette démission. Nous déplorons que l’État, faute d’action, mette la caisse dos au mur, dans une situation où pour sauver une jambe on doit en sacrifier une autre.
« Nous n'admettons plus que l’État se défausse sur le conseil d’administration de la CFE. »
Khadija Belbachir-Belcaid, CdFe du Maroc (Rabat), Membre de l’AFE
Ma démission est une première alerte que nous adressons à l’État. Nous n’admettons plus qu’il se défausse sur le conseil d’administration qui n’a pas mandat pour liquider la mission de solidarité de la caisse, celle-ci est inscrite dans ses statuts et dans le code de la Sécurité sociale.
Les choses sont claires, la participation de l’État au budget de la caisse est aujourd’hui indigente, loin de couvrir la mission de service public qu’elle assume. C’est d’ailleurs ce que dit aussi l’association Français du monde à travers sa pétition lancée il y a quelques jours. D’autres actions viendront bientôt s’y ajouter pour sensibiliser les Français et les assurés. »
Lesfrancais.press : « Cependant avec les faibles marges de manœuvre liées au statut si particulier de cette caisse, le gel des tarifs des clients dits historiques, la compétition internationale, le conseil d’administration de la CFE avait-il d’autres choix ? »
Khadija Belbachir-Belcaid : « Encore une fois, le conseil d’administration n’a pas de mandat pour décider l’abandon de la mission de service public de la CFE. Les décisions qu’il a prises sont contraintes par un contexte financier, comme vous le dites.
« La participation de l’État au budget de la CFE est aujourd’hui indigente, loin de couvrir la mission de service public qu’elle assume. »
Khadija Belbachir-Belcaid, CdFe du Maroc (Rabat), Membre de l’AFE
Il est essentiel et primordial que l’État prenne sa part financièrement aux missions de service public qu’il a délégué à la caisse et qui font sa spécificité. Partant de cette hypothèse, la caisse peut équilibrer ses comptes sans avoir à dégrader la couverture de ses assurés. »
Lesfrancais.press : « Finalement, est-ce que le corps politique national ne devrait pas prendre en charge ce dossier en faisant évoluer le statut de la CFE comme certains le demandent ou pour mieux subventionner celle-ci comme l’a proposé Karim Ben Cheikh lors de l’étude du budget 2025 ? »
Khadija Belbachir-Belcaid : « Les deux approches ne sont pas antagonistes. Aujourd’hui l’inertie de la décision publique condamne la caisse car, comme je le disais plus tôt, le modèle économique sur lequel s’était construit l’équilibre de la caisse n’est plus. Elle doit se transformer et utiliser cette épreuve pour se réinventer et au contraire devenir plus forte.
« La participation de l’État pour conforter cette dimension solidaire ne me paraît pas une demande irréaliste. »
Khadija Belbachir-Belcaid, CdFe du Maroc (Rabat), Membre de l’AFE
Mais pour nous il est hors de question qu’une réforme serve d’alibi pour liquider une dimension de solidarité à laquelle nous sommes attachés. La participation de l’État pour conforter cette dimension solidaire ne me paraît pas une demande irréaliste. Et pour ce faire, il nous faut alerter nos compatriotes pour qu’ils ne se fassent pas confisquer un débat important. »
Lesfrancais.press : « Savez-vous qui vous succédera comme administrateur au conseil d’administration de la CFE ? Qu'allez-vous lui dire ? »
Khadija Belbachir-Belcaid : « Le suivant de la liste Écologie et solidarité est Florian Bohême, élu des Français au Cambodge et président de la commission des Affaires sociales de l’AFE. Il est justement à l’initiative et le coordinateur des Assises de la protection sociale des Français de l’étranger. C’est une personnalité libre, très engagée et qui a une voix forte, il est par ailleurs adhérent de la CFE.
Comme je le disais, notre participation au Conseil d’administration de la caisse comme notre alerte aujourd’hui forment une démarche collective. Si Florian accepte ce mandat, je sais qu’il représentera les convictions défendues par notre groupe à l’Assemblée des Français de l’étranger et qu’il s’inscrira dans ce que j’ai toujours défendu. Il pourra compter sur moi et sur mon expérience passée au CA de la caisse. »
Lesfrancais.press : « Comment imaginez-vous continuer d’œuvrer pour cette institution et nos compatriotes ou tournez-vous la page laissant la main au futur conseil d’administration ? Participerez-vous activement aux assises de la protection sociale dont un des sujets est axes quel avenir pour la CFE ?
Khadija Belbachir-Belcaid : « Je continuerai d’œuvrer pour une sécurité sociale forte pour tous les Français de l’étranger. Je continuerai en tant qu’élue locale et à l’AFE, en tant que bénévole associative à Français du monde et au sein de l’association de Bienfaisance de Rabat, en tant que citoyenne. Et j’appelle chaque Français de l’étranger à faire connaître ses idées et sa vision d’une couverture santé à l’étranger à cette occasion ; Nous sommes tous concernés, et les Assises seront un moyen de le faire savoir. »
Auteur/Autrice
-
La Rédaction vous propose quelques articles où l'ensemble des collaborateurs ont participé à leur rédaction.
Voir toutes les publications