Des députés et des sénateurs se sont réunis ce 30 janvier pour parvenir à un accord sur le budget 2025. Plusieurs sujets clivants sont sur la table, à commencer par l’Aide médicale d’État (AME), un casus belli pour la gauche tout comme pour une partie de la macronie.
Des points certes irritants dans plusieurs camps, mais des socialistes plus mécontents que les autres. Quelques minutes à peine après l’ouverture des discussions entre sénateurs et députés sur le budget 2025, réunis en conclave, ce jeudi 30 janvier pour trouver une version commune entre l’Assemblée nationale et le Sénat, les socialistes ont joué leur va-tout.
Le bloc central cherche son chemin
La colère du PS ne redescend pas depuis plusieurs jours. François Bayrou a évoqué lundi soir sur LCI « une submersion » migratoire à Mayotte et dans certains départements lundi soir avant de persister et signer mardi dans l’hémicycle, sous les huées de la gauche.
Mercredi, son ministre des relations avec le Parlement Patrick Mignola a bien tenté d’arrondir les angles, appelant à « reconstruire ensemble » un « modèle d’intégration », sans retirer les propos du Premier ministre. Il n’en a en réalité pas besoin. Si la commission mixte paritaire est une étape cruciale et qu’un vote contre des socialistes ferait très mauvais effet, sa composition laisse bien augurer d’une issue favorable.
Sur les 14 parlementaires qui en font partie, huit sont membres de partis qui font partie du gouvernement de François Bayrou. Mais dans un contexte d’Assemblée nationale fragmentée et divergences au sein même du bloc central, chacun va bien tenter de jouer sa partition. La question de l’aide médicale d’État divise par exemple profondément la macronie.
Crispation autour du rabotage de l’AME
Ce dispositif qui permet à des personnes sans-papiers d’accéder gratuitement à des soins en France est dans le viseur de la droite depuis des années. En décembre dernier, le Sénat a voté en faveur d’une baisse de 200 millions d’euros de son budget et a mis fin à l’automaticité des prestations de santé non urgentes.
À gauche comme au sein d’une partie de Renaissance, il est hors de question d’accepter de telles modifications. Si François Bayrou s’est pour l’instant abstenu de s’exprimer sur le sujet, la ministre du Budget Amélie de Montchalin a déjà fait savoir qu’elle était contre le positionnement du Sénat. Mais le gouvernement pourrait lâcher du lest pour satisfaire la droite qui souhaite profondément réformer l’AME, à commencer par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
Couac sur la suppression des 4.000 postes d’enseignants
Autre sujet de tension: la question de la suppression des 4.000 postes d’enseignants prévue dans le budget 2025. Si François Bayrou a bien promis de revenir sur le sujet dans un courrier adressé aux socialistes tout comme lundi soir sur LCI, la droite sénatoriale a fait voler en éclat cette promesse en supprimant bien 2.000 postes. Charge donc aux députés du bloc central de parvenir à réintroduire la suppression des 4.000 postes, quitte à agacer les LR qui veulent à tout prix que l’objectif de réduction de déficit de 5,4% soit bien tenu.
Des prévisions de croissance qui inquiètent
Du côté du RN, plutôt discret ces dernières semaines, deux points pourraient être bloquants : les prévisions de croissance et d’inflation du gouvernement. Bercy table sur une croissance à 1,1%, un chiffre jugé très optimiste dans un contexte d’économie française très ralentie.
Problème: si la croissance est plus faible que prévu par les services de l’État, les rentrées d’argent dans les caisses le sont également. De quoi menacer l’objectif de réduction du déficit affiché.
Il y a aussi la réforme des règles de mise en vente de la production d’électricité nucléaire qui pourrait faire monter à terme les factures des Français, comme l’a expliqué le député RN Jean-Philippe Tanguy mercredi soir sur BFMTV. Le RN a expliqué qu’il censurerait le gouvernement si cet article était maintenu. Il a été adopté dans la matinée par les parlementaires de la CMP.
Mais avec seulement deux députés, le mouvement de Jordan Bardella n’est pas en capacité de bloquer les échanges en commission mixte paritaire. L’enjeu est donc pour le gouvernement de parvenir à renouer le dialogue avec la gauche au sein du conclave entre députés et sénateurs tout en évitant les fâcheries avec la droite.
Vers un 49.3 puis une motion de censure
L’option la plus probable est cependant bien que la Commission mixte paritaire parvienne à un accord, ce qui ouvre la porte à un vote du budget dès lundi à l’Assemblée nationale.
La séquence s’avère à très haut risque pour François Bayrou: si les socialistes estiment que le gouvernement n’a pas fait assez de concessions, ils pourraient voter contre tout comme le RN. Dans une telle hypothèse, le Premier ministre déciderait probablement de ne pas aller au vote et d’enclencher un 49.3, cette cartouche institutionnelle qui permet d’adopter un texte sans vote.
Dans la foulée, la gauche déposerait une motion de censure qui pourrait renverser alors le Premier ministre si elle était soutenue par les troupes de Marine Le Pen et l’ensemble du Nouveau front populaire.
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