En fin de semaine dernière, Michel Barnier a dévoilé son projet de budget 2025 pour la France. Un projet de loi de finances (PLF) qu’il faudra faire passer dans l’hémicycle, et qui sera donc forcément amendé. En attendant, de connaitre le projet définit, on fait le point pour les Français de l’étranger sur la feuille de route du nouveau Premier ministre français.
Après 7 ans de baisse des impôts : revirement
Fini le « quoi qu’il en coûte » et les baisses d’impôts à tout va. Priorité au redressement des comptes publics, quitte à alourdir nettement la fiscalité et à tailler dans certaines dépenses. Tel est le mouvement qui se dessine à travers le budget pour 2025, présenté jeudi 10 octobre. Au menu : 8,5 milliards d’euros ponctionnés sur les grandes entreprises, 2 milliards sur les très hauts revenus, un gel pendant six mois des pensions versées aux retraités, 4 milliards de cotisations sociales supplémentaires, une taxe sur les rachats d’actions, un durcissement de l’écotaxe automobile et sur l’aviation.
Hausse d’impôts
Pour les ménages, 65 000 foyers fiscaux les plus fortunés (0,3 % du total dont 1/3 de non-résidents selon la Cour des Comptes) devront s’acquitter d’une contribution exceptionnelle, qui doit porter leur taux minimal d’imposition à 20 % (le taux forfaitaire pour les non-résidents ayant choisi cette option) et limiter ainsi les effets des dispositifs d’optimisation fiscale. La recette attendue, pour ces personnes gagnant plus de 250 000 euros par an, 500 000 pour un couple, est de deux milliards d’euros.
Enfin d’éviter de nouveaux exils fiscaux, le gouvernement a inclus dans son projet de loi une « sunset clause », appelée plus communément clause d’extinction. Cet ajout a pour fonction première de rassurer les ménages aisés. Donc, de les dissuader de fuir à l’étranger si le projet de taux minimal d’imposition sur les hauts revenus est adopté. En l’assortissant d’une clause de cet ordre dans le PLF 2025, l’exécutif prévoit explicitement de mettre un terme à cette contribution « exceptionnelle » sous 3 ans. La surtaxe de l’impôt sur les sociétés serait elle aussi concernée, mais sur 2 ans.
Pour inciter les propriétaires de logements à privilégier la location vide classique plutôt que la location en meublé, le gouvernement prévoit de supprimer la niche fiscale dit Airbnb. Le changement porte sur le calcul de la plus-value des locations meublées non professionnelles (LMNP). Les propriétaires qui choisissent le régime réel peuvent déduire de leurs recettes locatives l’amortissement de leur bien, qui correspond à l’usure du logement. Un amortissement qui n’est pas pris en compte dans le calcul de la plus-value du bien, en cas de cession. À partir du 1er janvier 2025, le projet de loi de finances prévoit de soustraire le montant de l’amortissement du prix d’acquisition du logement. Les montants des plus-values ainsi calculées devraient donc augmenter, et aboutir à une imposition plus élevée. L’objectif affiché par le gouvernement pour « corriger » ce régime fiscal spécifique aux LMNP qui, « en incitant à la location meublée à courte durée et à vocation touristique », « contribue aux tensions sur le marché locatif » détaille le projet de loi. Là aussi, de nombreux Français de l’étranger seront frappés par ce changement de fiscalité, en effet, ils sont nombreux à avoir bénéficié de cette niche en mettant leur ancienne résidence principale en location meublée.
Pour ceux qui détiennent des actions ou des parts dans des grandes entreprises, il y aura aussi du changement. Ainsi, une taxe sur les rachats d’actions suivis d’une annulation sera par ailleurs mise en place pour les entreprises ayant un recours croissant à cette pratique et qui leur permet de distribuer une partie de leur excès de trésorerie à leurs actionnaires. Elle concernera les plus grandes entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse un milliard d’euros, pour toutes les opérations de rachat d’actions menées à partir du 10 octobre 2024.
La suppression totale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui devait être achevée en 2027, est reportée à 2030.
Taxes sur la consommation
Mais d’autres particuliers seront aussi directement impactés par des mesures plus ciblées.
Dans le secteur des transports, par exemple, la taxe sur les billets d’avion pourrait être nettement augmentée, jusqu’à 40 % du prix d’un billet d’avion, la hausse de celle-ci devrait alors se répercuter sur les voyageurs. Une sanction financière qui impactera tous les Français de l’étranger, quel que soit leur revenu. Si c’est l’argent des touristes (plus de 100 millions par an) qui avant tout ciblé, les expatriés paieront concrètement plus cher leur billet. Comme pour ceux qui résident dans les DOM-TOM, nos parlementaires pourraient demander une exemption pour les nationaux non-résidents.
Aussi, si vous aviez prévu de rénover votre système de chauffage dans votre résidence en France, la TVA réduite sur les chaudières au gaz est supprimée. Sans oublier que l’accise sur l’électricité sera augmentée (anciennement taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité -TICFE). Elle avait été diminuée de 2022 à 2024 pour faire baisser les factures d’électricité des ménages et des entreprises pendant la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine. C’est ce qu’on a appelé le bouclier tarifaire sur l’électricité. La loi de finances pour 2024 a mis en œuvre la sortie progressive de ce bouclier fiscal et acté sa fin au 1er février 2025 afin de ramener l’accise sur l’électricité à son niveau d’avant crise. Le PLF « adapte ces tarifs normaux d’accise« . Une baisse de 9% des factures d’électricité est cependant garantie aux ménages au tarif réglementé de vente. Un arrêté du ministre du budget viendra préciser les nouveaux taux de l’accise (ex-TICFE). La hausse de l’accise sur l’énergie doit engendrer 3 milliards d’euros de recettes fiscales en 2025.
Enfin, le parc automobile thermique est aussi dans le viseur du gouvernement Barnier. Le projet de loi de finances 2025 prévoit que l’écotaxe (malus CO2 et malus au poids dit malus masse) sur les véhicules polluants soit renforcée. Le malus CO2 sera abaissé de 5g/CO2/km en 2025 puis de 7g/CO2/km en 2026 et 2027. Pour cibler les véhicules les plus émetteurs, son tarif maximum sera parallèlement augmenté de 10 000 euros par an jusqu’en 2027. Le seuil de déclenchement de la taxe malus masse sera également abaissé, dès 2026, de 1 600 kg à 1 500 kg. En outre, dès 2025, le bénéfice de l’abattement dont profitent aujourd’hui tous les véhicules hybrides non rechargeables sera limité aux seuls véhicules performants sur le plan environnemental. Ces mesures, qui visent aussi les véhicules des entreprises, devraient rapporter 300 millions d’euros de recettes fiscales à partir de 2026.
Cure d’austérité pour les Français de l’étranger
Avec plus de 100 millions de baisses, les budgets liés aux Français de l’étranger ont clairement été rabotés. Sophie Primas, nouvelle ministre des Français de l’étranger, qui hérite de cette situation, a beau essayer dans ses propos de rassurer la communauté des Français de l’étranger comme l’administration consulaire, la réalité est là : le ministère des Affaires étrangères voit son budget chuter de 150 millions d’euros soit près de 5% par rapport à 2024. On détaille pour les Français de l’étranger, les baisses qui vont être appliquées sur les enveloppes budgétaires auxquelles ils sont attachés administrativement.
Ainsi, le programme 105, qui regroupe les « actions de la France en Europe et dans le monde », baisse de 96 millions €. Alors que désormais tous les agents liés à l’administration consulaire et diplomatique seront rémunérés sur cette ligne de budget, sans oublier ceux du ministère qui à eux seuls représentent 38% des crédits. Pour autant, dans le rapport le gouvernement annonce sa volonté de poursuivre la modernisation des services consulaires afin d’« améliorer la qualité du service rendu aux usagers ».
Pour y arriver, les autorités comptent sur les économies réalisées grâce à la digitalisation, « notamment par la finalisation du projet de registre de l’état civil électronique (RECE), le déploiement progressif du service France Consulaire et le développement d’une nouvelle solution de vote par internet en vue des élections consulaires de 2026. »
Tandis que le programme 185, qui regroupe lui les actions liées à la « Diplomatie culturelle et d’influence », est amputé de 45 millions d’euros. Il finance les Instituts français, les Alliances françaises et toutes les opérations dites culturelles.
Enfin, le programme 151 est raboté lui de 9 millions d’euros alors qu’il finance directement les moyens de l’action consulaire et d’assistance aux Français à l’étranger. Quid des bourses scolaires qui sont déjà faibles face aux coûts d’écolage, que va devenir le Pass culture qui devait permettre aux jeunes Français de s’arrimer à la culture française. Dans l’interview publiée ce jour, Sophie Primas enterre déjà les assises de la protection sociale, actée pourtant par son prédécesseur, et laisse deviner une âpre négociation entre l’État et la Caisse des Français de l’étranger quant à son financement. L’année 2025 ne sera pas une année faste pour les Français de l’étranger !
Auteur/Autrice
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Loic Pautou est un jeune Français parti en VIE au Vietnam et qui n'est jamais revenu. Propriétaire d'une agence de tourisme à Hanoï, il écrit aussi pour Lesfrancais.press et le Guide du Routard.
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