Budget 2023 et « 49.3 » : gouvernement et oppositions à couteaux tirés

Budget 2023 et « 49.3 » : gouvernement et oppositions à couteaux tirés

Le coup d’envoi de l’examen du projet de loi de finances pour 2023 à l’Assemblée nationale fut mouvementé lundi (10 octobre), majorité et oppositions se renvoyant la responsabilité sur le court-circuitage du débat.

Le débat s’est ouvert dans l’après-midi lundi par les prises de parole des ministres de l’Économie Bruno Le Maire et des Comptes publics Gabriel Attal, qui suivaient un mot d’ordre : mettre les oppositions face à leurs responsabilités.

« Je comprends parfaitement que les groupes parlementaires indifférents au niveau de la dette publique ne votent pas cette loi [de programmation des finances publiques 2023-2027] », a d’abord lancé Bruno Le Maire aux députés de gauche (NUPES) et d’extrême droite.

Il s’est dit « surpris de l’incohérence des parlementaires qui refusent de voter un texte qui va dans cette direction », en visant implicitement les députés de droite (Les Républicains). Le ministre leur a alors conseillé de « rester fidèles à leurs convictions, plutôt que de faire bloc avec la NUPES ou avec le Rassemblement national ».

Le ministre de l’Économie a défendu un budget qui, a-t-il avancé, protège les ménages face à l’inflation, avec le prolongement du bouclier tarifaire des prix de l’énergie en 2023, dont le coût est estimé à 46 milliards d’euros par le gouvernement.

Avec la poursuite de la baisse des impôts de production, cette mesure est censée aider une industrie française déjà fragilisée, a expliqué M. Le Maire. Le gouvernement entend aussi augmenter les traitements des enseignants et recruter 3 000 forces de police supplémentaires sur l’année qui vient.

Bruno Le Maire a aussi reproché aux oppositions l’adoption en commission d’amendements dont le coût total dépasserait les 7 milliards d’euros, preuve s’il en fallait une, a-t-il détaillé, de leur manque de sérieux.

Gabriel Attal a, quant à lui, mis en garde contre la tentative de l’obstruction parlementaire, craignant que les « 3 500 amendements déposés » ne fassent peser un risque d’ « embolie » sur la vie parlementaire.

Il a aussi appelé à la responsabilité collective, notamment celle de ne pas livrer un « spectacle de l’enlisement au moment où [les Français] ont besoin que notre pays soit à la hauteur des enjeux ».

Members of parliament and French Prime Minister Elisabeth Borne during the weekly session of questions to the government at the French National Assembly. Paris, FRANCE-04/10/2022 //01JACQUESWITT_CHOIX0120/2210041719/Credit:Jacques Witt/SIPA/2210041731

Le risque du passage en force

Une manière pour M. Attal de mettre en garde les groupes d’opposition contre l’utilisation du « 49.3 », et même de les en rendre responsables. L’activation de cet outil constitutionnel permettant d’adopter un projet de loi sans vote – à condition qu’aucune motion de censure ne soit adoptée – semble inéluctable.

Autrement, faute de ralliement d’un groupe d’opposition, le budget pour l’année 2023 serait rejeté.

En effet, le PLF [projet de loi de finances] pour 2023 ne satisfait personne en dehors de la majorité relative. La droite le juge trop coûteux, tandis que l’extrême droite y voit une soumission à l’UE et que la gauche s’émeut du retour de l’austérité et alerte contre l’injustice sociale qu’il engendrerait.

Le président de la commission des finances Éric Coquerel (La France insoumise) a par ailleurs mis en doute la sincérité du budget présenté par le gouvernement. Selon lui, le projet de loi de finances se fonde sur des « prévisions de croissance objectivement surévaluées et d’inflation objectivement sous-évaluées ».

Ainsi, puisque « le débat doit avoir lieu », l’Insoumis a exhorté « solennellement » le gouvernement à « ne pas mettre en œuvre le 49.3 ».

Gabriel Attal a tenté de contrer les accusations selon lesquelles le gouvernement voudrait éviter le débat, en renvoyant la balle aux Insoumis, signataires de deux motions de rejet préalable, sur le projet de loi de programmation 2023-2027 et sur le projet de loi de finances pour 2023.

« Vous ne savez pas comment expliquer comment vous feriez pour les protéger […], comment vous financeriez vos mesures »a-t-il asséné vers les bancs de la gauche. « Quand est-ce qu’une manifestation a rempli le frigo des Français ? », s’est-il interrogé, en référence à la « Marche contre la vie chère » organisée par la NUPES dimanche prochain (16 octobre).

Dans la passe d’armes qui oppose surtout la gauche et la majorité, Marine Le Pen assure que son groupe « tenter[a] d’améliorer ce texte », qu’elle juge injuste et coûteux, en plaidant pour une attitude d’ « opposition constructive » de la part du Rassemblement national.

Aucune des deux motions de LFI n’a été approuvée et le débat se poursuit donc ces prochains jours – du moins tant que le gouvernement ne dégaine pas le 49.3.

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