Le gouvernement de Boris Johnson a martelé dimanche 20 octobre que le Brexit aurait lieu le 31 octobre comme prévu, bien qu’il ait été contraint par le parlement d’écrire à Bruxelles pour demander un report, un coup de théâtre qui relance l’incertitude sur les modalités du divorce.
La journée de samedi 19 octobre – avec un vote historique prévu au parlement britannique sur le nouvel accord de Brexit triomphalement annoncé deux jours plus tôt à Bruxelles – devait enfin apporter une clarification plus de trois ans après le référendum de 2016.
Mais les députés ont repoussé leur décision et les Européens se sont retrouvés dimanche avec trois lettres disant tout et son contraire. Et moins de deux semaines pour éviter une sortie sans accord qui donne des sueurs froides aux milieux économiques.
La première lettre, non signée, demande un report de trois mois du Brexit. La deuxième, signée par Boris Johnson, dit qu’il ne veut pas de ce délai. La troisième, de l’ambassadeur britannique auprès de l’UE, Tim Barrow, précise que le report n’a été demandé que pour se plier à la loi.
Malgré cette demande, le gouvernement a assuré dimanche que le Brexit aurait bien lieu le 31 octobre. « Nous allons sortir le 31 octobre. Nous avons les moyens et la capacité de le faire », a déclaré Michael Gove, bras droit de Boris Johnson, lors d’un entretien avec Sky News.
Sur la BBC, le ministre des Affaires étrangères Dominic Raab s’est estimé « confiant », jugeant qu’« il y avait beaucoup de gens dans l’UE qui ne veulent pas d’un report ».
« Toutes les options ouvertes »
A Bruxelles, le président du Conseil européen Donald Tusk a indiqué samedi soir « commencer à consulter les dirigeants de l’UE sur la manière de réagir ». D’après une source européenne, les consultations « pourraient prendre quelques jours ».
Dimanche, lors d’une courte réunion à Bruxelles des ambassadeurs des 27, autour du négociateur européen du Brexit Michel Barnier, la demande a été évoquée mais pas débattue.
« L’Union européenne garde toutes les options ouvertes », a déclaré à l’AFP un diplomate européen sous couvert d’anonymat, indiquant que le processus de ratification de l’accord était bien engagé.
Jeremy Corbyn, chef de l’opposition travailliste, crie pourtant déjà victoire : pour lui, « l’accord dommageable (de Boris Johnson) a été défait » et « malgré sa posture irritable et fanfaronne », il a dû « obéir à la loi », a-t-il dit sur Twitter.
La loi qui a forcé à réclamer cette extension a été adoptée en septembre pour éviter un « no deal », Boris Johnson s’étant dit prêt à cette option s’il s’agissait du prix à payer pour sortir le Royaume-Uni de l’UE le 31 octobre.
Elle dispose que si aucun accord de sortie n’était approuvé par le parlement d’ici au 19 octobre, le Premier ministre doit réclamer un report du Brexit au 31 janvier 2020.
Boris Johnson espérait y échapper en faisant approuver samedi son nouvel accord de retrait de l’UE. Mais par l’un de ces coups de théâtre dont la démocratie parlementaire a le secret depuis le début de cette crise, la Chambre des Communes l’a contraint samedi à s’y conformer en repoussant son vote sur l’accord.
« Nous nous battrons »
Cette nouvelle journée folle à Westminster a relancé la grande incertitude au Royaume-Uni sur la manière dont le pays va sortir de l’UE. Le Brexit, initialement prévu le 29 mars, a déjà été repoussé deux fois.
En dépit de ce nouveau développement, la livre restait relativement stable lundi matin sur le marché des changes à 1,2910 dollar, ne cédant qu’environ 0,50% depuis vendredi soir. « On peut dire que la livre tient bon, ce qui montre que les espoirs (d’éviter un Brexit sans accord) n’ont pas été abandonnés », a affirmé à l’AFP Shinichiro Kadota, analyste chez Barclays Securities au Japon.
Vent debout contre une nouvelle prolongation « dommageable », Boris Johnson a assuré qu’il présenterait « la semaine prochaine » au Parlement la législation nécessaire à la mise en oeuvre de son accord sur le Brexit. « Si nous passons la législation à temps, alors il n’y a pas d’extension. Le 31 octobre est en vue », a dit Michael Gove.
Ils pourront compter sur le soutien de certains rebelles conservateurs opposés à un « no deal », ayant quitté ou été expulsés du parti. Maintenant qu’un report a été demandé pour « éviter un Brexit sans accord », « je soutiendrai l’accord du Premier ministre », a annoncé l’ancienne ministre Amber Rudd.
Anticipant d’autres soutiens, le chef de la diplomatie Dominic Raab a estimé que le gouvernement « avait maintenant le nombre (de voix) pour faire passer » l’accord.
Mais le député Keir Starmer, chargé du Brexit au sein de l’opposition travailliste, a prévenu sur la BBC : « Nous nous battrons avec des amendements » S. Le Labour va notamment en déposer un visant à organiser un second référendum avec comme options la sortie de l’UE avec accord ou, finalement, un maintien dans le bloc européen.
L’accord de Johnson règle les conditions du divorce après 46 ans de vie commune, permettant une sortie en douceur assortie d’une période de transition courant au moins jusqu’à fin 2020.
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