Le 3 janvier prochain marquera les dix-sept ans de la première apparition de Bitcoin, dévoilé par Satoshi Nakamoto, son fondateur pseudonyme. La cryptomonnaie la plus célèbre s’est imposée dans l’ordre financier mondial plus rapidement que n’importe quel autre actif. Ces dernières années, le bitcoin a gagné en crédibilité en étant progressivement adoubé par la finance traditionnelle. Banques et gestionnaires d’actifs lancent désormais des fonds indiciels en bitcoins. Avec la conversion de Donald Trump aux cryptoactifs, les régulateurs américains soutiennent l’essor de ces derniers. L’encours des bitcoins n’en finit pas, dans ces conditions, d’augmenter. Il dépasse désormais 2 500 milliards de dollars. Néanmoins, son cours demeure volatil et dépendant de l’évolution de celui du Nasdaq ainsi que du comportement de certains acteurs du marché des cryptos.
36 000€ de moins pour 1 Bitcoin en quelques semaines
De début octobre à fin novembre, le cours du bitcoin est passé de 126 000 dollars à 90 000 dollars. Pour un actif spéculatif, qui ne génère aucun revenu et repose exclusivement sur l’espoir de plus-values futures, l’absence d’un nouveau cycle haussier peut rapidement devenir un handicap. Le renforcement des interconnexions entre cryptos et marchés financiers contribue à une rationalisation du marché et, de ce fait, à une moindre spéculation. Cependant, toute prévision sur le bitcoin est difficile. Beaucoup d’experts s’y sont essayés et ont échoué. Mais une constante se dégage des cycles précédents : chaque hausse importante s’est appuyée sur une histoire optimiste d’adoption accrue. En 2020-2021, les confinements et la générosité budgétaire ont coïncidé avec la généralisation du trading crypto chez les courtiers traditionnels. Fin 2023, l’espoir de voir aboutir les premiers fonds indiciels cotés (ETF) adossés aux cryptomonnaies a nourri une nouvelle vague d’enthousiasme. De fait, les premières demandes d’ETF ont été approuvées par les autorités américaines en janvier 2024. La victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle en novembre de la même année a offert un nouvel élan à Bitcoin.
Aujourd’hui, les investisseurs ne rencontrent aucune difficulté à acheter du bitcoin. Les courtiers donnent accès à un large éventail d’actifs numériques. Certains grands investisseurs institutionnels restent toutefois à l’écart. Ce mois-ci, les amateurs de crypto ont salué l’annonce de l’achat d’un million de dollars en cryptomonnaies par la banque centrale tchèque. Mais cela reste marginal sachant que les réserves de cette banque centrale dépassent 171 milliards de dollars. La plupart des banques centrales excluent toujours les actifs numériques de leurs réserves stratégiques. Le potentiel d’augmentation des volumes de transactions demeure donc limité. De même, en Europe, l’accès du grand public aux ETF en bitcoins reste limité. Les banques commerciales restent prudentes et attendent la position des régulateurs.
Vers un Krach ?
Un krach crypto pourrait se diffuser sur les autres marchés financiers. Les investisseurs les plus exposés au repli récent sont ceux qui se sont comportés comme si la hausse était illimitée. Strategy, une entreprise de logiciels, a emprunté pour accumuler environ 60 milliards de dollars de tokens. Sa capitalisation boursière est désormais inférieure à la valeur de ses avoirs en bitcoin, ouvrant la perspective de ventes forcées massives. Le 10 octobre dernier, quelque 19 milliards de dollars de positions crypto à effet de levier ont été liquidés après l’annonce par Donald Trump de nouveaux droits de douane de 100 % sur la Chine (mesure partiellement annulée quelques jours plus tard). Nul ne sait combien de dettes subsistent encore, mais plus les prix baisseront, plus le risque d’une série de défaillances augmentera.
Depuis 2020, le bitcoin est de plus en plus corrélé aux actions technologiques. L’éclatement de la bulle IA aurait des effets sur le cours du bitcoin.
L’adoption de produits adossés aux actifs numériques par les grands acteurs financiers a, elle aussi, renforcé les interconnexions. BlackRock, qui gère 13,5 trillions de dollars, est le dépositaire du fonds indiciel le plus important en bitcoins du monde. Un tiers des clients qui ont acheté ce produit comme première exposition à BlackRock ont ensuite investi dans des ETF plus traditionnels du groupe. Le Conseil européen du risque systémique craint qu’un fonds crypto puisse provoquer des débordements sur la finance conventionnelle : « Les volumes ont désormais atteint un niveau qui rend ce scénario crédible », avertissait-il le mois dernier.
Les stablecoins, ces actifs numériques destinés à conserver une valeur stable et à assurer des transactions, constituent une autre zone de tension. Le marché en circulation a progressé de près de 50 % en un an, dépassant 300 milliards de dollars. En juillet, ils ont obtenu un cadre réglementaire clair aux États-Unis, avec le Genius Act, définissant les actifs éligibles pour leur collatéralisation. Mais la plupart des stablecoins servent encore principalement aux transactions internes à l’écosystème crypto. Cela signifie que les marchés baissiers sur les cryptos les plus risquées peuvent se traduire par des sorties de capitaux de ces stablecoins. Étant majoritairement adossés à des bons du Trésor américain, un choc pourrait ébranler les marchés obligataires si leurs émetteurs étaient contraints de vendre en urgence pour rembourser leurs détenteurs. Quant aux stablecoins qui ne seraient pas intégralement garantis par des actifs sûrs, ils risqueraient de perdre leur ancrage et d’entrer dans une spirale prenant la forme d’un Bank run.
Les cryptos ont peut-être épuisé la plupart des catalyseurs de hausses faciles : réduction des liquidités disponibles, clarification réglementaire, effet mode… Est-ce que Donald Trump décidera d’un engagement plus important dans les cryptos afin de soutenir les cours… Avec le président américain, tout est possible !
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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