Les deux ex-otages français, libérés par une opération militaire qui a coûté la vie à deux soldats au Burkina-Faso, sont aujourd’hui critiqués pour leur imprudence. Pourtant, peu de temps avant leur enlèvement, la zone du parc de la Pendjari n’était pas ciblée comme dangereuse par le Quai d’Orsay.
Les ex-otages ont-ils été imprudents en se rendant dans le parc de la Pendjari dans le nord du Bénin ? Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, nous répond par l’affirmative ainsi que sur Europe 1, ce samedi : « La zone où étaient nos compatriotes était considérée depuis déjà pas mal de temps comme une zone rouge, c’est-à-dire une zone où il ne faut pas aller, où on prend des risques majeurs en allant ».
Mais les archives du site du Quai d’Orsay disent le contraire. Certes, ce secteur est aujourd’hui bel et bien rouge vif sur la carte censée informer les touristes quant à leurs déplacements, mais depuis fort peu de temps.
La carte du Quai d’Orsay datée du 27 avril puis celle actualisée, avec le parc entouré en noir. /Quai d’Orsay D’après nos recherches, le 27 avril, soit trois jours avant l’enlèvement des deux enseignants français, les « conseils aux voyageurs » ne mentionnaient pas le parc de la Pendjari, où ils ont été enlevés, comme zone à éviter. Seul le parc W, situé bien plus au nord-est, était englobé par la zone rouge de la carte du Quai d’Orsay. Depuis la prise d’otages, sur le site www.diplomatie.gouv.fr, le message a été réactualisé. « Une large part du parc de la Pendjari et une importante zone du nord du Bénin sont déconseillées sauf raison impérative. Ce niveau de vigilance est incompatible avec les activités touristiques », est-il précisé. Joint sur ce point ce samedi, le ministère des Affaires étrangères n’a pas répondu à notre sollicitation.
«Le Bénin est un territoire difficile à sécuriser»
« Que l’on soit bien clair. Dans certaines zones de l’Afrique subsaharienne, le touriste constitue une valeur marchande, un coffre-fort ambulant, soutient Didier Arino, directeur du cabinet spécialiste des études et du conseil dans le secteur du tourisme, Protourisme. Qui plus est, le Bénin est un territoire immense, difficile à sécuriser et qui a des frontières avec le Burkina Faso, le Niger, le Nigeria et le Togo où le risque terroriste est réel. Mais vous aurez toujours des passionnés de l’Afrique qui vous diront que le risque est partout. » Et d’ajouter : « Ils n’ont pas tort. Le risque était là, à Saint-Denis, en 2015, aux abords du Stade de France où se jouait un match de football, il était là aussi, la même année, sur une plage de Tunisie où un homme a semé la mort avec un fusil-mitrailleur… »
Il ne condamne donc pas les deux Français, libérés par l’opération militaire qui a coûté la vie à deux soldats français, et qui font aujourd’hui l’objet de critiques acerbes, notamment sur les réseaux sociaux. « Ils étaient dans un parc national avec un guide (NDLR, qui a été tué lors de l’enlèvement). Ils ne sont pas partis à l’aventure sur les routes, comme des têtes brûlées. Toutefois, si vous êtes actuellement à la recherche de paysages sensationnels en Afrique, je conseillerai plutôt un pays plus calme comme la Tanzanie », précise l’expert. En 2017, un peu plus de 280 000 touristes s’étaient rendus au Bénin. Un chiffre qui était en progression. Ce pays de l’Afrique de l’Ouest ne tire toutefois que 0,7 % de son PIB du secteur du tourisme.
« J’ai toujours rêvé d’aller dans ce parc de la Pendjari, mais ma belle-famille qui vit dans le pays m’a toujours interdit formellement de le faire », témoigne Eric, marié à une Béninoise. Pour quelle raison ? « C’est un lieu de passage pour les terroristes qui viennent du sud Niger, explique l’AFP. Les Béninois ne vous le diront jamais officiellement mais la dangerosité de ce secteur est très connue des locaux. »