Bataille mondiale dans l’Education

Bataille mondiale dans l’Education

Hier, le capital, c’était la terre. Labourages et pâturages irriguaient l’économie. Blé, riz, maïs essaimaient cités et empires, systèmes de pouvoir et d’échanges. Puis la richesse ce fut l’énergie : charbon, pétrole animaient les machines. Le capital, c’était l’usine. Tout cela accompagné de cette invention géniale, parce qu’elle enjambe l’espace et le temps, la monnaie, c’est-à-dire la banque et le crédit. De là à se plaindre que l’économie financière domine le monde, vieux laïus comme du temps des Crésus, Fugger, des banquiers génois, de la banque du Pape et de Luther.  

Aujourd’hui, le capital, c’est le traitement de l’information. Après l’agriculture et l’industrie, voici la civilisation de l’information ou de l’intelligence, fut-elle artificielle. Le capital, c’est donc la connaissance, des datas (matières brut) à leur analyse par algorithmes, de l’IA à l’instituteur.

L’école est-elle celle du monde d’aujourd’hui ou de celui d’hier ?

Dans la civilisation de la connaissance, le capital, c’est le cerveau. Les recherches se multiplient. Aux Etats-Unis, Obama avait lancé The « Brain initiative », en Europe la Commission le « Human brain project ». Mieux connaitre le cerveau ne ferait-il pas gagner du temps d’apprentissage ? C’est ce que projetait John Negroponte, le créateur du MediaLAB au MIT. Une pilule pour apprendre tout Shakespeare, disait-il sur TED. 

L’école d’aujourd’hui est-elle l’école du monde d’aujourd’hui ou de celui d’hier ? Qu’y apprend-on, sinon être à l’heure, pointer, la discipline du bureau et de l’usine, plutôt que celle du nouveau monde ? 

Elon Musk déteste l’école. Il a créé la sienne : « Ad Astra ». Ecole mystérieuse, différente : pas de séparation entre les âges (une recommandation de l’OCDE il y a 20 ans) ; pas de mémorisation ni d’apprentissage des outils. Se confronter à des problèmes, ce qui conduit à chercher les outils pour les résoudre, comme dans un jeu. Les « matières » : intelligence artificielle, coding, robotique, science appliquée, mais pas les langues : inutile puisque des logiciels de traduction existent. Ecole élitiste, décalée, inadaptée ? Et si Elon Musk avait raison, pour l’éducation comme pour l’automobile, le paiement digital ou la conquête de l’espace ? 

Elon Musk avait quitté l’université, comme Mark Zuckerberg, Bill Gates ou Steve Jobs.  De nombreuses écoles alternatives existent. Nicholas Negroponte promouvait « l’école sans profs », avec le projet One Laptop per Child (un ordinateur pour chaque enfant), qu’il a expérimenté dans les villages d’Afrique, au Cambodge ou au Pérou. Tous les cours existent en ligne, ce qui importe c’est « d’apprendre à apprendre ». Les logiciels le permettent. On l’apprend même aux ordinateurs, c’est le principe de l’intelligence artificielle.  

A l’heure de Ted, Google et Wikipédia, la mémorisation parait hors champ, vague exercice musculaire du cerveau, puisque le cerveau n’est pas un muscle. L’interface avec un ordinateur permet aux paraplégiques d’écrire. La recherche neurologique identifie les zones du cerveau pour repérer celles qui s’allument en fonction de l’acquisition de connaissances, par exemple le langage, ou le calcul. Mais aussi telle ou telle émotion. Pourrons-nous piloter un hélicoptère simplement en s’asseyant, en « téléchargeant » le programme d’apprentissage en instantanée ? Pas le mode d’emploi, bien sûr : l’apprentissage comme dans un jeu vidéo, façon cinquième élément ? C’est ce dont rêvent Elon Musk et les autres. Attention : ils ont peut-être raison. A ceci prêt qu’on ne voit vraiment pas pourquoi un hélicoptère aurait encore besoin de pilote. 

Une école de management qui prétend former les 200 prochains plus grands patrons du monde

Jack Ma, l’ex prof d’anglais devenu l’homme le plus riche de Chine (Alibaba) finance des écoles rurales. Il a lui aussi créé son école de management, qui prétend former les 200 prochains plus grands patrons de Chine, c’est-à-dire du monde. Selon le China Daily, Hupan College se distingue par « une responsabilité sociale forte » et « une exigence morale élevée dans les affaires ». Ainsi reviendraient l’enseignement des « humanités » confucéennes dans la haute aristocratie chinoise. Pour 45.000 $ par an seulement, moins cher que les Américains. La compétition est partout. Joe Biden, démagogue ou lucide, a annulé la dette des étudiants américains. La France, elle, reste en pointe, comme une bonne partie de l’Europe : l’éducation y est vraiment gratuite. L’université aussi, ou presque. Ce qui est aussi sa faiblesse, car les ressources des universités françaises sont bien maigres para rapport aux universités américaines, britanniques ou chinoises. Le modèle est donc à revoir, surtout si l’on veut créer, ce qui devrait être le cas, des universités françaises à l’étranger, comme on a créé des lycées. 

Un monde en révolution produit une révolution dans l’éducation  

 « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent ! » disait Mao. La diversité permet de comparer et d’éliminer erreurs et impasses.  Celui qui sait ce qu’il faut faire en matière d’éducation est un alchimiste, un mage, ou un grand prétentieux.

Ce qui est certain, c’est qu’un monde en révolution produit une révolution dans l’éducation. L’ONU organise en ce mois de septembre un sommet mondial : « Transformer l’éducation », avec ministres et chefs d’Etat pour répondre aux « crises de l’éducation ».  

Pour l’instant, la révolution éducative est quantitative. Les écoles se multiplient. En 2000, 400 millions d’enfants n’allaient pas à l’école. L’UNESCO estime que 244 millions d’enfants de 6 à 18 ans ne sont pas scolarisés dans le monde. C’est deux fois moins qu’il y a vingt ans, avec une population mondiale en croissance. Mais 84 millions d’enfants n’iront toujours pas à l’école en 2030. 9% des enfants, ne vont pas à l’école primaire. C’était 28% en 1970, Encore 15% en 2000.

Les dépenses des gouvernements en éducation représentent 3,7% du PIB mondial (Banque mondiale). Il y a un lien entre l’investissement public dans l’éducation et les évaluations à l’issue du parcours éducatif. Le classement Pisa de l’OCDE met la Chine en tête. Devant l’Estonie, la Canada, la Finlande, l’Irlande et la Corée. La France a un score moyen, elle se maintient dans les vingt premiers pays.

Est-ce pour la qualité de l’enseignement ou pour les contacts ?  

D’autres classements, comme celui de l’Université du New Jersey place Finlande et Corée en tête. Evaluation et classement sont délicats, et biaisés. Qu’est-ce qu’on classe ? D’une façon générale, Finlande, Corée, Japon, Singapour se retrouvent en tête. Les étudiants choisissent encore Etats-Unis et Royaume-Uni. Est-ce pour la qualité de l’enseignement ou pour les contacts, l’agrégation à un « système de reproduction sociale des élites » ? (L’université française a la chance d’avoir Pierre Bourdieu et Raymond Boudon pour le contester).

Beaucoup se plaignent de la baisse du niveau éducatif en France. A commencer par les enseignants. La pénurie de profs en témoigne. Il en manquerait des milliers. Le nombre moyen d’élèves par enseignant dans les établissements publics est en moyenne pour les pays de l’OCDE de 14,5 enfants dans le primaire et de 13 enfants dans le secondaire. En France, il est au-dessus de la moyenne : 18,3 et 12,7. (Norvège : 10,5 et 10,2. Belgique 12,1 et 9,3 ; Allemagne 15,2 et 12, 8. États-Unis, 16 et 16. Royaume-Uni 20,8 et 16,4.)

La France est un des rares pays qui développe un réseau mondial 

L’éducation à la française, avec ses défauts et ses qualités, reste attirante. La France est un des rares pays qui développe un réseau mondial : 138 pays. Le réseau français s’appuie principalement sur le public, (avec 500 millions de subventions) même si l’éclosion d’écoles privés prend de l’ampleur.

Le réseau français connait des succès incontestables : 98,5% d’élèves admis au bac, dont 83% avec mention. Plus de 14.000 (dont 8500 étrangers) iront étudier dans des universités françaises. Pourtant, le système éducatif français n’est plus tout à fait un modèle d’excellence. Sa chance, sa prétention à l’universalisme, doit lui permettre de s’adapter aux différentes cultures du monde. 

Des écoles nouvelles avec des méthodes nouvelles 

Des écoles nouvelles avec des méthodes nouvelles cultivent les différences. Peut-être ces expériences d’un enseignement français différent, parce qu’adapté à des pays étrangers ouvrira la voie à une nouvelle façon de penser le modèle éducatif français en France, considéré comme à bout de souffle. Entre ceux qui veulent le retour à l’uniforme et Elon Musk, il y a toute l’imagination du monde. Et l’école du XXIème siècle. 

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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