Frustré par le peu de progrès enregistrés la semaine dernière, Michel Barnier, le négociateur en chef de l’UE sur le Brexit, a failli accuser Londres de faire dérailler les négociations sur un futur pacte commercial entre l’Union et le Royaume-Uni.
Vendredi 24 avril, Michel Barnier s’est plaint qu’à moins de deux mois de la réunion cruciale prévue en juin entre les dirigeants politiques, la semaine de négociations avait été « décevante », ne permettant « aucun progrès sur la pêche », sujet sur lequel le Royaume-Uni n’a encore déposé aucune proposition juridique.
« Sur ce sujet essentiel, le Royaume-Uni n’a pas présenté de texte juridique », a souligné Michel Barnier, ajoutant que « l’UE n’acceptera[it] aucun partenariat futur qui ne comprenne pas un accord équilibré et à long terme sur la pêche ».
« Cela devrait être clair comme de l’eau de roche pour le Royaume-Uni », a-t-il insisté.
Entamés à la suite la sortie officielle du Royaume-Uni de l’UE le 31 janvier, les pourparlers sur les futures relations commerciales et politiques entre les deux parties étaient déjà tenus de se dérouler dans un délai très serré. Mais aujourd’hui, en raison de la pandémie de coronavirus, ils sont pratiquement au point mort.
Un seul cycle de discussions face à face a eu lieu entre Michel Barnier et son homologue britannique, David Frost, avant que la propagation de la pandémie n’entraîne des mesures de confinement des deux côtés de la Manche.
D’autres téléconférences ont été programmées pour les semaines commençant le 11 mai et le 1er juin. Elles précéderont la réunion de « haut niveau » prévue en juin entre les dirigeants européens, au cours de laquelle les deux parties feront le point sur les progrès réalisés.
L’heure tourne
La réunion de la mi-juin constitue, pour l’équipe britannique, l’échéance à laquelle elle décidera si un accord peut être négocié avant la fin 2020 ou si le pays partira sans conclure d’accord.
Les économies de l’UE et du Royaume-Uni étant toutes deux profondément affectées par la pandémie de COVID-19, Michel Barnier a souligné l’importance de négocier « un accord intelligent pour amortir le choc ».
Le gouvernement de Boris Johnson a cependant répété maintes fois qu’il rejetterait toute prolongation de la période de transition post-Brexit – durant laquelle le Royaume-Uni continue à faire partie du marché unique – au-delà de décembre 2020.
« La conséquence de cette décision est que l’heure tourne », a indiqué Michel Barnier. « Le Royaume-Uni ne peut pas imposer ce bref délai, et ensuite ne pas faire de progrès dans des domaines importants pour l’UE », a-t-il ajouté.
Extension envisagée ?
La lenteur des négociations a suscité des spéculations sur le fait que l’UE pourrait demander une prolongation, d’une part pour éviter à Boris Johnson de perdre la face, et d’autre part pour empêcher un scénario « sans accord ».
« Nous ne fermons pas la porte à une prolongation de la période de transition », a reconnu Michel Barnier, ajoutant cependant qu’aucune décision ne serait prise à ce sujet avant le début du mois de juin.
Si les parties s’accordent sur une prolongation, le Royaume-Uni devra verser une contribution forfaitaire au budget pour conserver l’accès au marché unique, mais il ne sera pas concerné par le prochain budget septennal de l’UE, qui devrait être fortement revu à la hausse pour soutenir la reprise économique du bloc après la crise du coronavirus.
Une quarantaine de vidéoconférences ont eu lieu la semaine dernière entre des fonctionnaires de l’UE et du Royaume-Uni. Côté européen, un projet de texte de 350 pages a été rendu public. Le Royaume-Uni a pour sa part publié une série de propositions sectorielles, mais il insiste pour que son mandat de négociation demeure confidentiel.
« Notre objectif [qui est d’enregistrer] des progrès tangibles… n’a été que très partiellement atteint cette semaine », a déclaré Michel Barnier à la presse le 24 avril, ajoutant que « le Royaume-Uni n’avait pas souhaité s’engager sérieusement sur un certain nombre de points fondamentaux ».
Il a également accusé les fonctionnaires britanniques de vouloir revenir sur des engagements pris dans le cadre de l’accord de retrait.
Les principaux points litigieux concernent la mise en place de « règles du jeu équitables », en vertu desquelles l’UE attend du Royaume-Uni qu’il s’engage à respecter les normes européennes en matière de politique sociale et environnementale, ainsi que sur les aides d’État. En échange, le Royaume-Uni bénéficiera d’un accord de libre-échange dépourvu de droits de douane et de quotas. Le Royaume-Uni insiste cependant sur le fait qu’il doit avoir le droit d’instaurer sa propre approche réglementaire.
Michel Barnier a déploré que les fonctionnaires britanniques n’aient « pas réussi à s’engager de manière substantielle » sur cette question, ajoutant qu’« il n’y aura[it] pas d’accord commercial ambitieux sans conditions de concurrence équitables ambitieuses ».
Le négociateur en chef de l’UE a ajouté que les positions des deux parties étaient également « très divergentes en matière de gouvernance ». Peu de progrès ont été réalisés sur le rôle de la Cour européenne de justice et sur la future coopération policière et judiciaire.
Michel Barnier a ajouté que Bruxelles exigeait également des « preuves évidentes » que le Royaume-Uni progressait dans l’établissement de procédures découlant des nouveaux accords douaniers entre l’Irlande du Nord et la République.
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