Avalanche de critiques après les annonces de réforme de l’AEFE

Avalanche de critiques après les annonces de réforme de l’AEFE

C’était un moment historique. Le conseil d’administration du 18 décembre a donc validé l’acte 1 financier d’une réforme qui se traduit pour l’instant par un gros tour de vis budgétaire. 35 ans après sa création en 1990 l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger est désormais engagée dans un tournant périlleux de son histoire. Derrière les propositions adoptées s’est bien une crise du financement public qui semblent en être à l’origine. L’État serait rétracté de 60 millions d’euros pour les trois exercices budgétaires de 2024 à 2026. Le développement de ce réseau, de plus de 600 établissements, a ainsi révélé sa fragilité. Aujourd’hui l’Agence ne semble plus en mesure de financer seule le poids des pensions civiles de ses personnels. Le déficit lié aux pensions se creuse d’année en année et c’est toute la politique d’emploi de plus de 5000 fonctionnaires à l’étranger qui s’en trouverait remise en cause. Et c’est tout une avalanche de critiques qui a suivi les annonces de réforme de l’AEFE.

Une remise à plat financière

Initié en juin dernier, un premier projet de réforme financière avait été annulé sur intervention du ministre des Français de l’étranger l’époque Laurent Saint-Martin. Des consultations plus larges avaient alors été annoncées. Et la réforme prise en main par la tutelle de l’Agence, à savoir la Direction générale de la mondialisation et sa directrice Anne Grillo. Le Quai d’Orsay a donc remis sa copie au terme de 6 mois d’échanges « dans un monde en pleine mutation, l’AEFE doit aujourd’hui se réformer en profondeur pour assurer la soutenabilité de son modèle économique et se projeter dans les décennies à venir. C’est l’objet de la réforme initiée ».

Les services de la direction générale de la mondialisation, qui pilotent désormais l’exercice de réforme, insistent sur « un principe cardinal : « les services rendus par l’AEFE (plus de 5000 personnels détachés par l’Agence dans le réseau scolaire à l’étranger et un accompagnement multiforme apporté aux établissements) doivent être expertisés, actualisés, mieux mis en valeur et rémunérés par les écoles du réseau international. ».

Il est « inacceptable de faire peser l’essentiel de l’effort sur les familles »

Anne Genetet, Pieyre-Alexandre Anglade Vincent Caure, Nathalie Coggia Marc Ferracci, Amélia Lakrafi, Caroline Yadan, Christopher Weissberg Députés Ensemble pour la République des Français établis de l’Etranger

De nouvelles contributions financières ont donc été mises sur pied, assises sur les personnels détachés employés par les Établissements à gestion directe et par les établissements conventionnés. Avec également une mise à contribution des établissements partenaires. Le mot d’ordre semble être « tout le monde paye » et davantage « au juste prix ». Des arguments qui n’ont pas convaincu puisqu’un front commun allant des familles aux représentants des personnels en passant par les parlementaires s’est opposé en CA à ces nouvelles mesures. Mesures qui cependant ont pu néanmoins s’imposer d’une courte tête grâce au vote en bloc des représentants de l’administration AEFE, de la tutelle et des autres ministères.

Une salve de critiques de tous bords

Les réactions suite à ces décisions ne s’est pas fait attendre : ainsi 8 députés du dit bloc central emmenés par la députée, et anciennement Ministre de l’Éducation nationale, Anne Genetet ont demandé un moratoire immédiat en marquant leur « profond désaccord tant sur la méthode que sur le fond des décisions prises ». Ils jugent « inacceptable de faire peser l’essentiel de l’effort sur les familles augmentant significativement les contributions financières, sans qu’un plan de redressement crédible n’ait été présenté ». Ils souhaitent notamment que la sénatrice Samantha Cazebonne puisse réaliser sa mission qu’ils soutiennent et que les inspections générales puissent produire leur diagnostic. C’est « une réforme structurelle profonde (pour) repenser la gouvernance de l’Agence » qu’ils attendent. Les sénatrices des Français établis hors de France, Mélanie Vogel et Mathilde Ollivier, membre du parti Les écologistes, ont aussi fait part de leurs inquiétudes. Dans un communiqué conjoint, elles écrivent :  « Nous refusons la privatisation rampante du réseau, le recul des droits des personnels et la hausse continue des frais de scolarité », et ont lancé une pétition.

Anne Genetet, Samantha Cazebonne et Hélène Conway-Mouret
Anne Genetet, Samantha Cazebonne et Hélène Conway-Mouret, Sénatrices des Français établis hors de France

Quant au député MoDem des Français de l’étranger, Frédéric Petit, il a également partagé préoccupations. Pour lui « les mesures proposées lors du CA extraordinaire du 18 décembre restent dès lors symboliques, socialement injustes et ne traitent pas le cœur du problème, tout en faisant porter un effort supplémentaire sur les familles » et il préconise « de dissocier les deux métiers dont l’AEFE a la charge : d’un côté, la gestion directe d’une soixantaine d’établissements, de l’autre, l’appui, le développement et l’animation du réseau d’enseignement français à l’étranger ».

L’ex ministre des Français de l’étranger de François Hollande, la sénatrice Hélène Conway-Mouret, a dénoncé très clairement le court-termisme d’une réforme qui a été réalisée dans une forme d’urgence. Malgré 6 mois de « consultations » jugées trop verticales même son de cloche au niveau du puissant syndicat des personnels de direction, le SNPDEN, majoritaire dans le réseau « une réforme dans l’urgence n’est jamais une bonne réforme » juge Jean Dayet son responsable. Les familles vont être les principales contributrices du réseau de demain qui va voir le coût de scolarisation par élève bondir de 4 % environ.

« L’AEFE est aujourd’hui en crise non parce qu’elle coûte trop cher,
mais parce que l’État l’a affaiblie politiquement et budgétairement »

Les associations des familles, FAPEE FCPE

Deux des principales associations de parents, la FAPEE et la FCPE ont concentré leur argumentaire sur la défense des établissements à gestion direct. Ils estiment que ce réseau est financé à 80 % par les familles et que les EGD en sont le pilier historique. Ils craignent un exode massif des familles suite à la hausse des frais de scolarité et une fragilisation pédagogique qui serait la conséquence de la fermeture de postes de détachés. Ils s’opposent aussi aux prélèvements sur les réserves des établissements. Une pétition a donc été lancée.

L'enseignement français à l'étranger © AEFE
L'enseignement français à l'étranger © AEFE

L’UNAPE, troisième association de parents d’élèves du réseau, informait quant à elle ses membres via sa page Facebook de la « gravité de la situation » et faisait une estimation des « hausses brutales » comprises selon les établissements entre « 43 et 1340 euros par élève ». L’association Français du Monde rejoint ces critiques et réclame aussi sur le fond « L’ouverture d’une concertation réelle, concertée et inclusive » et « la prise en charge totale par l’État de la part patronale des pensions ».

L’année 2026 entre tensions et mission Cazebonne

Au vu de ces réactions critiques très vives, il est envisageable que les mois qui s’annoncent seront sous tensions. Des fermetures de postes d’enseignants feraient assurément bondir les familles qui, de fait, sont les alliées objectives des représentants des personnels. Si les trois syndicats représentatifs de l’AEFE, la FSU, la CFDT et l’UNSA, ont lancé le bal des critiques dès le mois de juin, ils ont été rejoints par l’ensemble des acteurs de l’enseignement français à l’étranger.

Dans ce contexte la mission confiée à Samantha Cazebonne sera très attendue. Cette ancienne chef d’établissement dispose d’une crédibilité certaine sur le sujet. Les rendez-vous ReflexeS qu’elle a animés depuis plusieurs années ont pu faire office de lieu de consultation informel des acteurs du réseau éducatif. L’avenir dira si la réforme de l’AEFE passera en force ou fera l’objet d’un plus grand consensus qu’aujourd’hui.

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