« Il a fallu utiliser d’autres méthodes de travail ». Le directeur de l’enquête menée sur le crash du Rio-Paris a détaillé mardi (11 octobre) à la barre les investigations menées en l’absence de l’épave, retrouvée deux ans seulement après la catastrophe.
Ancien colonel de gendarmerie, alors commandant de la section de recherches du transport aérien (GTA), Xavier Mulot a déposé au deuxième jour du procès à Paris d’Airbus et d’Air France pour homicides involontaires.
Le gendarme a expliqué comment la cellule d’enquête « dédiée », baptisée « AF447 », avait d’abord travaillé sur un avion fantôme.
Si des débris ont été retrouvés dans les jours qui ont suivi l’accident du 1er juin 2009, qui a tué 228 personnes, l’épave et les boîtes noires n’ont en effet été repêchées qu’au printemps 2011, après de longues recherches dans une zone très profonde et accidentée de l’Atlantique.
La cellule d’enquête était divisée en six groupes, dont le premier a notamment participé à l’identification des corps, a expliqué M. Mulot.
Cinquante corps ayant été repêchés peu après le crash et 103 autres deux ans plus tard, avec l’épave, dans des « conditions très difficiles », a rappelé l’ancien gendarme qui, très ému, a marqué un long silence.
« D’abord, parce qu’il a fallu faire des choix. Nous étions contraints aussi par la volonté de certaines familles de ne pas remonter les corps de leurs défunts (…) et nous n’avons pu remonter que les corps attachés à leurs sièges », a-t-il poursuivi.
« Rôle déterminant » des sondes
En l’absence des boîtes noires, d’autres enquêteurs ont travaillé sur les messages ACARS (Aircraft communication addressing and reporting system), des informations transmises automatiquement par l’avion à Air France avant l’accident, a expliqué le gendarme.
« Très rapidement », il est apparu que les sondes de vitesse Pitot avaient eu « un rôle déterminant dans l’accident ».
Obstruées par des cristaux de glace, ces sondes ont cessé de fonctionner, désorientant les pilotes. L’avion a décroché et s’est abîmé 4 minutes 30 plus tard.
L’A330 était équipé depuis sa mise en service en 2005 des mêmes sondes « AA » du fabriquant français Thalès – deux autres modèles existaient, a souligné l’enquêteur retraité.
Les gendarmes ont relevé qu’au total, 17 incidents concernant ces sondes avaient été enregistrés « entre janvier 2007 et juin 2009 ».
Des pannes dont avaient connaissance Airbus et Air France, qui ont organisé des réunions sur le sujet en 2008, menant à une « campagne d’information », avec des « bulletins » placés « dans les casiers des équipages ». « Mais nous n’avons pas eu la garantie que tous les pilotes en avaient eu connaissance », selon le témoin.
Air France avait par ailleurs décidé de changer de modèle de sondes pour un autre baptisé « BA » à partir de 2007, mais « uniquement en cas de pannes ».
« Ce que nous avons observé, c’est que Air Caraïbes (…) n’a pas attendu de consigne (de l’Agence européenne de sécurité aérienne) pour changer les sondes », cette seconde compagnie considérant que l’autre modèle était plus résistant au givre, a précisé M. Mulot.
Pistes « farfelues »
Un autre groupe d’enquêteurs a analysé puis écarté les pistes d’un « acte de malveillance », dont « certaines un peu plus farfelues que d’autres », a également précisé M. Mulot, citant « la présence d’extraterrestres », « la cible terroriste visant un passager » ou encore « un attentat fomenté par un groupuscule extrémiste brésilien ».
Les profils des trois pilotes, dont les « observations » étaient « très satisfaisantes », ont aussi été creusés et les gendarmes ont constaté que « tous les avions qui ont précédé ou suivi l’AF447 ce soir-là ont procédé à un évitement » du Front inter tropical (FIT), zone météo particulièrement dangereuse dans laquelle l’avion a décroché.
Estimant qu’Airbus et Air France avaient fait preuve de « transparence », celui qui a aussi dirigé les investigations sur l’accident du Concorde en 2000 a jugé qu’il s’agissait du « plus difficile » dossier qu’il ait « eu à traiter, d’abord parce que faute de découverte de l’avion dès les premiers instants, il a fallu utiliser d’autres méthodes de travail ».
« Il a fallu attendre la découverte des enregistreurs de vol pour valider chacune des hypothèses que nous avions émises », a-t-il ajouté.
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