La junte malienne interdit toute activité d’ONG financées par la France, en réaction à l’annonce par Paris de couper ses aides au développement vers le Mali. Pour le moment, les conséquences de cette nouvelle escalade sont encore difficiles à prévoir, mais les acteurs humanitaires sont inquiets.
C’est une nouvelle escalade dans les relations France – Mali. « Le gouvernement de la transition décide d’interdire, avec effet immédiat, toutes les activités menées par les ONG opérant au Mali sur financement ou avec l’appui matériel ou technique de la France, y compris dans le domaine humanitaire », a communiqué la junte militaire malienne le lundi 21 novembre, par l’intermédiaire de son Premier ministre par intérim, Abdoulaye Maïga. Par cette annonce, le Mali interdit toute activité d’ONG financées par la France. La junte parle “d’aide déshumanisante pour (son) Peuple”, accusant l’État français de les utiliser comme moyen de chantage des gouvernants.
La décision fait suite à l’annonce de la France de la suspension de son aide au développement à destination du Mali.“C’est toujours la réponse du berger à la bergère. On est dans une escalade qui ne profite à personne”, commente Alioune Tine, fondateur du think tank Afrikajom Center, centre de recherche et de formation en Afrique. “Après tout ce qui s’est passé, on aurait pu observer une pause. Connaissant la psychologie des autorités maliennes, dès que vous posez un acte perçu comme hostile, il y a toujours une réplique.” Au milieu de ces querelles, le groupe paramilitaire russe Wagner.
Il faut éviter que ce qui est arrivé à Kaboul, en août 2021, après le départ des Américains, n’arrive au Sahel.
Alioune Tine, fondateur du think tank Afrikajom Center
Le groupe paramilitaire russe Wagner au coeur des tensions
Le ministère français des Affaires étrangères accuse le Mali d’avoir eu recours au groupe paramilitaire russe Wagner. Ces combattants étrangers de la société privée russe sont accusés de graves violations des droits humains sur le terrain.
La junte, de son côté, nie en bloc ces accusations. Le colonel Abdoulaye Maïga dénonce dans son communiqué des « allégations fantaisistes » et un « subterfuge destiné à tromper et manipuler l’opinion publique nationale et internationale à des fins de déstabilisation”. Le fondateur d’Afrikajom Center, Alioune Tine, ne cache pas son inquiétude. “Il faut éviter que ce qui est arrivé à Kaboul en août 2021 après le départ des Américains, n’arrive au Sahel. C’était une image de fin du monde.”
La situation sécuritaire au Mali se dégrade. Depuis mai 2021 et un second coup d’État malien confortant leur emprise, les colonels se sont détournés de la France, poussée vers la sortie. Le dernier soldat a quitté le pays en août 2022 après neuf ans d’engagement contre les djihadistes aux côtés de l’armée malienne. Les colonels se sont tournés militairement et diplomatiquement vers Moscou.
Et après le départ des militaires, c’est au tour de l’aide humanitaire de subir les conséquences de la dégradation des relations France-Mali.
Ministère français des Affaires étrangères
Pour mémoire, le Mali et sa population ont bénéficié chaque année depuis 2013 de plus de 100 millions d’euros d’aide publique au développement et d’aide humanitaire française.
Malgré le départ des troupes de Barkhane en février 2022, la France continuait à apporter son soutien humanitaire. « Pour mémoire, le Mali et sa population ont bénéficié chaque année depuis 2013 de plus de 100 millions d’euros d’aide publique au développement et d’aide humanitaire française », rappelle le Quai d’Orsay dans un communiqué en date du 22 novembre.
Avenir incertain pour les ONG françaises sur place
La semaine précédente, déjà, un collectif d’ONG dont CCFD Terre-Solidaire, Handicap International, Médecins du Monde et Oxfam, avait exprimé son inquiétude devant la suspension par la France de son aide. Il avait écrit le 15 novembre 2022 dernier au Président français Emmanuel Macron pour déplorer cette décision. Il dénonçait “l’arrêt d’activités essentielles, voire vitales (…) au profit de populations en situation de grande fragilité ou de pauvreté ».
Les ONG françaises doivent se conformer à la décision regrettable des autorités de transition maliennes.
Ministère français des Affaires étrangères
Alors, la réponse de la junte une semaine plus tard sonne comme un nouveau coup dur. Une ONG française a accepté de répondre à nos questions mais souhaite rester anonyme. Elle intervient au Mali en partenariat avec 60 villages sur des questions d’accès à l’eau potable notamment, non loin des localités de Bandiagara et Goundaga, dans le secteur de Mopti, au Nord du pays, où la situation sécuritaire est particulièrement tendue.
L’ONG se finance principalement sur fonds propres. Sa présidente ne sait pas si son activité va être impactée par cette annonce. “Seules notre municipalité et l’Agence pour l’eau nous aident à financer nos actions”, explique-t-elle. “Pour nous, c’est dur d’apprendre cela de la part des autorités maliennes. Mais on va continuer à être à leurs côtés parce que les gens en ont besoin. Nos projets, on va les finir », ajoute-t-elle.
Face à ces annonces, la France, par l’intermédiaire du Quai d’Orsay, appelle, elle, “les ONG françaises à se conformer à la décision regrettable des autorités de transition maliennes”.
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