Comment arrêter la guerre ? Macron, de retour des Etats-Unis, accentue le soutien de la France et veut parler à Poutine. Tout dépend de ce que l’on dit. Parler ne peut être un signe de faiblesse. Aussi faut-il parler fort et accompagner les mots avec des actes.
Dire que l’on augmentera notre présence en Ukraine. Que les Ukrainiens auront de plus en plus les moyens de se défendre. Les Etats-Unis vont envoyer des armes capables de bombarder à 150 km, l’Allemagne des défenses aériennes.
Dire que plus tôt il retirera ses troupes, moins elles devront battre en retraite. Qu’à renforcer notre présence, y compris, si cela est nécessaire, par des troupes, s’ajouteront des actions en Russie, ne serait-ce que pour conforter le mouvement de la société civile. Donner aux Russes exilés les moyens d’envoyer des messages à toute la population.
Bref, annoncer une intensification de l’effort de guerre, faire comprendre que la force n’est plus de son coté, que le temps fragilisera son régime. L’hiver pourrait lui être fatal. Le PIB russe chute. L’Europe a réussi à se passer du pétrole et du gaz à 70%. Le soutien à la guerre, en Russie, chute.
Le Pape n’est pas chrétien, la paix c’est la guerre, le crime la vertu.
Les « Comités des mères de soldats » se reconstituent. Vladimir Poutine reçoit donc des mères triées sur le volet dans une mise en scène télévisuelle. Il ressuscite la « médaille des mères héroïques » créée par Staline en 1944 : la première récipiendaire est la femme de Kadyrov le massacreur tchétchène. Quatorze enfants avec lui : héroïque. Le Pape a dénoncé la cruauté de la brigade tchétchène, ce à quoi Lavrov répond que les propos du Pape ne sont « pas chrétiens ». Et le Vatican a subi une cyberattaque. Le Pape n’est pas chrétien, la paix c’est la guerre, le crime la vertu.
La société civile commencerait-elle à bouger ? Les babouchkas se dresseraient-elles contre le pouvoir ? Le gouverneur d’Irkourst explique qu’un enfant n’appartient pas à sa mère mais à l’Etat, définition même d’un Etat totalitaire.
Beaucoup d’enfants ne pensent pas ainsi : près d’un million ont quitté la Russie, malgré les menaces d’un Kadyrov jurant qu’on les retrouvera. Le ministère de la Justice russe publie désormais le nom et les adresses des citoyens catalogués « agents de l’étranger ». Un appel à tuer, à voler, à violer sans risque pour les truands du coin.
Les dirigeants russes osent revendiquer des crimes de guerre.
Le Parlement européen classe la Russie comme un « État faisant la promotion du terrorisme ». Prigogine, ancien proxénète devenu général, patron des mercenaires Wagner, répond au Parlement par une masse ensanglantée, outil d’exécution d’un déserteur, qu’il a filmé et commenté : « J’espère qu’aucun animal n’a été blessé au cours de cette exécution ».
Le vice-président de la Douma déclare à la télévision française : « Nous renverrons l’Ukraine au XVIIIe siècle». Poutine justifie ses frappes contre les infrastructures et les villes dans un dialogue avec le chancelier allemand : « de telles mesures sont devenues nécessaires et inévitables ».
Les dirigeants russes osent donc revendiquer des crimes de guerre. Après la seconde guerre mondiale les conventions de Genève ont été signées en 1949 par 196 Etats. Elles distinguent combattants et civils, interdisent tortures, déportations, bombardements d’objectifs civils. Aujourd’hui, les crimes sont en direct. Jamais crimes ne furent aussi transparents. Jamais enquêtes ne furent aussi rapides. Tout se voit. Tout s’enregistre. Les gendarmes français sont sur place. La guerre est en cours, la justice aussi.
Bombarder les villes n’a jamais réussi : ni à Leningrad, malgré la famine (1.6 millions de morts), ni à Londres, ni contre le Reich. Sur quoi repose cette « stratégie » ? Sur l’impossibilité d’en avoir une autre.
Wagner doit être placé sur la liste des organisations terroristes.
L’armée russe a perdu toute initiative. 100.000 hommes hors de combats, presque 3000 tanks, 6000 blindés, 280 avions, c’est une armée qui a été perdue. Poutine frappe le plus fort possible pour obtenir une trêve. Il obtient l’inverse de ce qu’il recherche : les crimes de guerre empêchent toute discussion.
Que peut-on faire contre des crimes de guerre ? Apporter aux Kadyrov, Prigogine et autres généraux la certitude qu’ils seront eux aussi, rattrapés. Wagner doit être placé sur la liste des organisations terroristes. N’importe quel juge, n’importe quel tyrannicide pourrait arrêter ces « terroristes ».
L’Union Européenne a proposé la création d’un tribunal spécial pour « les crimes d’agression de la Russie ». La Cour Pénale internationale enquête, comme l’ONU.
Etrange, cette peur qu’inspire la justice au crime : Margarita Simonian, une des propagandistes du Kremlin, cauchemarde : « Si nous perdons, La Haye ira traquer jusqu’au balayeur de pavé dans une rue derrière le Kremlin ». Son compère Soloviev : « si nous perdons, La Haye ne sera pas la question, le monde entier sera réduit en cendres« .
La CIA a lancé un « appel à candidature » aux « cadres du régime et oligarques ». Une façon directe de menacer Poutine, fracturer son entourage, exacerber sa paranoïa. Les hommes de paille qui gèrent sa fortune en hériteraient s’il venait à disparaitre. De quoi miner la confiance. Beaucoup ont des accidents.
Prévenir la Biélorussie, neutraliser la Transnistrie.
La solution la plus rapide serait que les Ukrainiens l’emportent le plus vite possible, ce qui revient à leur fournir plus d’armes. Prévenir aussi les complices : toute invasion militaire de l’Ukraine venant de Biélorussie doit être empêchée. Viendra un moment où la question de la présence de troupes européennes en Ukraine, à la frontière biélorusse, se posera. La Transnistrie devrait être neutralisée, selon ce que réclame le droit international depuis tant d’années.
Poutine utilise sa capacité de frappe nucléaire pour bombarder impunément les villes ukrainiennes. Le territoire russe serait intouchable. L’un pourrait bombarder l’autre, sans que ce dernier ne puisse riposter. Ce raisonnement transforme la possession de l’arme nucléaire – défensive – en soutien à une guerre offensive. L’Ukraine, en attaquant le port de Novorossiysk, par où transitent les exportations de pétrole, est prête à franchir ces limites. Il est temps de lui donner les armes qu’elle réclame.
Pour être entendu d’un Poutine, la France doit être à la hauteur.
Temps de s’affranchir du chantage nucléaire. Si une puissance nucléaire peut mener n’importe quelle guerre d’agression, tout Etat cherchera à obtenir l’arme nucléaire. Laisser la Russie mener ce chantage et commettre des crimes de guerre sans aucune réaction est se mettre en danger pour longtemps. Le vrai risque est là, plus encore que d’envoyer des soldats.
Au-delà de l’Ukraine, du droit international, des valeurs démocratiques, la sécurité du monde est en jeu. L’avenir de l’Europe se joue en ce moment. Ceux qui pensent que la sécurité de l’Europe doit dépendre des Européens, plus que des États-Unis, doivent s’engager plus. Pour être entendu d’un Poutine -ou de ses successeurs-, la France doit être à la hauteur.
Rester spectateur de crimes de guerre à sa porte conduit à les subir un jour. La masse ensanglantée envoyée au Parlement européen est un message personnel. En revendiquant ses crimes, Poutine oblige à prendre des risques.
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press
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