C’est l’heure de l’or : record historique dépassé. Rien ne devrait porter l’or à ce niveau, hors des phantasmes. L’or est le refuge des temps de peur, spéculation du père peinard. Depuis les accords de Bretton Woods, puis la fin de la convertibilité du dollar en or, il ne devrait jouer aucun rôle particulier. Ce n’est jamais le cas.
Pourquoi l’or monte ? Un certain nombre de pays, Russie et Chine en tête, ont vu que le dollar pouvait devenir un piège, comme il le fut pour l’Iran avec les lois d’extraterritorialité. Le dollar est une arme. Les achats d’obligations (de dette) américaines par la Chine ont diminué d’un quart. Les réserves russes en dollar ont fondu. Ces deux pays ont donc acheté de l’or, suivis par quelques autres. Ce qui fait monter l’or.
L’heure de la peur, c’est l’heure de l’or.
Cela ne serait pas suffisant si l’actualité n’alertait sur le retour des guerres, voire de la prochaine guerre mondiale. Ce qui choque, c’est le retour de la barbarie dans une des périodes le plus sûres, les plus douces de l’histoire humaine. Nous nous étions habitués à la paix, à la croissance, à la tranquillité.
Depuis soixante-dix ans, aucune puissance majeure n’a osé se faire la guerre directement, des empires, coloniaux, soviétique, se sont effondrés sans fracas, au contraire : en offrant des chances. L’humanité était devenue bienveillante, à part quelques dérapages. Et puis la violence bête, barbare, revient. Avec elle, la peur. L’heure de la peur, c’est l’heure de l’or.
Il y a d’autres causes que la peur. Purement financières, mais qui vont au-delà de la finance. Où mettre son argent ?Les taux d’intérêt montent. Mécaniquement, la valeur des obligations, titres de dettes d’états, baisse. Alors se tourner vers les actions, les entreprises ? Mais avec ces taux d’intérêt, chacun s’attend à une stagnation économique. C’est vrai pour l’Europe, qui frôle la récession, la Chine, et même, demain, les Etats-Unis. L’économie mondiale, avec la multiplication de mesures protectionnistes, avec la baisse du commerce international, qui était son moteur, patine. Quand on ne sait pas quoi faire, on achète de l’or.
Les équations d’hier dépassées
Il y a encore autre chose. Chaque génération a le sentiment de vivre une transition, ce qui est toujours vrai. Cette fois il s’agit d’une révolution sur plusieurs générations, avec une accélération des transformations radicales qui rendent les équations d’hier dépassées. Y compris dans la finance. D’où le recours à l’or, « relique barbare », pour conjurer les démons immaîtrisables de la finance mondiale. Les banques centrales savent-elles ce qu’elles font ? L’inflation que l’on connaît est-ce de l’inflation ? Sommes-nous, sous couvert d’inflation, en tendance déflationniste ? Quelle est la part du shadow banking dans la création monétaire ? Combien de spécialistes peuvent répondre à ces questions ? Le bon peuple s’en fout ? Les conséquences de ces mutations sont dans le panier de la ménagère.
Est-ce la folie du capitalisme mondial ? Le capitalisme permet de vivre sans capital, à crédit, c’est-à-dire sur l’avenir. Sans l’espérance du progrès et des gains à venir, tout se bloque. Nulle folie.
Question de crédibilité : de l’or, du dollar, de l’Euro. Quand la France atteint 110% de dette publique, 3100 milliards, il est juste de s’inquiéter. Surtout quand, malgré les déclarations, le budget 2024 annonce un déficit de 118 milliards. Il n’était « que » de 72 milliards en 2018. Moitié moins il y a dix ans.
La récente querelle franco-allemande sur les « critères de Maastricht » inquiète. Les Français demandaient que les dépenses pour « la transition écologique et la défense » sortent du calcul du déficit. Et pourquoi pas l’éducation ? Un sou est un sou ; un déficit, un déficit. Cela revenait à donner un permis de dépense. Si l’Allemagne pensait que la France allait devenir sérieuse, elle a eu la preuve qu’il n’en était rien.
L’euro ne sera pas une monnaie de réserve tant que l’Europe n’aura pas une « Navy » européenne.
En revanche l’Allemagne cultive ses mauvaises querelles : nucléaire, industries de défense, subventions, rôle de la Banque centrale. Elle ne comprend pas qu’isolée, elle sera une proie. Que la finance n’est pas que de la finance. Toute finance, de l’or aux bitcoins, repose sur le crédit, l’avenir. Une Europe sans crédibilité n’a ni avenir ni monnaie. L’euro ne sera pas une monnaie de réserve tant que l’Europe n’aura pas une « Navy » européenne, pour surveiller les câbles sous-marins, les trafics, les pays pirates, complices du terrorisme, de la criminalité, du chantage. Empêcher, par exemple, les attentats, comme celui qui a été commis en Baltique entre la Finlande et l’Estonie : un navire chinois aurait saboté le gazoduc Balticonnector. La Chine aide la Russie à punir la Finlande de son adhésion à l’OTAN.
Est-ce pour autant que la France a raison ? Non : Les dépenses publiques ont atteint un seuil d’alerte. Même les anciens socialistes comme Migaud et Moscovici, il est vrai devenus Présidents de la Cour des Comptes (le trotskysme mène à tout, à condition d’en sortir), émettent des mises en garde cinglantes à un gouvernement plus socialiste, en termes financiers, qu’aucun autre avant lui : 55% de dépenses publiques, 45 % de prélèvements obligatoires. Mitterrand avait jugé que 43% était excessif (Il frôlait les 45%). Avec De Gaulle, c’était 32%. Sans dette. Les trente glorieuses avant les trente piteuses.
Les chiffres deviennent fous. Toute certitude s’évapore.
Le bon peuple, dit-on, s’en fout. Pourtant le paiement des intérêts de la dette, sera, dans quatre ans, de 70 milliards, plus élevé que celui de l’éducation nationale. Sans dette, on pourrait doubler le nombre de profs. Au moment où le classement international PISA de l’éducation nationale dégringole, cela mériterait de le faire savoir au bon peuple, plus attentif qu’on ne le croit : il place des milliards en épargne. Jamais l’épargne française ne fut plus élevée. Sagesse ou peur ?
Les chiffres deviennent fous. Toute certitude s’évapore. Hier les accords d’Abraham menaient vers la paix en Israël. Aujourd’hui, qui croit à une paix possible ? Hier, la Chine allait dépasser les États-Unis. Aujourd’hui, la dette chinoise est passée de 7.000 milliards de dollars en 2018 à 12.700 milliards. Aujourd’hui, l’Inde a une croissance de 7%. La bourse indienne rejoint, en capitalisation, celle de Hong Kong, qui décline. Forcément : elle a été mise au pas par Xi Jing Ping.
Tout puissant mais dépassé, ce génie annonce la guerre à Taiwan avant 2039. Taïwan, un des dix pays le plus riches du monde par habitant, un des dix pays les plus démocratiques est un insupportable contre modèle. Autant qu’une Ukraine démocratique et prospère. Une guerre à Taiwan bloquerait le monde. Cela ruinerait la Chine pour un temps, sans doute, comme s’est ruinée la Russie, mais endommagerait le monde.
La guerre annoncée de Taiwan serait stupide. Mais la guerre d’Ukraine aussi.
La guerre annoncée de Taiwan serait stupide. Mais la guerre d’Ukraine aussi. Comme le massacre du Hamas, du moins pour les Palestiniens, sacrifiés par l’Iran. Les velléités d’annexion d’une partie du Guyana par le Venezuela plus encore. « Ceux qui croient que les peuples suivront leurs intérêts plutôt que leurs passions n’ont rien compris au XXe siècle. » disait Aron. Comprendre : les dirigeants agitent les passions des peuples dans leur intérêt, celui de rester au pouvoir.
Cela s’appelle la manipulation, ou la politique. Cela se décrypte dans le cours de l’or.
Ne pas investir dans l’or. Plutôt dans l’intelligence.
Ces stratèges néo impérialistes qui parient sur l’or et se croient malins oublient que 80% de celui-ci est en Occident. D’où l’inconvénient d’être dirigé par des génies prétentieux.
Pendant ce temps, surgit un autre monde : celui de l’IA, du cybermonde, de la nanomédecine, des énergies qui feront passer les éoliennes d’aujourd’hui pour des moulins à vent. On peut parier sur la guerre et la peur. Ou sur le nouveau monde.
Ne pas investir dans l’or. Plutôt dans l’intelligence. C’est le pétrole d’hier, l’or d’avant-hier. Le Parlement européen vient de légiférer sur l’intelligence artificielle. Pourquoi pas. Ne faudrait-il pas la libérer, l’intelligence, artificielle ou pas ?
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press
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