Avec 58,54 % des voix, les Français ont décidé de reconduire Emmanuel Macron comme chef de l’État dimanche 24 avril. Mais les oppositions sont plus déterminées que jamais à priver le président de la République tout juste réélu de sa majorité parlementaire.
Comme EURACTIV France le rapportait il y a quelques semaines, tous les partis s’organisent pour les législatives qui se dérouleront dans moins de deux mois. Les équilibres du paysage politique français pourraient être remis en question à cette occasion.
Quels peuvent être les scénarios ?
Une majorité d’extrême droite ou d’extrême gauche « improbable »
Selon Thanassis Diamantopoulos, professeur de sciences politiques à l’Université d’Athènes et spécialiste du régime français, l’hypothèse d’une majorité à l’Assemblée nationale d’extrême droite ou d’extrême gauche est « improbable », en dépit des scores historiquement hauts des partis de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon.
En France, le système électoral majoritaire uninominal à deux tours a pour conséquence que « même majoritaires, les extrêmes ne peuvent pas gagner les élections parlementaires. […] Ils n’ont pas de potentiel d’alliance », et il est plus simple pour « les forces autour du centre de s’allier », a indiqué M. Diamantopoulos à EURACTIV France.
Mais, ces derniers jours, Jean-Luc Mélenchon a lancé un appel à ses partisans : « je vous demande de m’élire Premier ministre ».
Entre le fait « qu’il n’y aura pas de désistements » au profit du parti de M. Mélenchon et la « sous-représentation des extrêmes », l’éventualité que son appel se traduise dans la réalité des urnes demeure lointaine. Autre élément qui joue en défaveur des partis les plus radicaux : « il y a deux expressions ‘antisystème’, une qui se situent vers l’extrême droite et l’autre vers la gauche ».
C’est pour ces raisons que huit députés ont été élus sous les couleurs du Rassemblement national en 2017, malgré une qualification au second tour de l’élection présidentielle, et que le mouvement de M. Mélenchon en avait fait élire dix-sept. Des résultats très en deçà des résultats globaux au niveau national.
La (nouvelle) tentative d’une union de la gauche
À gauche, l’urgence d’une union se fait sentir tant auprès des cadres que des électeurs, pour avoir à nouveau de l’influence et espérer imposer une majorité sociale et écologique à Emmanuel Macron.
Contactée par EURACTIV France, Sylvie Guillaume, eurodéputée socialiste, espère que « les législatives [permettront] de rétablir un meilleur équilibre, car la présidentielle n’est pas un blanc-seing » au profit du président nouvellement élu.
Même son de cloche chez les insoumis – les partisans de Jean-Luc Mélenchon –, qui veulent croire à un rassemblement de la gauche : l’eurodéputée Leïla Chaibi a déclaré à EURACTIV France que son mouvement « fait appel à ceux qui ne se sentent pas représentés, à ce troisième bloc populaire […] qui a la possibilité de prendre sa revanche » et admet être en discussion avec les autres forces de gauche, pour s’accorder sur « un socle commun ».
L’appel de M. Mélenchon et de ses soutiens semble avoir été entendu par les autres mouvements de la gauche. L’eurodéputé Europe Ecologie Les Verts David Cormand a indiqué à EURACTIV France que « les forces politiques écologistes et de gauche doivent s’organiser pour peser ensemble si elles ne souhaitent pas se condamner à perdre séparément ».
Léon Deffontaines, président du Mouvement des Jeunes communistes, a confié à EURACTIV France son espoir de voir « les idées d’égalité, de partage, de solidarité redevenir majoritaires ». Fabien Roussel, candidat communiste, a plaidé dimanche soir pour un « un accord global » de la gauche en exigeant que l’on « [tienne] compte des ancrages locaux et des différentes sensibilités à gauche », pour éviter que la répartition profite uniquement à La France insoumise. Pour rappel, ce parti a largement dominé la gauche lors du premier tour de la présidentielle.
Pourtant, selon M. Diamantopoulos, même si « dans certaines circonscriptions [la gauche] pourrait faire élire certains députés » l’idée de « s’approcher de la majorité parlementaire c’est de la politique fiction ».
Quelle majorité pour Emmanuel Macron ?
Alors qu’il sera attaqué de toute part, l’enjeu, pour le camp présidentiel, est de s’assurer une majorité parlementaire en juin. Et il se montre confiant, par la voix de Gabriel Attal sur BFMTV-RMC lundi matin, porte-parole du gouvernement sortant et ténor de La République en Marche : « je suis convaincu que les Français donneront au président de la République les moyens d’agir pour les protéger, avec une majorité [à l’Assemblée nationale] ».
Mais, pour y parvenir, n’ayant pas de marge de manœuvre faute d’alliances partisanes au-delà de la majorité existante, les soutiens d’Emmanuel Macron tâcheront de convaincre les électeurs d’autres sensibilités politiques ou, au mieux, de conclure des accords circonstanciels dans les territoires où cela est possible.
Dans la lignée de la volonté affichée par le président nouvellement réélu, Thanassis Diamantopoulos juge possible la constitution d’une « majorité présidentielle qui commencerait aux anciens gaullistes et qui arriverait jusqu’à la charnière de la gauche, y compris même peut-être une partie du parti socialiste et bien sûr les écologistes ».
Emmanuel Macron doit, selon M. Diamantopoulos, « faire un clin d’œil à l’égard des écologistes » dès le lendemain de l’élection. Sa promesse de nommer un Premier ministre « chargé de la planification écologique » irait en ce sens.
La question est de savoir quand cette nomination interviendra… Thanassis Diamantopoulos avertit : « je ne suis pas certain que le Premier ministre soit la même personne » avant et après les élections législatives.
Les résultats des élections législatives feront alors pencher le futur gouvernement vers la droite ou vers la gauche, en fonction du nombre d’élus par groupe parlementaire – et des choix d’alliance d’Emmanuel Macron. Pour rappel, en 2017 il avait choisi Edouard Philippe, de centre droit, même s’il n’y était pas contraint, ayant acquis une majorité solide à l’Assemblée, ainsi que plusieurs autres ministres de droite.
Mais en analysant les scrutins des présidentielles et des législatives, M. Diamantopoulos rappelle qu’il faut toujours garder en tête la perspective historique dans laquelle s’inscrit la France, car « depuis plus de deux siècles, la France a toujours été dans une opposition radicale ». Voilà qui donne le ton des semaines et des années à venir.
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