Après la guerre, la porte des étoiles.

Après la guerre, la porte des étoiles.

Le 23 mars 1983, Ronald Reagan avait annoncé un programme technologique baptisé « Initiative de défense stratégique (IDS) » ou « guerre des Étoiles ». Ce dernier avait pour objectif de protéger les États-Unis des armes nucléaires adverses par un « bouclier spatial » détectant et détruisant les missiles balistiques ennemis dès leur lancement. Le 21 janvier 2025, Donald Trump, converti aux nouvelles technologies par Elon Musk, a lancé un plan investissement de plus de 500 milliards de dollars dans les infrastructures américaines d’intelligence artificielle (IA), baptisé « Stargate ». Ce dernier constitue l’une des priorités de son second mandat. Avec pour objectif de renforcer le rôle des États-Unis dans les technologies de pointe. La présentation, par la startup chinoise DeepSeek, d’un robot conversationnel capable de concurrencer ChatGPT d’OpenAI à moindre coût a prouvé qu’aucune position n’est définitivement acquise.

La bataille de l’IA ne fait que commencer

La nouvelle administration américaine est convaincue que la bataille de l’IA ne fait que commencer. La nomination de Jacob Helberg comme sous-secrétaire à la croissance économique, ancien conseiller de Palantir, une entreprise américaine de logiciels, symbolise l’orientation antichinoise de Donald Trump. Pour le nouveau sous-secrétaire, il est impératif que les États-Unis remportent la course aux armements de l’intelligence artificielle face à la Chine. Sur ce sujet, Donald Trump est pris entre deux feux. Il peut soit poursuivre l’approche de l’administration Biden, qui a multiplié les restrictions à l’exportation de matériels sensibles pour préserver l’avance américaine en matière d’IA, soit favoriser la liberté des entreprises technologiques américaines afin qu’elles puissent, grâce à leurs recettes d’exportation, continuer à innover.

Dans la Silicon Valley, les partisans d’une limitation des échanges avec la Chine estiment que les entreprises de ce pays ne respectent pas les droits de propriété intellectuelle américains, ce qui leur permet de progresser rapidement dans le développement de modèles linguistiques de grande taille (LLM). Ils soutiennent que les entreprises technologiques chinoises ont contourné les contrôles à l’exportation des semi-conducteurs américains. Soit en achetant des unités de traitement graphique (GPU) sur le marché noir, soit en louant des capacités sur les serveurs cloud d’autres pays. De plus, la Chine serait en avance sur les États-Unis dans l’intégration de l’IA à la technologie militaire. Ce qui justifie, selon eux, un renforcement des restrictions pour des raisons de sécurité nationale.

Limiter l’accès de la Chine à la technologie américaine

Donald Trump devra prochainement se prononcer sur le « cadre pour la diffusion de l’intelligence artificielle » mis en place par l’administration Biden, publié pour consultation, quelques jours avant le départ de ce dernier. Ce cadre impose des conditions strictes en matière de licences pour l’exportation de GPU avancés. Ainsi que pour l’accès aux données sous-tendant les LLM de pointe. Son application compliquerait la construction de grands centres de données dans certains pays, y compris pour certains alliés des États-Unis au Moyen-Orient et en Asie. Ses défenseurs, y compris certains Républicains au Congrès, espèrent qu’il limitera l’accès de la Chine à la technologie américaine. Il enverra comme cela un signal clair aux autres nations. Celles qui souhaitent bénéficier de l’infrastructure américaine en IA devront éviter toute coopération avec Pékin.

@Freepik
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Nvidia, entreprise leader dans la fabrication de semi-conducteurs, qui vend des GPU en Chine, considère ce cadre comme « mal avisé », estimant qu’il est excessivement restrictif et nuira à l’innovation américaine. Certains experts ajoutent que priver les pays tiers d’un accès à l’IA américaine pourrait les inciter à se rapprocher de la Chine. Les entreprises technologiques réclament avant tout une déréglementation pour améliorer leur rentabilité et investir davantage dans l’innovation. Dans cette optique, Donald Trump a annulé le décret exécutif de Joe Biden de 2023. Décret qui obligeait les créateurs de LLM avancés à partager des informations avec le gouvernement américain.

Priver les pays tiers d’un accès à l’IA américaine pourrait les inciter à se rapprocher de la Chine

Les observateurs du secteur technologique à Washington s’attendent à ce que la nouvelle administration adopte une approche « sectorielle ». Plutôt que d’instaurer une réglementation générale sur l’IA, les agences fédérales superviseraient son usage dans leurs domaines respectifs. Les dépenses militaires pourraient également favoriser l’innovation dans l’IA. Actuellement, les États-Unis n’allouent qu’une infime partie de leur budget de défense de 850 milliards de dollars au développement de l’IA. Les dirigeants de la Silicon Valley espèrent que l’administration Trump fera appel aux startups pour concevoir des armes et des systèmes d’IA dédiés à la défense.

Par ailleurs, Mohammed ben Salman (« MBS »), le prince héritier d’Arabie saoudite, a promis à Donald Trump d’injecter au moins 600 milliards de dollars sur quatre ans dans l’économie américaine. Le tout sous forme d’investissements ou d’achats réalisés par le fonds souverain saoudien. Ce montant représente plus de la moitié du PIB saoudien et près des deux tiers des réserves du fonds, alimenté par les recettes pétrolières du pays. Ce fonds entretient des liens de longue date avec Donald Trump. Il avait notamment investi près de deux milliards de dollars dans la société de Jared Kushner, son gendre.

De jour en jour, l’intelligence artificielle devient l’enjeu majeur d’une bataille géopolitique avec la Chine. Le projet « Stargate » s’inscrit dans la volonté de Donald Trump de maintenir la domination américaine dans ce secteur stratégique. Cependant, l’administration devra arbitrer entre sécurité nationale et liberté économique. Mais aussi entre restriction des échanges avec la Chine et nécessité pour les entreprises technologiques américaines d’accéder aux marchés mondiaux.

Une question demeure : ces investissements permettront-ils aux États-Unis de conserver leur avance ? Ou favoriseront-ils la fragmentation du développement technologique mondial, avec une accélération de la concurrence chinoise ? Pour conserver la place de n°1 de la haute technologie, Donald Trump entend mobiliser ses alliés ou les contraindre à le suivre dans sa lutte contre la Chine.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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