Près de 60 ans après la signature historique du traité franco-allemand, la France s’apprête à sceller un pacte d’amitié et de coopération avec l’Italie, autre pays fondateur de l’Europe, à la faveur du réchauffement intervenu après un long hiver diplomatique.
Emmanuel Macron se rend, aujourd’hui, jeudi 25 novembre à Rome pour parapher un « traité de coopération renforcée franco-italien » avec le chef du gouvernement Mario Draghi.
Paris et Rome souhaitaient conclure avant le départ en janvier du président italien Sergio Mattarella, qui arrive au bout de son septennat, et avant la déclaration de candidature du chef de l’Etat français à sa réélection.
Selon l’Elysée, ce traité « favorisera la convergence des positions françaises et italiennes, ainsi que la coordination des deux pays en matière de politique européenne et étrangère, de sécurité et de défense, de politique migratoire, d’économie, d’enseignement, de recherche, de culture et de coopération transfrontalière ».
Par ailleurs, le geste aura « une valeur symbolique importante » dans un contexte instable en Europe, après le Brexit et la transition politique en Allemagne, note une source gouvernementale italienne.
« Il y a une véritable entente entre Mario Draghi et Emmanuel Macron. Il faut profiter de cette fenêtre d’opportunité pour structurer la relation », analyse pour l’AFP Sandro Gozi, un des promoteurs de ce traité, secrétaire d’Etat italien aux Affaires européennes entre 2014 et 2018.
Baptisé du nom du palais de la Présidence de la République italienne à Rome, ancienne résidence des papes et des rois d’Italie, ce « traité du Quirinal » avait été annoncé en 2017 pour donner « un cadre plus stable et ambitieux » à la coopération franco-italienne.
Sa signature intervient sur fond de turbulences en Europe, avec le Brexit consommé, la passation de pouvoir entre Angela Merkel et Olaf Scholtz et les tensions entre Bruxelles et certaines capitales d’Europe de l’Est sur le respect des valeurs fondamentales de l’UE.
Dissiper les malentendus
Concrètement, le traité, dont on ne connaît pas encore le contenu précis, instaure ou intensifie entre les deux puissances latines et méditerranéennes des coopérations renforcées dans des domaines aussi divers que la recherche, la production, l’enseignement des langues, la défense et le numérique. Il prévoit surtout de se parler pour éviter les malentendus.
« Il faut qu’Italiens et Français fassent l’effort de mieux se connaître et se comprendre. On reste souvent à des images superficielles, pas des préjugés mais des perceptions parfois positives et parfois négatives. On a besoin d’un mécanisme de dialogue régulier », analyse Sandro Gozi.
Car en Italie, 3ème économie de la zone euro derrière l’Allemagne et la France, certains craignent ce voisin parfois perçu comme trop gourmand dans les projets de fusion ou de rapprochement industriels.
La fusion du groupe PSA et de Fiat Chrysler – devenus Stellantis – est un modèle de réussite, mais l’échec de la prise de contrôle des chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire par le groupe italien Fincantieri fait dire aux Italiens que si les Français ont de l’appétit pour les entreprises italiennes, ils ont parfois du mal à accepter la réciprocité.
Le traité « est une auto-annexion à la France, industrielle et stratégique », dénonce ainsi l’économiste Carlo Pelanda dans les colonnes du magazine Starmag.
D’autres sujets avaient crispé les relations transalpines ces dernières années, notamment après la formation en 2018 d’un gouvernement populiste conduit par le Mouvement 5 étoiles avec la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini.
La crise avait culminé début 2019 quand le vice-président du Conseil italien, Luigi Di Maio, avait rencontré en France un meneur des « gilets jaunes ». Peu avant, Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur, avait appelé à la démission du président français.
Pour protester, Paris avait rappelé temporairement son ambassadeur en Italie, Christian Masset, la plus grave crise diplomatique entre les deux voisins depuis 1945.
L’Italie était également irritée de devoir gérer seule le débarquement de migrants venus des côtes africaines, et reprochait à Paris de protéger les anciens « Brigadistes rouges » réfugiés en France. Sur ce dernier point, M. Macron a mis fin à la doctrine Mitterrand en ordonnant leur arrestation en avril dernier.
Désormais « nous sommes en pleine lune de miel entre Paris et Rome », analyse l’historien Marc Lazar, professeur à Sciences Po. « Il y a beaucoup de points de convergence à un moment où l’Allemagne est entre deux eaux », relève-t-il.
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