L’avènement de la classe moyenne comme moteur de l’économie a longtemps été un symbole de la toute puissance américaine. La possibilité pour les ouvriers de Ford d’acheter leur propre voiture et le développement de la consommation de masse ont constitué les marques de fabrique des États-Unis après la Première Guerre mondiale. La réussite de ce modèle, le fameux “American way of life”, exporté à travers l’ensemble de la planète est aujourd’hui remise en cause avec la montée des inégalités.
Que ce soit en matière de revenus, de patrimoine, d’espérance de vie, d’éducation, les écarts entre les Américains n’en finissent pas de s’accroître. À cette segmentation économique et sociale s’ajoutent des divisions politiques et religieuses. Si dans le passé, les questions raciales minaient la société américaine, dorénavant il faut ajouter celles liées à la religion, au sexe et à la politique. La tentative de prise de pouvoir par la force des partisans de Donald Trump traduit une évolution inquiétante de la société américaine qui jusqu’à alors avait réussi à échapper à la tentation des extrêmes, exception faite du maccarthisme après la Seconde Guerre mondiale.
Inégalités de revenus et d’espérance de vie
Les inégalités de revenus après redistribution ont augmenté de 1995 à 2020. L’indice de Gini qui les mesure est passé de 0,36 à 0,40 quand, en France, il est resté stable autour de 0,29. Certes, depuis la crise sanitaire, aux États-Unis, l’indice de Gini recule avec la mise en œuvre de plusieurs plans de soutien à la population (revenu à 0,38 en 2022) mais le taux de pauvreté aux États-Unis demeure élevé, autour de 23 %. En France, ce taux se situe autour de 14 %. Les 10 % d’Américains les mieux dotés possédaient, en 2022, 63 % du patrimoine national, contre 55 % en 1995. Cette augmentation est imputable à la hausse des prix de l’immobilier et du cours des actions.
L’espérance de vie à la naissance entre les 10 % des hommes aux revenus les plus modestes et les 10 % ayant les revenus les plus élevés enregistre un écart de 15 ans. Pour les femmes, cet écart est de 10 ans. L’espérance de vie a baissé de 2019 à 2022 de trois ans aux États-Unis. Cette baisse étant concentrée parmi les populations les plus modestes. Celles-ci ont été durement touchées par l’épidémie de covid et doivent faire face à un taux de prévalence à l’obésité élevé. Le nombre de morts violentes en lien avec la drogue et la criminalité frappe durement certaines communautés (noires, hispaniques en particulier).
Censée réduire les inégalités, l’éducation les accroît. L’accès aux formations les plus qualifiantes est de plus en plus sélective et exige des moyens financiers importants. Depuis une dizaine d’années, la proportion d’Américains diplômés de l’enseignement supérieur tend à stagner. Les jeunes à faibles revenus peinent à accéder aux formations les plus qualifiantes.
Le système public de protection sociale est de faible taille aux États-Unis. 19 % du PIB contre 22 % pour la zone euro. Le prix élevé des dépenses de santé scinde le pays en deux, entre les Américains qui sont couverts par des complémentaires payées par leurs entreprises et les autres.
Radicalisations politiques et questions de société
La vie politique américaine est de plus en plus segmentée. Les sympathies politiques sont de plus en plus conditionnées à l’appartenance à telle ou telle communauté. Si le protestant évangéliste est républicain, le protestant afro-américain est démocrate. La présidence de Donald Trump entre 2016 et 2020 a amplifié la segmentation du corps électoral. Les électeurs du parti républicain sont nombreux chez les employés et chez les citoyens les plus aisés. Les électeurs les plus modestes et ceux occupant des fonctions intellectuelles votent démocrate. Les clivages dans les années 1970 et 1980 étaient moins nets.
Les questions de société autour du wokisme, du racialisme donnent lieu à des tensions croissantes sur fond d’une moindre mobilité sociale. La possibilité pour les Américains pauvres de réussir et de devenir milliardaire faisaient partie intégrante de l’American way of life. Or l’ascenseur social tend à se ralentir. Seuls 8 % des enfants dont le père avait des revenus parmi les 20 % les plus faibles ont réussi à atteindre le 5e quintile de revenus. En revanche, 40 % des enfants dont le père se situait dans le 5e décile ont conservé ce niveau de revenus.
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