Depuis la rentrée 2024, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) continue de rayonner au plan éducatif. Son réseau de plus de 600 établissements constitue une vitrine reconnue pour l’enseignement de notre langue et de nos valeurs dans le monde. Mais des secousses budgétaires ont terni son développement au point de faire douter de la validité de son modèle de gouvernance. Si le réseau homologue toujours plus d’établissements, cette nouvelle année d’expansion a été placée sous haute tension.
Entre rayonnement du réseau, digitalisation des bourses, et crise ouverte sur les pensions, retour sur douze mois d’AEFE qui annoncent une réforme de fond.
Une vitrine mondiale et un réseau d’excellence qui communique
La semaine des lycées français dans le monde a montré la vitalité des établissements aux quatre coins de la planète. Que ce soit à travers le Label France Éducation ou les projets FLAM (Français Langue Maternelle), le réseau possède plusieurs entrées et ne se limite pas au seul enseignement sur programme français. L’AEFE assume donc une dimension d’enseignement francophone très nette pour accentuer son rayonnement général comme sa politique de coopération éducative avec des États partenaires.
Le « Grand Direct » de l’AEFE est une autre action emblématique d’un réseau qui mise sur la profonde implication des élèves et enseignants dans des projets éducatifs. Ici un direct mondial a été assuré depuis Dakar en impliquant 45 autres établissements et élèves devenus reporters d’un jour.
L’Orchestre des lycées français dans le monde (OLFM) qui faisait escale au printemps à Lisbonne est le moment fort de l’agenda culturel du réseau. Cette année plus de 250 élèves, choristes et musiciens, ont offert des concerts de haut niveau dans la capitale portugaise.
98% au baccalauréat
Trois événements médiatiques qui rappellent la cohésion du réseau et sa capacité à fédérer autour d’actions mobilisatrices pour les élèves et la communauté éducative.
Avec un taux de réussite au baccalauréat de 98,3 % pour plus de 22000 candidats et 47 % de mentions « Très bien », la directrice générale de l’AEFE, Mme Claudia Scherer-Effosse, a pu légitimement saluer des résultats qui traduisent « l’engagement des élèves, la qualité du travail des équipes pédagogiques et la solidité de notre modèle éducatif ». Des résultats encore renforcés par des propositions d’admission sur Parcoursup de l’ordre de 93 %.
« Résultat du bac : La solidité de notre modèle éducatif »
Claudia Scherer-Effosse, Directrice générale de l’AEFE
Bourses scolaires : modernisation et numérisation mais baisse du budget
Un tournant important a été franchi en décembre avec la digitalisation des dossiers de bourses via SCOLAIDE. La procédure de demande de bourse est souvent critiquée par les familles pour sa lourdeur. L’AEFE a souhaité se moderniser tout en conservant la procédure de dépôt de dossier papier auprès des consulats. Pour garder le lien humain avec les familles.
Si l’outil promet de simplifier la procédure, il n’a pas éteint les inquiétudes, comme en témoigne la baisse de deux millions d’euros du budget des bourses et un nombre de familles demandeuses en baisse. Ce point est analysé comme une « auto-censure » des parents par des représentants des personnels toujours attentifs à ces aides qui permettent le maintien de la mixité sociale.
Gouvernance problématique et tensions sociales à l’AEFE
Le printemps 2025 a été traversé par des signaux d’alerte sociale allant crescendo. Les représentants des personnels et leurs trois syndicats présents à l’agence (FSU, UNSA, CFDT) ont dû donner de la voix.
Au-delà de l’inquiétude classique liée à une montée de la précarité et une dégradation des conditions de travail, les crispations sont allées croissantes entre l’administration et les représentants des personnels. Au cœur du litige, l’attitude générale de la direction, vue comme trop distante et verticale, et une trajectoire budgétaire vue comme dangereuse. Alors député, Stéphane Vojetta rappelait ainsi dans nos colonnes que le poids des cotisations retraite supporté par l’AEFE n’est qu’imparfaitement compensé par l’État. Le déficit de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger se creuse donc mécaniquement de 70 millions d’euros par an et pèse logiquement sur l’augmentation des frais de scolarité.
Été 2025 : la bombe des pensions
La crise a éclaté fin juin : Fait sans précédent, le Conseil d’administration du 25 juin a été annulé à la dernière minute face à la perspective d’un transfert de charges de pensions vers les seuls établissements conventionnés. Une décision jugée explosive, menaçant directement l’équilibre financier des lycées français à l’étranger.
Mi-juillet, notre rédaction Lesfrancais.press titrait « sur le CA du 17 juillet, le calme avant la tempête » où la question des pensions semblait avoir été mise de côté sans solution durable. Trois jours plus tard, coup de théâtre, nous révélions l’annonce d’une réforme de fond à l’automne.
Les enjeux de la réforme de l’AEFE
De septembre 2024 à l’été 2025, Lesfrancais.press a suivi pas à pas une AEFE tiraillée entre rayonnement et résilience budgétaire. L’automne dira si la réforme promise permet de sortir de la spirale de crise et de redonner confiance aux familles, personnels et partenaires.
La question du financement pérenne des pensions et du modèle économique de l’AEFE demeure à ce stade entier. Une nouvelle hausse des frais de scolarité fournirait, certes, des ressources financières conséquentes. Et il est difficile d’imaginer que les familles ne soient pas sollicitées. Leur mise sous pression financière n’est certes pas nouvelle et les hausses sont continu depuis 10 ans ou presque.
Mais le prix de la scolarisation dans ce réseau d’excellence demeure inférieur aux tarifs pratiqués dans les réseaux américains ou britanniques. La direction générale de la mondialisation qui pilote l’exercice de réforme ne semble pas vouloir se contenter d’ajustements tarifaires mais toucher à la gouvernance du réseau. Les trois catégories d’établissements (Établissements à gestion directe, conventionnés et partenaires) survivront-elles à l’exercice de mise à jour ?
Un conseil d’administration décisionnaire est en tout cas annoncé pour la mi-octobre. Les personnels, eux, peuvent revendiquer des résultats d’excellence en matière éducative. Une réforme qui ne serait pas concertée ne pourrait que renforcer un sentiment d’incompréhension voire d’injustice parmi les enseignants et non enseignants. « L’entreprise » AEFE semble plus que jamais rayonnante. La crise budgétaire actuelle doit donc accoucher d’une solution à la mesure de l’enjeu de ce réseau si cher à notre diplomatie d’influence et aux familles françaises et étrangères qui y scolarisent leurs enfants.
Pas de droit à l’erreur
Une chose est sure : Après plusieurs mois de tension, il n’y aura pas de droit à l’erreur. Familles et personnels comme politiques pourraient faire l’union sacrée en cas de réforme mal calibrée et pensée dans les seules coulisses de la rue de la convention (siège de la Direction générale de la mondialisation à Paris).
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HC est un spécialiste des questions internationales, cet ancien diplomate a vécu et travaillé plus de 20 ans à l'étranger
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