L’AEFE joue sa survie le 20 octobre

L’AEFE joue sa survie le 20 octobre

Ils ont tous la date du lundi 20 octobre en point de mire. Les organisations syndicales de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) sont convoquées au ministère des Affaires étrangères à un groupe de travail à haut risque sur la réforme du réseau. Moment attendu par tous, l’instant est redouté par les représentants du personnel qui craignent d’assister au premier acte de démantèlement du réseau de coopération éducative. L’AEFE joue sa survie le 20 octobre pour nombre de représentants des personnels qui y voient le premier coup de semonce avant des bouleversements majeurs du réseau.

Tous sont pourtant conscients du déficit structurel qui plombe les comptes de l’Agence à cause du poids galopant des pensions civiles. On évoquait plus de 70 millions d’euros au dernier conseil d’administration de l’agence. La réforme semble inéluctable et s’inscrit dans un paradoxe de gestion : le réseau de l’enseignement français à l’étranger continue son expansion et compte un nombre record d’établissements (615 pour 400 000 élèves) alors que se creuse un déficit devenu structurel.

AEFE : les diplomates à la manœuvre

C’est la directrice générale de la mondialisation, l’expérimentée Anne Grillo, qui a repris le dossier en main de la réforme depuis un conseil d’administration exceptionnel en juillet dernier. Les diplomates sont désormais à la manœuvre et les services de l’agence condamnés à jouer les utilités et les forces d’appoint. C’est ce raté qui explique le rôle en retrait de l’Agence : une mesure de transfert du poids des pensions vers les seuls établissements conventionnés du réseau avait été rétorquée au dernier moment par le ministre Laurent Saint-Martin. Une double impression d’impréparation et de précipitation avait prévalu. En prenant le leadership, la Direction générale de la mondialisation (DGM) affirme par là même son rôle politique et inscrit la réforme dans une optique plus large que la seule dimension budgétaire. Même si rien ne filtre du dossier aujourdhui, tous les acteurs sattendent à ce que la gouvernance du réseau, le statut demploi des personnels et les différentes ressources financières soient impactés. 

L’ex Ambassadrice de France au Liban aujourd’hui à la tête de la DGM peut d’ailleurs revendiquer des états de service impeccables qui ont conduit cette ancienne élève de l’ENA au Quai d’Orsay où elle compte 28 années d’expérience. La directrice générale a la particularité d’avoir servi tant en centrale que dans les différents réseaux de la diplomatie politique, culturelle ou éducative.

Anne Grillo
Anne Grillo, Directrice générale de la mondialisation

Des organisations syndicales mobilisées et déterminées à se faire entendre

L’organisation syndicale majoritaire au sein de l’AEFE, la FSU, n’y va pas par quatre chemins :« La question de la pension civile des personnels détachés est un problème explosif que nous soulevons depuis des années » indique Patrick Soldat son responsable.

« Il en va de la survie de l’enseignement français à l’étranger »

Patrick Soldat (FSU)

Le syndicat dispose de relais importants parmi les établissements et revendique des sections syndicales dans ceux dits « historiques » du réseau que sont les établissements à gestion directe (EGD), mais aussi dans la plupart des conventionnés. La FSU a déjà commencé à battre le rappel de ses troupes à l’occasion des dernières journées de mobilisation nationale. Ainsi le 2 octobre, sur nos antennes, Patrick Soldat déclarait :« On est tout à fait conscients des désagréments causés par une journée de grève (…) mais il en va de la survie de lAEFE, il en va de la survie de lenseignement français à l’étranger ».

Patrick Soldat
Patrick Soldat FSU

Un ton alarmiste et déterminé qui promet sans doute un futur bras de fer avec la DGM si les scénarios les moins favorables devaient advenir. La FSU avec trois sièges au conseil d’administration de l’Agence sera bien représentée à la réunion du 20 octobre puisque les invitations ont été faites selon le nombre de sièges au CA. 

« C’est une ère nouvelle pour les personnels,
celle des menaces tous azimuts »

Djamel Souiah (UNSA)

L’UNSA quant à elle hausse le ton depuis plusieurs mois. Son dernier communiqué à l’issue du comité social d’administration du 9 octobre titrait sur « lAEFE en danger » et évoquait « trois coups de tonnerre » pour une gestion de l’agence « qui rentre dans une ère nouvelle pour les personnels, celle des menaces tous azimuts et de dangers hybrides faits de pressions professionnelles individuelles et de fragilisation des établissements ». Le secrétaire général du SE-UNSA hors de France, Djamel Souiah est catégorique :

 « Le changement de doctrine est déjà en cours et n’a pas attendu la réforme : lagence ferme pour la première fois des postes pour des enseignants qui seront forcés au départ ». Jusque-là c’était les enseignants partant à la retraite ou qui libéraient leur poste suite à un départ volontaire qui voyait leurs supports budgétaires rapatriés vers Paris.

Djamel Souiah
Djamel Souiah, secrétaire général du SE-UNSA

C’est donc le premier coup de tonnerre d’une gestion déjà en pleine mutation : L’UNSA évoque aussi l’alignement sur le droit local qui serait envisagé pour les contrats de fonctionnaire détachés » « L’AEFE est-elle en train de devenir le laboratoire du dumping social, du moins-disant salarial et du rabotage programmé des pensions ? ».

Le SNPDEN regrette la méthode retenue par la DGM

Le SNPDEN, syndicat majoritaire des personnels de direction en France et à l’étranger, comprend la nécessité de la réforme compte tenu du contexte financier en France et celui de l’AEFE en particulier.

Jean Dayet
Jean Dayet, secrétaire académique du SNPDEN

Ainsi Jean Dayet, secrétaire académique du SNPDEN, regrette la méthode : « alors que de nombreux élus sollicitent l’expertise du syndicat pour préparer cette réforme, la Directrice générale de la mondialisation qui la pilote n’a pas encore pris notre attache et organise une concertation avec les seuls élus au conseil d’administration ». Le responsable y participera à ce titre mais déplore le format proposé. 

« Les rémunérations doivent être attractives pour tous les personnels »

Frédéric Costes (CFDT)

La CFDT, première centrale syndicale de France et troisième syndicat représentatif à l’agence part sur une posture réaliste considérant que le financement est à revoir d’urgence « L’AEFE n’a pas été créée pour faire financer par les familles les retraites des fonctionnaires » indique Frédéric Costes, administrateur de l’AEFE pour la CFDT Education monde. Le syndicat rappelle avant toute chose l’attachement au modèle de gestion directe, point de consensus entre les trois syndicats de l’agence.

Frédéric Costes (CFDT)
Frédéric Costes (CFDT)

La CFDT trace également des lignes rouges, comme le glissement des contrats de droit français vers le droit privé pour les personnels détachés de l’agence ou la préservation absolue des droits syndicaux.  Autre point dur : « Les prestations familiales doivent être unifiées et améliorées pour tous, quel que soit le statut, avec un budget abondé pour mettre fin aux inégalités de traitement ».

 Dans ce paquet social défini par le syndicat « les rémunérations doivent être attractives pour tous les personnels, sans distinction de mission ou de statut ».« Dès le 20 au soir,  nous nous remettrons à l’œuvre pour agir avec vous pour un avenir juste et digne pour tous les personnels de l’Agence. »

Serrer les rangs pour éviter un passage en force ?

Des déclarations des syndicats représentatifs de l’AEFE ressort l’impression qu’une réforme majeure se prépare dans un climat d’inquiétudes très larges et partagées. Les syndicats ont d’ailleurs choisi de demeurer, au niveau de l’agence et du réseau, dans le format d’intersyndicale pratiqué au niveau national et de serrer les rangs. Si chacun reste dans sa sensibilité propre et des expressions publiques séparées, la distinction entre organisations réformistes et contestataires s’efface devant l’importance de l’enjeu et la nécessité de défendre l’opérateur public et ses établissements à un moment où le statu quo n’est plus à l’ordre du jour.

La méthode de communication suivie par la DGM, avec une concertation pour l’heure réduite à la réunion du 20 octobre suscite des doutes.

Les élus, sénateurs et députés, consultent de leur côté et le nouveau gouvernement vient tout juste de se mettre en place avec la reconduction du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. La nouvelle ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, Éléonore Caroit, aura fort à faire pour avoir de l’influence sur une réforme dont les grandes lignes ont été pensées sans elle.

Un passage en force des diplomates se prépare-t-il dans un contexte de fragilité politique extrême ? Ou au contraire une réforme échelonnée sur plusieurs exercices budgétaires sera-t-elle rendue nécessaire par ce qui ressemble de plus en plus à une crise politique durable ? Une chose est sûre : le 20 octobre c’est l’avenir de la coopération éducative française et de ses personnels qui sera en jeu.

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