Le report inattendu du Conseil d’administration (CA) de juin a provoqué une onde de choc au sein de l’AEFE. En cause : une mesure budgétaire visant à faire porter aux seuls établissements conventionnés la charge des pensions civiles des personnels détachés. Ce transfert de charges aurait menacé l’équilibre financier de nombreux établissements et accentué la pression sur les familles.
La nouvelle convocation du CA le 17 juillet représentait donc un enjeu politique fort pour l’avenir de l’agence. L’ordre du jour finalement modifié évacue pour l’heure la mesure litigieuse. Mais personne ne peut ignorer le déficit de l’agence et de son réseau. Le rendez-vous du 17 juillet ressemble pour les administrateurs de l’agence au calme avant la tempête. La rentrée ne pourra faire l’économie d’une vaste réflexion sur le financement de ce réseau.
Fébrilité et tractations : que s’est-il passé en coulisse depuis Juin ?
Lors du la convocation du nouveau CA envoyée aux administrateurs le 3 juillet l’ordre du jour contenait encore la mesure litigieuse portant sur les pensions. Mais ce qui aurait ressemblé à un passage en force n’aura finalement pas lieu : un erratum de dernière minute a retiré le point controversé. La fébrilité croissante dans les coulisses de l’agence et du ministère des affaires étrangères est donc palpable. Il faut dire que le début d’été a été agité : Les syndicats ont joué un rôle d’alerte et d’influence. Les familles et en particulier la FAPEE se sont également fortement émues du cataclysme annoncé dans les établissements conventionnés. Les relais politiques ont été activés. La sénatrice Samantha Cazebonne, ancienne chef d’établissement du réseau et en première ligne sur le sujet s’est largement exprimée sur les réseaux sociaux comme sur notre média.
Samantha Cazebonne : “L’AEFE est face à un “danger réel et sérieux”
Samantha Cazebonne s’interroge : « Pourquoi ce modèle est-il à ce point en danger ? Comment en est-on arrivé là ? Mais aussi et surtout quelles solutions concrètes peuvent encore être envisagées pour le sauver d’une spirale dans laquelle l’agence est entrée en 2008 ? ». La sénatrice propose une étude fouillée avec des chiffres clés un webinaire le vendredi 29 août pour débattre de ces enjeux et co-construire un “modèle plus juste, durable et solidaire”
« L’AEFE en danger réel et sérieux ou pourquoi l’AEFE créée au 20e siècle doit adapter son budget et donc son modèle aux exigences du 21e ? L’opérateur public de l’enseignement français à l’étranger traverse une crise budgétaire qui pourrait déboucher sur une chaîne de conséquences brutales et irrémédiables pour nombre d'établissements. Un amendement brutal de 35 millions d’euros met l’AEFE dos au mur, plongeant dans l'incertitude, voire pire, des centaines de familles françaises ou non à travers le monde. »
Samantha Cazebonne, sénatrice des Français de l’étranger
Les échanges entre les cabinets ministériels et l’Élysée ont eu lieu. Sans en connaître tous les détails ils ont en tout cas débouché sur une inflexion dans la méthode : le politique sait la question de la scolarisation essentielle pour nos compatriotes de l’étranger et ne souhaite pas les prendre à rebrousse-poil : il ne sera pas difficile de faire plus de concertation sur un sujet qui jusque-là a été traité par la logique de la calculette sans réflexion stratégique.
La législative partielle pour la succession de Stéphane Vojetta sur la circonscription Espagne Portugal Monaco Andorre devrait constituer à cet égard un bon baromètre de tendance : les familles pourraient aller à l’urne avec le sujet AEFE en ligne de mire.
Des syndicats mobilisés fortement
Organisation syndicale numéro 1 de l’agence, la FSU a logiquement donné de la voix. Patrick Soldat comme l’UNSA.
« L’État employeur continue de se défausser de ses responsabilités sur les familles. Sur un sujet aussi impactant que celui des pensions, il faut une réflexion structurelle et concertée. Le passage en force n’est jamais une méthode. Les personnels doivent être associés et rassurés sur leur avenir ! Des centaines de postes de personnels résidents sont en jeu. L’emploi public a déjà été amputé dans le réseau de plusieurs centaines de personnes sous les deux quinquennats Macron. Le développement du réseau ne peut consister à privatiser plus, augmenter la facture des familles, tout en supprimant des postes de personnels formés et expérimentés. Cet été aura vu la déstabilisation des établissements conventionnés. La rentrée doit être un moment fort de mobilisation des personnels»
L’UNSA dans un communiqué
Un CA pour définir une méthode ?
La suppression du point sensible à l’ordre du jour du CA de juillet n’efface pas la question de fond. Celle du poids des pensions civiles qui augmentent mécaniquement à cause du glissement vieillesse technicité et de la hausse du taux de cotisation. Leur poids est aujourd’hui de 187 millions d’euros. Or l’État n’a compensé initialement que pour 120 millions d’euros cette charge importante. Ce sont donc ces pensions qui expliquent une très large partie du déficit actuel de l’agence.
Au rythme actuel du prélèvement sur réserves pour équilibrer son budget l’AEFE serait en cessation de paiement en 2030 environ. Le statu quo n’est donc pas une option.
Sur la méthode l’appel à plus de concertation semble faire consensus. La proposition d’échange de la sénatrice Cazebonne à la fin août constitue une ouverture, tout comme la prise de conscience progressive de la fragilité du modèle actuel. Il est urgent de réunir établissements, syndicats, familles, élus et ministère pour une stratégie commune.
Le CA un tournant méthodologique
Le CA du 17 juillet ne tranchera pas tout mais il marquera sûrement un premier tournant méthodologique. L’attachement collectif à ce réseau est fort et personne ne souhaite remettre son avenir à une décision de coulisse en catimini. La rentrée sera peut-être celle de l’unité entre les familles et les représentants du service public d’enseignement français à l’étranger. Ou nous assisterons peut-être à un sauve qui peut généraliser où chaque établissement tentera de sauver la mise par des négociations bilatérales avec l’agence.
Le calme ou la tempête ? L’avenir à l’AEFE reste à écrire.
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