Les 27 ont trouvé un compromis vendredi 16 juin pour satisfaire les intérêts français sur le nucléaire, sans qu’il soit nécessaire de rouvrir les négociations sur la directive renouvelable.
L’UE est parvenue vendredi à un accord définitif sur 42,5 % de renouvelable dans la consommation finale d’énergie d’ici à 2030 à travers la révision de la directive sur les énergies renouvelables (RED).
La France, soutenue par d’autres États membres favorables au nucléaire, avait bloqué mi-mai la validation de l’accord politique sur RED avec le Parlement européen. Le motif ? Les modalités de mise en œuvre des objectifs de production d’hydrogène renouvelable contenus dans la directive étaient insatisfaisantes.
Le risque, selon Paris, était que ces objectifs mettent en péril la production d’hydrogène bas-carbone d’origine nucléaire – une ligne rouge pour la France.
Depuis vendredi (16 juin), le risque est écarté. Les 27 États membres ont en effet validé la directive lors d’une réunion des ambassadeurs des États membres (COREPER). L’accord trouvé « acte la reconnaissance du nucléaire dans l’atteinte de nos objectifs de décarbonation », a précisé samedi (17 juin) la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, dans des commentaires envoyés à la presse, ce qui « correspond aux attentes de la France ».
La Commission européenne fait une concession
Pour obtenir un accord après des semaines de blocage, la Commission européenne a dû mettre de l’eau dans son vin.
À ce titre, l’exécutif européen a fait circuler durant la réunion une déclaration dans laquelle il est écrit que « la Commission reconnaît que d’autres sources d’énergie sans fossile que les énergies renouvelables contribuent à atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 ».
À demi-mot, et sans le citer, la Commission reconnaît donc le rôle du nucléaire dans l’atteinte des objectifs de décarbonation européens, ce que la France réclamait, a confirmé Mme Pannier-Runacher.
Tout du moins, le nucléaire est reconnu comme utile à la décarbonation de l’hydrogène, dont les objectifs de production sont très ambitieux.
« C’est historique », se réjouit le cabinet de la ministre.
L’eurodéputé français Christophe Grudler, fervent défenseur du nucléaire, attendait un peu plus de clarté de la part de la Commission européenne, confie-t-il à EURACTIV France. Mais « ma ligne a gagné, se réjouit-il toutefois, puisque je ne voulais pas de réouverture du texte ».
Production d’ammoniac
Autre sujet de blocage, la France a également obtenu des garanties concernant les usines d’ammoniac qui s’engagent dans des investissements de décarbonation.
La France jugeait trop stricts les conditions en matière de production d’ammoniac, très difficile à décarboner par électrolyse et pourtant indispensable à la production d’engrais.
Elle demandait donc une dérogation.
« C’est essentiel pour ces usines qui jouent un rôle clé pour notre souveraineté alimentaire », a affirmé Mme Pannier-Runacher.
Dorénavant, la directive consacre, en son article 22a, que « certaines installations intégrées de production d’ammoniac existantes pourraient être confrontées à des défis spécifiques posés par le remplacement de l’hydrogène produit à partir du processus de reformage du méthane à la vapeur ».
En conséquence, et au cas par cas, certaines installations existantes échapperont à la nécessité impérieuse d’être décarbonées, « au moins jusqu’en 2030 ».
Pour obtenir ces concessions, l’alliance des pays favorables au nucléaire « a beaucoup pesé dans les négociations », affirme le cabinet de la ministre. Regroupant 15 États membres de l’UE ainsi que le Royaume-Uni, l’alliance dispose largement des forces nécessaires pour constituer une minorité de blocage au Conseil de l’UE regroupant les 27.
Une situation qui ne ravit pas tout le monde, puisque certains États membres se sont plaints du manque de transparence de la procédure, note un diplomate européen pour EURACTIV.
Un dernier passage de la directive renouvelable devant le Parlement européen est dorénavant nécessaire, avant que les États membres réunis en Conseil entérinent définitivement la directive.
De source diplomatique à Bruxelles, la déclaration de la Commission sera ajoutée au compte-rendu du Conseil.
Le texte « sera opposable à la Commission européenne dans toutes les prochaines discussions » sur le sujet, a conclu le cabinet de la ministre de l’Énergie.