Après la validation de l’examen de la proposition de loi abrogeant la réforme des retraites de la part du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel, la majorité dénonce une décision illégale, tandis que la gauche plaide pour écouter le pays.
La proposition de loi, notamment portée par le groupe d’indépendants de LIOT (21 députés), crée des remous depuis plusieurs jours entre les élus de la majorité présidentielle et ceux d’opposition. Le texte vise à abroger la réforme des retraites, promulguée le mois dernier par le président Emmanuel Macron, après des semaines de débats parlementaires houleux et de contestation sociale.
Mardi matin (30 mai), le président de la commission des finances à l’Assemblée nationale, Éric Coquerel (La France insoumise, LFI), a autorisé l’examen du texte, jugeant qu’il n’est pas inconstitutionnel. Cette décision n’allait pas de soi, dès lors que l’article 40 de la Constitution prévoit qu’une proposition de loi — qui émane des députés et non pas du gouvernement — ne peut créer une charge supplémentaire pour les finances publiques de l’État.
C’est notamment sur ce point que se concentrent les critiques de la majorité présidentielle, qui aurait volontiers évité un nouveau débat sur le sujet des retraites, car les groupes Renaissance, MoDem et Horizons ne forment qu’une majorité relative. Dès lors, l’existence d’une majorité absolue sur ce texte est loin d’être acquise.
C’est d’ailleurs pour cette raison que la Première ministre avait recouru à l’article 49.3 de la Constitution, permettant une adoption sans vote de l’Assemblée de la réforme des retraites — à condition que le gouvernement ne soit pas renversé par l’adoption d’une motion de censure de riposte.
Après la décision d’Éric Coquerel, les groupes formant la majorité ont donc diffusé un communiqué dénonçant « une atteinte grave à nos institutions ».
« L’irrecevabilité de la proposition de loi du groupe LIOT ne fait aucun doute », selon les présidents des trois groupes, le texte de LIOT conduisant « indéniablement » à une aggravation des dépenses publiques. Ces dernières s’élèveraient à environ 8 milliards d’euros d’ici 2027 selon la majorité et seraient « d’un montant maximal estimé à 11,5 milliards d’euros », selon Éric Coquerel.
Afin de combler les coûts engendrés par une telle abrogation, la proposition crée un gage sur l’imposition du tabac — pratique courante utilisée par les parlementaires. Le président de la commission des finances a donc jugé que cela était satisfaisant. Il a aussi défendu une « application souple » de la Constitution, en protection de « l’initiative parlementaire » et du « droit de l’opposition ».
Le rapporteur général de la commission des finances, Jean-René Cazeneuve, s’est inquiété d’une « décision infondée en droit, dans l’irrespect de notre constitution », dans une lettre envoyée au président Éric Coquerel.
Pour la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s’exprimant sur France 2 avant l’officialisation de la décision d’Éric Coquerel, « l’interprétation de l’article 40 [de la Constitution] n’a pas à être politique. Il s’agit d’appliquer la loi telle qu’elle est et non telle qu’on voudrait qu’elle soit ».
« Sortie de crise »
Dans un courrier adressé à Emmanuel Macron lundi, le président du groupe LIOT Bertrand Pancher, expliquait que l’objectif de la proposition de loi était « de présenter au pays une voie d’apaisement et de sortie de la crise ». Face aux rumeurs selon lesquelles les élus de la majorité pourraient empêcher le vote du texte — par des techniques d’obstruction parlementaire —, M. Pancher avertit que « de telles manœuvres seraient vues comme un nouveau déni de démocratie de nature à alimenter les extrêmes ».
Enfin, alors que la mobilisation sociale s’était tarie dans les dernières semaines, l’intersyndicale a appelé mardi à une nouvelle journée de grève, le 6 juin prochain, contre la réforme des retraites. Les syndicats soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites. Ils considèrent également qu’elle représenterait une « sortie de crise ».
Le vote doit avoir lieu le jeudi 8 juin à l’Assemblée nationale. Si le texte est adopté, il devra cependant être examiné par le Sénat qui, majoritairement de droite, pourrait le rejeter.
Coup de théâtre ce mercredi
Au lendemain de la décision d’Éric Coquerel (La France insoumise) de juger la proposition de loi recevable, au nom du « droit de l’opposition », la macronie est bien décidée à tout faire pour éviter que le débat sur les retraites ne revienne dans l’hémicycle.
Au grand dam de Mathilde Panot, qui a dénoncé une « dérive mafieuse ». Pourtant la macronie a remporté la première manche en parvenant à ne pas faire adopter l’article premier de ce texte qui revenait sur la retraite à 64 ans.
Les parlementaires Liot n’auront d’autre choix que de la réintroduire dans l’hémicycle lors des débats le 8 juin prochain. De quoi permettre à l’exécutif de pouvoir reprendre la main.
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