Donald Trump, le 47ᵉ président des États-Unis, avant même son entrée en fonction, a déjà fait parler de lui en proposant de reprendre le contrôle du canal de Panama, de fusionner le Canada avec les États-Unis et de racheter le Groenland. Ces déclarations à l’emporte-pièce permettent de détourner l’attention de ses engagements sur le pouvoir d’achat qu’il sait difficilement réalisables. Elles traduisent surtout sa volonté de s’imposer dans des rapports de force avec ses partenaires et de déplacer les lignes. Il entend agir de la sorte en premier lieu dans le domaine des échanges commerciaux avec la majoration des droits de douane.
Face aux craintes des effets déstabilisants de cette mesure pour l’économie mondiale, de nombreux observateurs espèrent que Donald Trump ne l’utilisera que comme levier pour négocier des concessions. Pourtant, si elle était appliquée, l’ampleur de cette taxation pourrait atteindre 640 milliards de dollars, une charge qui serait in fine supportée par les consommateurs américains.
L’Union européenne est la zone la plus exposée
Cette politique tarifaire effacerait d’un trait les avancées obtenues par la réduction des barrières commerciales depuis les années 1970. L’Union européenne est la zone la plus exposée à une hausse des droits de douane américains. Premier partenaire commercial des États-Unis, l’Union a dégagé avec ces derniers un excédent commercial de 200 milliards de dollars en 2023. Washington accuse depuis longtemps l’Europe de protectionnisme, notamment dans les secteurs de l’agriculture, des loisirs et de la finance.
Contrairement à la Chine, les exportations européennes sont plus facilement substituables par des produits américains. Une hausse de leurs prix pourrait entraîner une diminution de leurs parts de marché, d’autant que les producteurs européens, contraints par des marges réduites, ne peuvent ajuster leurs tarifs. Par ailleurs, les produits chinois, face aux barrières américaines, pourraient inonder le marché européen, créant une pression concurrentielle accrue.
Une guerre commerciale entraînant un ralentissement de la croissance ne produit que des perdants
Si l’Union optait pour des mesures de rétorsion, elle risquerait de renchérir les prix des produits importés, réduisant ainsi le pouvoir d’achat des ménages européens. Comme l’histoire l’a montré, une guerre commerciale entraînant un ralentissement de la croissance ne produit que des perdants.
L’hostilité de Donald Trump envers l’Union européenne s’inscrit-elle dans une stratégie plus large ? Les présidents américain et russe semblent partager un objectif commun : affaiblir et fragmenter l’Europe. Si personne n’imagine Trump souhaiter le retour des chars russes à Berlin, il a pourtant laissé entendre qu’il envisagerait de retirer les États-Unis de l’OTAN si les Européens n’augmentaient pas leurs efforts militaires à hauteur de 5 % de leur PIB, laissant ainsi le champ libre à la Russie.
Une Union européenne affaiblie et éclatée s’inscrirait dans une vision du monde dominée par trois grands blocs : les États-Unis, la Russie et la Chine. Toutefois, ce scénario pourrait également réduire la sphère d’influence américaine. Alliées sur plusieurs fronts, la Russie et la Chine bénéficient du soutien de certains pays du Sud. Un repli américain pousserait des pays comme le Japon ou la Corée du Sud à réévaluer leurs alliances.
Une fragmentation pourrait entraîner des réalignements stratégiques
En Europe, une fragmentation pourrait entraîner des réalignements stratégiques. La Pologne, les pays baltes et certains États d’Europe du Nord pourraient se rapprocher des États-Unis, y compris à travers des accords bilatéraux, mettant à mal l’unité douanière européenne. À l’inverse, des pays comme la Hongrie, la Bulgarie et la Slovaquie pourraient basculer dans l’orbite russe. Une telle désintégration affaiblirait l’Allemagne, privée de son hinterland économique, et fragiliserait encore davantage des pays comme la France, fortement dépendants de l’euro pour financer leurs déficits.
Une remise en cause de la monnaie unique entraînerait un big bang financier, renforçant certes le rôle du dollar, mais au prix d’une appréciation dont Donald Trump lui-même ne saurait tirer profit.
Donald Trump rêve-t-il d’un impérialisme isolationniste visant à démanteler l’Union européenne ? Nul ne le sait avec certitude. Ses déclarations et ses projets rappellent aux États membres de l’Union européenne la nécessité urgente de refonder leur projet politique et militaire. Face à la montée des nationalismes et des rapports de force unilatéraux, la survie de l’Europe repose sur une intégration renforcée et une capacité accrue à agir de manière autonome sur les scènes internationale et économique. Si elle veut exister, l’Europe doit retrouver la voie d’une ambition partagée, en dépit des divisions et des défis.
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