A la découverte des coulisses syndicales de l’AEFE

A la découverte des coulisses syndicales de l’AEFE

Le syndicat des enseignants de l’UNSA (SE-UNSA) a tenu son congrès du 18 au 20 mars à Lille. Celui-ci occupe la deuxième position en termes de représentativité à l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger (AEFE). L’Agence, qui est sous tutelle du ministère des Affaires étrangères, accueille des milliers de personnels détachés de l’éducation nationale sur des contrats de 5 ans (pour les personnels de direction et les administratifs) ou de 6 ou 9 ans (pour les enseignants). Les syndicats de l’éducation nationale y sont donc présents. Ils sont trois principaux à être représentés dans ce secteur du « hors de France ». La FSU, la CFDT et l’UNSA. Nous avons souhaité rencontrer leurs principaux responsables pour mieux comprendre leur structuration à l’étranger et pour identifier leur positionnement à l’intérieur des grandes centrales syndicales. Défendre les personnels à l’étranger n’est pas une activité banale quand c’est à l’échelle du globe qu’il faut agir. Cet article Lesfrancais.press vous invite à découvrir les coulisses syndicales de l’AEFE et des secteurs hors de France.

A L’AEFE, une action syndicale hors norme

Secteur hors norme, l’action syndicale à l’AEFE couvre l’ensemble du globe et s’exerce autour de plus de 10 000 personnels aux statuts plus diversifiés qu’en France. À côté d’environ 5000 fonctionnaires on trouve le même contingent de personnels de droit local, eux-mêmes soumis à des règles d’embauche et de travail très hétérogènes.

« L’action syndicale à l’étranger doit donc s’adapter à des situations professionnelles plus diversifiées que dans l’hexagone »

L’action syndicale à l’étranger doit donc s’adapter à des situations professionnelles plus diversifiées que dans l’hexagone dans un environnement en grande mutation ; chaque année, de nouveaux établissements partenaires apparaissent, et le réseau compte désormais plus de 600 établissements scolaires. Leurs statuts et leurs gouvernances diffèrent et si les syndicats français agissent naturellement dans les établissements à gestion directe (EGD) ou dans les conventionnés, ils ne sont habituellement pas présents dans les établissements partenaires, totalement privatisés et n’obéissant pas aux mêmes règles de représentation des personnels.

Logos des syndicats cfdt unsa fsu
Logos des syndicats CFDT, UNSA, FSU

C’est aussi un terrain syndical mouvant : les crises internationales qui se succèdent aboutissent régulièrement à des fermetures d’établissement par exemple en Afrique Subsaharienne ou à la mise sous pression d’établissements comme en Turquie ou à Téhéran où la scolarisation est désormais limitée aux élèves français suite au choix des autorités politiques locales.

Un point commun aux trois syndicats : la défense de l’opérateur public et la défense de tous

Les trois syndicats ont pour point commun de défendre l’opérateur public AEFE contre toutes les tentatives de privatisation. Ils s’attachent aussi à la défense de l’ensemble des personnels quand ils sont confrontés à la souffrance au travail ou aux inégalités. Ils conseillent au quotidien leurs collègues dans leurs parcours de carrière et volonté d’évolution. Interviennent dans les conflits et jouent de leur influence pour peser sur l’employeur. Nous avons interrogé les syndicats sur leur structuration interne et leurs moyens. Pour savoir s’ils étaient suffisants pour couvrir un champ d’action très vaste.

Des secteurs hors de France bien intégrés dans les syndicats nationaux

La FSU est le syndicat majoritaire à l’AEFE. Pour son responsable hors de France, Patrick Soldat :

« En tant que secrétaire national je représente à la fois l’étranger, Mayotte (jusqu’à ce qu’il devienne rectorat), toutes les collectivités d’outre-mer qui n’ont pas de rectorat de plein droit. Et tout ce qui relève des détachés où qu’ils soient ». Et il ajoute « on a par essence un périmètre tellement étendu que, bien sûr, les déplacements coutent chers mais on est assez bien traité dans nos fédérations et syndicats »

PHOTOS DES 3 SYNDICALISTES
Patrick Soldat (FSU), Pascale Canova (CFDT) et Djamel Souiah (UNSA)

Même son de cloche pour Djamel Souiah, Secrétaire général de la section Hors de France du SE-UNSA (syndicat des enseignants) « Nous avons une section à part entière ce qui nous donne de l’autonomie dans notre fonctionnement quotidien. Je suis secrétaire général de cette section depuis 2020 et consacre tout mon temps à l’AEFE. Nous avons les moyens suffisants pour gérer les affaires courantes mais parfois des moyens pas totalement suffisants pour faire du développement »

« Nous sommes vus parfois comme les rock stars du syndicalisme » Patrick Soldat (FSU)

A la CFDT Pascale Canova précise « Notre syndicat a la même structure et la même organisation que tous les syndicats de la CFDT. La seule différence est que nous couvrons la terre entière. Nous avons eu de ce fait de l’avance par rapport aux autres syndicats pour faire face au Covid : tout était en place ; transfert de ligne, bureau virtuel partagé, visioconférence…Deux aspects nous différencient cependant dans notre organisation : avoir à gérer du tout distanciel quasi-systématique, gérer les décalages horaires et les différences de jours chômés ou fériés en France et ailleurs ! » « Nous faisons partie d’une grande confédération, la CFDT, pour qui les liens de solidarité à l’international comptent. Nous disposons donc d’un secteur international et d’un institut, l’institut Belleville, pour la coopération internationale. Nous comptons dans ce contexte d’ouverture sur le monde dans la grande constellation CFDT en tant que syndicat tourné vers l’international. Et nous ne sommes pas abandonnés ! »

Les syndicats hors de France sont-ils des OVNI ?

Sur le sujet de la perception interne de ces secteurs hors de France dans les appareils syndicaux nationaux, les réponses sont également proches. On peut considérer ce secteur comme celui des OVNI du syndicalisme tant les particularités sont grandes.

Patrick Soldat (FSU) » Ce n’est pas facile de ne pas être considéré comme un OVNI. Car notre travail est peu connu. Une des missions est de faire connaitre l’activité en interne. Pour la rendre plus visible.  Djamel Souiah (UNSA) « oui nous sommes vus comme des OVNI avec des stéréotypes qui sont ceux des expatriés. Nous ne sommes jamais là, nous avons toujours une valise à la main, nous sommes vus parfois comme les rock stars du syndicalisme ».

« Dans les appareils syndicaux nationaux, on peut considérer ce secteur Hors de France comme celui des OVNI du syndicalisme tant les particularités sont grandes »

Pascale Canova nuance ce propos : « Nous nous retrouvons sur les questions éducatives avec la fédération mais nos préoccupations statutaires sont différentes en raison des statuts des personnels. Les personnels de l’étranger ont des emplois plus précaires : le détachement donne un sentiment de précarité, les personnels recrutés locaux se sentent souvent plus fragiles d’autant qu’ils sont le plus souvent moins bien rémunérés à travail égal.

ecole du reseau AEFE - crédit Alvaro Portillos
Ecole du réseau AEFE - Crédit Alvaro Portillos

« Par ailleurs », poursuit l’une des secrétaires nationales de la SGEN -CFDT, « pour ces personnels majoritaires dans le réseau, lorsqu’un conflit lié au travail survient, nous agissons pour ainsi dire comme dans le secteur privé. À ce titre, le fait d’être dans une grande confédération constitue une force car nous avons des ressources. Nous sommes une richesse ».

Il y a néanmoins un sentiment collectif d’utilité et de sens dans le service des personnels à l’étranger :

Djamel Souiah « je me rappelle de deux missions en particulier, hors de l’Europe. En Bolivie ou au Ghana. Notre visite était très attendue. Nous avons pu être reçu par tous les décideurs de l’Ambassade sans exception. Nous avons pu formuler des propositions utiles à tous et le dialogue social a été optimal. Faire plusieurs heures d’avion, arriver dans des pays qu’on connait peu mais auprès d’établissements français où les syndicats ont leur rôle, cela vaut vraiment le coup. Nous participons à ce qu’il y ait moins d’isolement des personnels et nous pouvons par notre expérience aider à la résolution de situations en apparence bloquée ».

« Le détachement donne un sentiment de précarité, les personnels recrutés locaux se sentent souvent plus fragiles d’autant qu’ils sont le plus souvent moins bien rémunérés à travail égal », Pascale Canova (CFDT)

Patrick Soldat quant à lui « attache beaucoup d’importance à la formation syndicale. Beaucoup de sujets méritent une formation. Sur des secteurs qui ont bcp évolué comme l’égalité professionnelle ou la souffrance au travail. A l’étranger on n’est pas enfermé dans un domaine, c’est notre force en comparaison du mode de fonctionnement dans l’hexagone qui est souvent plus spécialisé. On est très polyvalents ».

« Faire plusieurs heures d’avion, arriver dans des pays qu’on connait peu mais auprès d’établissements français où les syndicats ont leur rôle, cela vaut vraiment le coup » Djamel Souiah (SE-UNSA)

Pascale Canova insiste sur l’action en matière d’hygiène et de sécurité : « autant de normes à respecter que de pays, de réalités politiques que de pays, avec des catastrophes naturelles, des tensions politiques voire des conflits armés qui ont des conséquences sur les personnels et donc sur notre action. Ces formats sont inédits au MEN (Ministère de l’éducation nationale) qui traverse aussi, selon un angle différent, des situations critiques. Mais le MEN ne rapatrie personne. À l’étranger, ça arrive hélas.

En période de crise, nos collègues recrutés locaux ou détachés doivent être particulièrement accompagnés. Là, oui, nous sommes des OVNI ! »

Nous remercions ces trois responsables syndicaux pour leur disponibilité et de nous avoir partagé leur vision et perception du syndicalisme au sein de l’AEFE. Une véritable plongée dans leurs coulisses.

Auteur/Autrice

  • Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.

    Voir toutes les publications
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire