La dette française s’arrache sur les marchés financiers malgré les ravages de la pandémie de Covid-19, mais son niveau toujours plus élevé interroge sur sa soutenabilité.
260 milliard d’euros empruntés en 2020
« On peut dire, en observant les taux à moyen et long terme, qu’il n’a jamais été aussi facile de placer de la dette », souligne Anthony Requin, directeur de l’Agence France Trésor (AFT), chargée de négocier la dette sur les marchés.
« Et pourtant les opérations restent inhabituelles et exceptionnelles de par leur montant au jour le jour »
nthony Requin, directeur de l’Agence France Trésor (AFT)
La France a emprunté un montant record de 260 milliards d’euros à moyen et long terme l’an dernier en raison des généreux programmes de soutien à l’économie en pleine pandémie. Forte de ses succès, l’AFT prévoit de lever des montants équivalents cette année.
A l’instar de son voisin allemand et malgré une dette de plus de 116 % du PIB, l’Hexagone peut s’offrir le luxe de moins regarder à la dépense car il emprunte beaucoup à taux négatifs.
Le pays s’est engagé à verser en moyenne -0,30 % d’intérêt l’an dernier à ses nouveaux créanciers, tous types d’échéance confondus. Dit autrement, ce sont les investisseurs qui payent l’État pour détenir sa dette, du jamais-vu à ce niveau.
Résultat logique, 39 milliards d’euros ont été acquittés en charge d’intérêts en 2020 par la France, soit 1,6 % du PIB, le ratio le plus bas depuis plus de vingt ans.
Cette situation favorable, la France et ses voisins la doivent à la Banque centrale européenne qui achète massivement de la dette pour lutter contre la crise.
« Tant qu’elle est là, il n’y a pas de raison de s’inquiéter », commente Julien Tisserand, gérant obligataire pour Edmond de Rothschild Asset Management. La BCE devrait selon lui acheter en 2021 autant de dette, voire davantage, que les pays de la zone euro prévoient d’en émettre.
De plus, l’institution faisant dépendre son programme au niveau d’inflation, et celle-ci étant très loin des objectifs (-0,3 % au mois de décembre contre autour de 2% visés), tout laisse à penser que sa politique va durer.
Baisse mécanique
Mais ensuite ? Il faut « rester vigilant à l’évolution du contexte de marché, aux dynamiques d’offre et demande et à la soutenabilité à long terme de nos finances publiques », souligne Anthony Requin.
La dette se creuse avec la crise, mais l’heure n’est pas à l’orthodoxie dans la mesure où la remontée des taux devrait être très lente.
« Grâce à la BCE », le taux moyen payé pour financer la dette « n’a pas arrêté de baisser et va mécaniquement continuer à baisser car on continue à remplacer d’anciennes obligations à taux élevé par des obligations à taux négatif », détaille Eric Dor, directeur des études économiques de l’IESEG School of Management à Paris et Lille.
Comprendre : là où l’État français proposait un emprunt à dix ans à plus de 3 % par an autour de 2011 et doit rembourser le capital à son créancier aujourd’hui, il remplace cette dette par une nouvelle à taux négatif aujourd’hui, qui lui coûte donc moins cher.
Cet avantage pourrait même permettre de stabiliser la dette française autour de 120 %, estime Eric Dor, et potentiellement d’éviter les remous le jour où la banque centrale se retirera.
Il faudrait alors que ce niveau moyen du taux d’emprunt soit inférieur à la croissance nominale (prenant en compte l’inflation) et qu’en parallèle le déficit ou l’excédent budgétaire français hors charge de la dette se maintienne à un certain niveau, calcule-t-il.
Toutefois, même dans un scénario économique favorable l’explosif débat sur l’avenir de la dette liée au Covid-19, entre remboursement, cantonnement, ou annulation, demeurera vif.
D’autant que Bruxelles pourrait en parallèle taper du poing sur la table au sujet du respect du Pacte de stabilité qui impose à la dette des États européens de rester sous 60 % du PIB, règle fleurant aujourd’hui le vestige d’un autre temps
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