2023 et la soutenabilité des dettes publiques 

2023 et la soutenabilité des dettes publiques 

Après quelques hésitations, la Banque Centrale Européenne s’est engagée dans la bataille contre l’inflation. Depuis le mois de juillet 2022, l’augmentation cumulée des taux directeurs s’élève à 250 points de base. Cette progression est la plus forte constatée depuis la création de l’euro en 1999 sur une période aussi courte. Ce processus devrait se poursuivre durant le premier semestre 2023. 

Cette hausse de taux pourrait poser la question de la soutenabilité des dettes publiques pour certains États membres. À la fin du mois de décembre 2022, la BCE a clairement indiqué sa volonté de lutter contre l’inflation, provoquant un rebond des taux des obligations d’État. Ce choix est justifié par le maintien d’un taux d’inflation au-dessus de 10 % et par la progression de l’inflation sous-jacente qui dépasse désormais 6 %. Les taux des obligations d’État à dix ans qui ont été en territoire négatif de 2010 à 2021 sont remontés à plus de 2,5 % en 2022.

5000 milliards d’obligations d’Etat et d’entreprises 

En parallèle aux relèvements des taux directeurs, la Banque centrale a réduit puis supprimé ses rachats d’obligations publiques, ce qui conduit à la hausse des taux. Durant la crise sanitaire, la moitié des obligations des États pouvait être acquise par la banque centrale. En dix ans, la BCE a acheté ainsi pour plus de 5 000 milliards d’obligations d’État et d’entreprises. Son bilan total consolidé est d’environ 8 800 milliards d’euros, contre 1 200 milliards d’euros en 2000. 

En 2022, le taux de l’Obligation Assimilable du Trésor français est passé de 0,2 % à 3,1 %. Pour le titre équivalent, le taux a atteint en Allemagne, 2,5 % contre -0,1 %, en Italie 4,7 % contre 1,4 %, en Espagne 3,6 % contre 0,7 %. Le risque pour la zone euro est la divergence des taux avec la constitution de deux groupes et donc une fragmentation. 

La croissance doit être supérieure au taux d’intérêt réel

La remontée des taux pose pour certains États, notamment ceux d’Europe du Sud, la question de la soutenabilité de leur dette publique. Celle-ci est assurée quand le taux d’intérêt réel à long terme, calculé avec le prix du PIB, est inférieur à la croissance potentielle. 

L’écart entre la croissance potentielle et le taux d’intérêt réel à long terme est positif pour les Pays-Bas (3,10), la Belgique (2,55) l’Allemagne (1,92) et la France (1,16). Il est négatif pour l’Italie (-1,49), la Grèce (-0,28) et pour l’Espagne (-0,05). Il convient de souligner qu’il est positif pour le Portugal (1,47). La poursuite de la hausse des taux par la BCE pourrait donc poser des problèmes pour l’Italie et la Grèce. Ces dernières devront dégager des excédents primaires importants (solde budgétaire avant imputation des intérêts de la dette publique) pour éviter une dérive des taux, ce qui limitera leurs marges de manœuvres pour compenser les effets de la guerre en Ukraine sur leur population. 

A contrario, les États comme la France ou l’Allemagne pourront conserver des soldes primaires positifs. Ils devraient être en Allemagne comme en France supérieurs à 2 points du PIB. Il serait négatif de 4 points en Belgique quand il ne le sera que de 0,5 point de PIB en Italie.

Risque de fragmentation 

Plus les taux progresseront, plus les pays confrontés à un problème de solvabilité de leurs dette publique devront réduire leur déficit primaire voire dégager des excédents primaires. Ils seront contraints de mettre en œuvre des politiques budgétaires restrictives. Cette situation ne pourra qu’alimenter des tensions politiques au sein de la zone euro.

Face à un risque de fragmentation, les autorités européennes n’auront pas d’autre solution que de s’engager dans la voie d’une mutualisation des dettes publiques afin par exemple d’égaliser les taux d’intérêt à long terme que payent les différents pays. Cette mutualisation permettra de réduire les écarts entre les capacités budgétaires des différents États membres. Elle suppose que les États de l’Europe du Nord acceptent de soutenir indirectement les États de l’Europe du Sud. Elle s’inscrit dans un processus de fédéralisme budgétaire qui s’est amorcé lors de la crise sanitaire.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

    Voir toutes les publications
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire