2 chefs Alsaciens dans le monde

2 chefs Alsaciens dans le monde

Le saviez-vous ? La réputation de la riche gastronomie alsacienne a depuis longtemps franchi les frontières de la région ? La « Lebermausse » (souris de foie), le « gâteau au chocolade », « les Fleishknepfles » (boulettes de viande)… sont désormais reconnus sur les plus grandes tables du monde entier. Pourtant quand on évoque la gastronomie française, c’est plutôt Paris, Lyon ou la Provence qui sont nos premiers réflexes. Et pourtant, que de surprises sur les tables alsaciennes qu’elles soient à Strasbourg ou à Dubaï. D’ailleurs, l’Union internationale des Alsaciens nous invitait, ces dernières semaines, à découvrir les meilleurs chefs Alsaciens dans le monde. On en a sélectionné 2 mais ils sont bien plus nombreux. N’hésitez pas à les découvrir sur leur page Facebook.

Jérémie Muller, passionné de cuivres anciens et Chef à Montréal

Né à Haguenau en 1992, l’environnement de Jérémie est propice à une carrière culinaire : une  grand-mère maternelle Pia, lingère à l’Auberge de l’Ill, un grand-père Roger fan de cuisine, collectionneur de livres de cuisine anciens et qui retraité, avait en charge les petits-déjeuners en barque qu’organisait l’Auberge, Tante Nathalie et Oncle Jean-Yves qui dirigent l’établissement étoilé l’Atlantide à Nantes et Alexandre, autre tonton, ancien d’Illkirch qui gérait un hôtel à Tourtour en Provence. On peut dire qu’il était bien entouré notre Jérémie. Il veut voyager alors c’est tout naturellement qu’il entre pensionnaire à Illkirch pour se former en salle, mais la cuisine le happe au passage de sa formation et il reçoit même le prix du meilleur dessert par équipe avec une charlotte aux coings, pain d’épice caramélisé, mousse de coings lors d’une compétition entre écoles.

BTS en poche et quelques stages plus tard, Jérémie obtient son premier CDI chez Yannick Germain à Sessenheim.  » Il m’a aidé à m’épanouir, m’a transmis la rigueur, la technique et l’organisation et pour puis c’est là que j’ai rencontré ma compagne Nina « .  En 2014, il intègre les Haras à Strasbourg sous la baguette de François Baur :  » Je suis arrivé juste une année après l’ouverture.  On faisait 180 couverts par service, sans rangement ni stockage, c’était dur mais j’ai appris à diriger une équipe. J’étais premier chef de partie, c’est un poste tournant : on remplace quand il y a un besoin, on apprend beaucoup et vite « .  

Jérémie Muller avec Vincent Barbier, grand maitre émérite de la confrérie des chevaliers du tastevin / @Victor Large
Jérémie Muller avec Vincent Barbier, grand maitre émérite de la confrérie des chevaliers du tastevin / @Victor Large

Puis, il débarque chez Bocuse grâce à Marc Haeberlin, Jérémie et Collonges :  » je suis arrivé pour l’entretien hyper stressé avec trois chefs MOF en face de moi dont deux alsaciens Christophe Muller et Gilles Reinhardt. C’était impressionnant. Nous étions 7 nouveaux ce jour-là ». Quelques mois plus tard, nous n’étions plus que deux. L’ambiance est très bonne mais la compétition entre les nouveaux est ardue. Ma plus belle victoire, c’est d’avoir tout fait chez Bocuse, garde-manger, rôtisseur, saucier, faire le billaud. Quelle expérience acquise !  » Jérémie est intarissable sur Mr Paul qu’il respecte profondément « . Tous les matins, il arrivait à l’entrée de la cuisine et observait. Chacun venait le saluer un par un. Il regardait tout. Un jour, Mr Paul appelle Olivier.

J’étais au poste de poisson à trois mètres de lui et je travaillais des tuiles à l’encre de seiche. Olivier revient vers moi et me dit avec un sourire :   » Mr Paul pense que tu brûles les tuiles ! « . C’est aussi là que Jérémie découvre que les casseroles en cuivre centenaires de Mr Paul sont super efficaces malgré leur vénérable âge. Commence alors la passion des brocantes pour trouver de vieilles casseroles en cuivre : Jérémie les achète et les restaure. Idem pour les livres de cuisine.  » J’ai trouvé et restauré des casseroles de 1870 provenant du restaurant les Ambassadeurs au Crillon « . Notre passionné passe une bonne partie de son salaire dans cette passion, mais qu’importe, c’est beau et il aime ça ! 

Jérémie reste 4 ans à Collonges le temps que Nina termine sa licence à Lyon et voici que leur rêve de voyages ressurgit : en 2018, coup de foudre pour le Québec et Jérémie prend le poste de sous-chef dans l’un des meilleurs restaurants portugais de la ville « chez Helena ». Cette grande dame de la cuisine, Helena Loureiro  possède plusieurs établissement au Québec  et offre ainsi  à Jérémie de s’épanouir complètement en revisitant les plats traditionnels portugais.  » Nina et moi sommes tombés en amour avec les grands espaces, la pêche en chaloupe du Lac St Louis, le rituel du chalet avec les amis etc « . mais aussi tombés en amour de leur chien récupéré dans la rue par la SPCA et qui s’appelle… devinez ?…Copper !

Sa recette : Stör Grumbeeresalad ou Salade de pommes de terre à l’esturgeon fumé, argousier confit à l’érable

Ingrédients pour 4 personnes :

  • 600 g de pommes de terre Yukon ou Bintje, 200 g d’esturgeon fumé. Pour la sauce : 3 échalotes ciselées, 200 g de crème sûre (version québécoise de la crème fraiche), 1 c.a.s de moutarde à l’ancienne, 2 c.a.s de vinaigre de Xérès ou Melfort, 1 c.a.s de sauce Worcestershire, 2 gousses d’ail hachées, persil, ciboulette, estragon, sel et poivre du moulin.
  • Pour l’argousier : 100 g de baies d’argousier, 100 g d’eau, 25 g de sucre, 25 g de sirop d’érable.
  • Pour la décoration : 4 pommes de terre grelots, jeunes pousses de votre choix.

Réalisation :

  • Faire cuire les pommes de terre avec la peau dans l’eau salée. Pendant ce temps, ôter la peau de l’esturgeon fumé et tailler la chaire en petits cubes. Faire la sauce, en incorporant tous les ingrédients dans la crème. Pour les baies d’argousier, réaliser un sirop avec l’eau, le sucre et le sirop d’érable. Une fois le sirop à ébullition, verser sur les baies et laisser refroidir.
  • Eplucher les pommes de terre cuites AVANT qu’elles ne refroidissent puis les tailler en cube et mélanger avec la sauce et l’esturgeon.
  • Rectifier assaisonnement au besoin.
  • Pour la décoration, utiliser une mandoline et tailler les pommes de terre grelots en tranches très fines et les frire dans une huile à 180 degrés.
  • Pour le dressage, déposer la salade de pomme de terre au milieu de l’assiette. Décorer en plantant les chips frites sur toute la surface, ajouter quelques baies d’argousier. Finir avec des pousses et du caviar selon votre envie.

Hervé Paulus ou l’autodidacte mulhousien qui nous met "L’Ô à la bouche"

On l’a connu à l’Ancienne Forge à Hagenthal puis dans son Hostellerie Paulus à Landser. À chaque fois, l’homme décroche une première étoile Michelin. Bardé de médailles, récompenses et prix, Hervé Paulus me sidère : non, il n’a pas fait Illkirch, non il n’a pas fait le tour du monde des plus beaux établissements comme beaucoup de ses congénères mais, seulement quelques mois par-ci par-là, certes dans de belles maisons étoilées alsaciennes mais sans formation réelle. Cuisiner pour Hervé, c’est presque d’instinct, ce qui ne veut pas dire facile : à force d’observation, de travail acharné, de défis et d’audace, le Paulus magnifie des produits simples et frais, et c’est peut-être son secret. 

Né en 1963 à Mulhouse de parents lorrains, c’est plutôt dans les jambes de la grand-mère qu’Hervé commence l’observation en cuisine. Après le brevet des collèges, il veut faire «cuisinier » et part en stage chez Meistermann à Colmar. « Ce n’était pas dur, c’était très dur mais le métier me plaisait « . Il veut s’inscrire à l’école hôtelière de Guebwiller. Refus sec de l’établissement. Sa maman lui explique alors qu’il faut persister en téléphonant, expliquer sa situation, insister, re-téléphoner. Sa ténacité paie, il est accepté et effectue son BEP sans aucun apprentissage.  » Je me souviens de mon premier jour en cuisine à Guebwiller : on me demande de faire un potage «julienne Darblay », je n’en avais aucune idée « .

Après son service militaire, Hervé fait un passage au Fer Rouge à Colmar, puis intègre la brigade du Rendez-vous de Chasse de l’hôtel Bristol à Colmar. « Tous les soirs, Mr Riehm dinait au restaurant et me demandait un petit défi en cuisine. Un jour, il me fait appeler : Vous êtes quoi en cuisine ? Commis. Combien gagnez-vous ? 2200 F. Faire à manger ainsi, pour 2200 F, bravo ! Le mois suivant mon salaire avait doublé « . A 22 ans, c’est l’Ancienne Forge qui lui offre l’opportunité de travailler dans d’excellentes conditions. 

« Au fur et à mesure, on a ajouté des nappes et de l’argenterie. J’allais chez les autres par curiosité pour observer et découvrir. Un jour, je visite la Tonnelle à Riedisheim et c’est le déclic, c’était beau, c’était bon. Je faisais une cuisine sans queue ni tête, il fallait que je change ». Gilles Pudlowski l’encense dans les DNA et Le Point. La presse découvre Hervé. L’année suivante, Pudlo débarque sans prévenir avec Bernard Loiseau :  » On n’a pas le temps, fais nous quelque chose de rapide car il y a le match de football à la TV et on ne veut pas le louper « . En deux secondes, Hervé les installe avec un plateau TV et le menu dégustation devant Milan-Marseille.

Hervé Paulus
Hervé Paulus

Soirée exceptionnelle et pleine de souvenirs. Un autre jour, un inspecteur commande le perdreau aux choux et foie gras. Il est stupéfait. Hervé l’emmène en cuisine et lui montre son secret d’alors : une chambre froide pour faire faisander les viandes. Quelques mois plus tard en 1994, il rencontre sa femme Stéphanie et obtient sa première étoile au Michelin. Puis coup de foudre pour une vieille bâtisse à Landser qu’ils rénovent pour ouvrir leur propre restaurant l’Hostellerie Paulus en juin 1996. Concept simple, peu de personnel, des produits frais, une jolie décoration et une nouvelle première étoile tombe en mars 1998. Entre temps, collaboration sur France 3 avec Joël Robuchon, deux filles Camille et Mathilde et toujours reconnaissance de la presse. 

En 2013, l’interdiction de fumer, la baisse des ventes d’alcool, la récession poussent les Paulus au dépôt de bilan. Le couple rend alors leur étoile, paient leurs dettes et partent en vacances à Marrakech. Nouveau coup de foudre. Pendant 5 années, Hervé est Chef sur place. Le hasard fait qu’il rencontre Denis et Philippe natifs de Remiremont. Le courant passe, ils s’associent et décident l’ouverture en 2019 de la brasserie française  » l’Ô à la bouche ».

On y déguste terrine de lapin à la pistache, os à moëlle rôti au four, tête de veau sauce gribiche, tomate à la chair d’araignée, baba au rhum, crème brulée… Une fois de plus, la recette des produits authentiques et simples réussit à notre autodidacte alsacien. Et c’est lors des escapades de fin de semaine à Essaouira ou encore Agadir avec le petit-fils Léo que le couple savoure un bonheur lui aussi simple et authentique. On les envie.

Sa recette : Tomate à la chair d’araignée

Ingrédients :

  • 200g de chair d’araignée, 5 belles tomates, 2 c à s. de mayonnaise, 5cl huile olive, ciboulette, le jus d’un citron, sel et fleur de sel, poivre, pousses de salade et piment d’Espelette

Réalisation :

  • Monder les tomates et les couper coté pédoncule.
  • Les évider avec une cuillère à pomme parisienne.
  • Mélanger la chair avec le jus de citron, sel, poivre, mayonnaise et ciboulette hachée.
  • Farcir les tomates de la préparation. Lustrer les tomates avec huile d’olive et disposer au centre de l’assiette avec les pousses de salade. Parsemer de fleur de sel et de piment d’Espelette ;

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